Le roman policier est un genre assez récent en littérature. Avec des prémisces au XIXè, il connait son premier âge d'or fin XIXème, début XXème, avec les grandes figures que furent
Conan Doyle ou
Agatha Christie. Pourtant, il reste classé dans les "mauvais genres", avec la SF, la fantasy, le thriller, déconsidéré par les critiques établies, ne pouvant décemment pas accéder au prestige des prix littéraires reconnus, tels le Goncourt ou le Nobel (attention, ironie inside, pour ceux qui ne pratiqueraient pas le second degré, j'anticipe les commentaires acides !). le roman historique, au contraire, a pignon sur rue. Il a charge de nous cultiver, ne fait évidemment pas appel à nos bas instincts à l'affut du sordide, mais bien à notre curiosité intellectuelle souveraine qui ne demande qu'à être assouvie... et du coup a peut-être aussi tendance à rebuter un lectorat plus jeune en recherche de sensations fortes.
Le duo était donc fait pour s'entendre, ayant chacun besoin des lecteurs de l'autre et pouvant puiser chez son voisin les avantages qui lui faisaient défaut. le roman policier historique est donc fun mais légitime, excitant mais enrichissant... (comme si ces adjectifs devaient être des contraires, non mais je vous jure, pour qui ils se prennent ces critiques amateurs de Babelio...)
Nicolas le Floch est devenu depuis 20 ans un représentant emblématique de ce genre, survivant même à son créateur
Jean-François Parot en 2018, puisque Joffrin a repris
le flambeau en 2021 (je ne sais pas quel est le sentiment des fans sur cette reprise, je ne suis qu'un petit novice dans la série !). La saga nous plonge dans la France du XVIIIème siècle, au coeur du règne de Louis XV, dans une période de l'histoire de France décisive pour la France moderne, puisqu'elle aboutira finalement à la Révolution Française, mère de notre démocratie (après quelques remous napoléoniens, j'en conviens, mais on ne va pas chipoter, on est là pour le fun je vous ai dit... Je vois bien que vous ne me lisez pas correctement, je le vois...)
Et on sent bien que
Jean-François Parot était au courant de la fin de l'histoire quand il a construit son personnage principal. Enfant abandonné, protégé par un parrain noble mais ne pouvant avoir de trop grandes ambitions de par sa naissance obscure, Nicolas est un enfant de son siècle, enclin à remettre en cause certains privilèges, proche des "gens de peu" (domestiques, prostituées...), il est fabriqué sur mesure pour nous faire sentir les récriminations de ce peuple qui gronde. Ce n'est pas encore trop le cas dans cet opus, mais on sent bien que le décor est planté pour que ce soit possible par la suite. On a donc tous les bons ingrédients d'une saga historique, avec un personnage auquel on peut s'identifier facilement, doué mais un peu maladroit, en apprentissage du métier d'enquêteur... qui était d'ailleurs un peu dans ses balbutiements.
La police ne concevait pas encore qu'elle pouvait être scientifique, la médecine n'était que très peu légale, bref, on fait avec les moyens du bord. On parvient tout de même à cocher les cases du roman policier, des cadavres, des suspects tout trouvés trop évidents, des complicités à dévoiler, des indices mystérieux. Rien de trop alambiqué, le final à la Christie avec la confrontation des différents suspects n'aboutira pas à des révélations époustouflantes, on avait à peu près tous compris qui avait fait quoi, mais le côté attachant du personnage principal nous fait apprécier sa réussite au dénouement, l'enquête ne pouvait pas non plus être insoluble puisqu'elle devait être démêlée par un novice. La crédibilité est à peu près sauve.
Le dosage est vraiment réussi entre visites d'un Paris aux rues ayant parfois disparues de nos jours, recettes de cuisine d'époque et cours de mode sous Louis XV, scènes d'action pas du tout ridicules (vous me direz des nouvelles d'un affrontement à l'épée dans le noir). On ne s'ennuie pas, on bénéficie d'un bain historique dans une période que je ne connaissais que peu, l'école m'ayant appris plus de chose sur la saison 14 et la saison 16 des Louis et ayant passé sous silence pas mal d'épisodes de la saison 15. le mixage des genres est donc réussi et la saga mérite son succès, bien accompagné par l'adaptation en série télé qui lui aura amené des lecteurs. Je pense que je continuerais un peu à lire la version papier avant d'aller jeter un oeil à l'adaptation... ne serait-ce que parce que l'épisode un est l'adaptation du deuxième roman !