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Véronique Patte (Traducteur)
EAN : 9782259210195
126 pages
Plon (01/10/2009)
3.84/5   22 notes
Résumé :

Avec ces réflexions, fruit d'une vie entière de voyages, Ryszard Kapuscinski pose un oeil nouveau sur le concept de l'Autre en Occident. A travers le prisme de ses rencontres en Afrique, en Asie et en Amérique latine, il observe la vision du monde qu'a cultivée l'Occident au-delà des frontières européennes, de l'Antiquité à aujourd'hui. Il examine ainsi le regard porté par nos sociétés sur les ha... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
"Quand je réfléchis aux voyages que j'effectue dans le monde depuis longtemps déjà, il me semble que le problème le plus inquiétant ne concerne pas tant les frontières et les guerres, les obstacles et les dangers que l'incertitude permanente sur le genre, la qualité et le déroulement de la rencontre avec l'Autre [...]" (p. 91)

Dans ce petit volume qui réunit quatre conférences (1990-2004), les thèmes de l'altérité, du multiculturalisme, de la rencontre, de la posture face à l'Autre sont posés sous l'angle de l'expérience professionnelle du grand reporter polonais (1932-2007), correspondant aux quatre coins du monde dès les années 50. Il ne s'agit donc pas d'une réflexion philosophique ou sociologique ou politologique mûrie dans la tour d'ivoire de la recherche - d'où une certaine légèreté conceptuelle et facilité de lecture -, bien que des références notamment à la pensée d'Emmanuel Levinas (fort moins abordable, par contre) soient amplement utilisées. Mais il s'avère qu'une stricte parenté de méthode et d'éthique existe entre le travail de terrain de l'anthropologue et "le reportage [qui] est le genre littéraire le plus collectif qui soit puisque des dizaines de gens - les interlocuteurs que nous rencontrons sur notre route - contribuent à sa création en nous racontant des histoires de leur vie, de leur communauté, des événements auxquels ils ont participé ou dont ils ont entendu parler." (p. 14).
Ainsi, par exemple, le reporter avisé se rend compte que dans cet Autre qui le renseigne se superposent deux êtres : un individu - qui n'est pas si Autre que ça... - et un représentant désigné (par l'observateur) comme dépositaire de caractéristiques culturelles, religieuses, idéologiques collectives et radicalement autres. Qui plus est, l'observateur n'est pas neutre dans la mise en exergue toujours provisoire et instable de l'un ou de l'autre de ces deux êtres s'influençant réciproquement puisqu'ils ne forment qu'une seule et même personne ! de même, le reporter, comme l'anthropologue, aura vite fait de s'apercevoir qu'il est l'Autre pour l'Autre, et de se demander quelles sont les caractéristiques de son altérité qui priment auprès de son interlocuteur, lesquelles ne sont peut-être pas les mêmes qui font de "son" Autre l'Autre. Cela devient vite un peu compliqué. Surtout si l'on devine que l'Autre est surtout, d'abord, souvent, le reflet de Soi...
Toutes ces complications semblent toutefois dérisoires face à la véritable complexité qui entoure les enjeux de la rencontre, pourtant d'autant plus actuels et pressants que notre monde est de plus en plus globalisé. A condition, bien sûr, d'avoir la volonté, l'humilité et la disposition éthique du véritable voyageur, concept presque antithétique de celui du touriste aventurier... Car enfin: "Le voyage volontaire, le voyage comme mode de vie est aussi rare que l'envie d'apprendre. Les gens s'intéressent généralement peu aux autres." (p. 18)...!
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Kapuscinski a observé, examiné et rencontré « Cet Autre » qu'il décrit avec tant de passion. Difficile à définir, il tente de circonscrire l'Autre selon les cultures et les représentations de chaque époque, et il partage ses impressions dans ces quatre conférences qui constituent l'essentiel de ce précieux petit livre. Pour cela, il s'appuie sur ses voyages, ses observations, ses rencontres, mais aussi sur une quantité de lectures philosophiques, anthropologiques, sociologiques et littéraires: Emmanuel Lévinas, Joseph Tischner, José Ortega et Grasset, Simmel, Sapir, Rivers, Radcliffe-Brown, Evans-Pritchard, Malinowski, Rousseau, ...
Ce livre est avant tout une réflexion, reposant sur du vécu et non du fantasme ou de l'imagination, reposant sur les rapports de domination entre Hommes. Kapuscinski le dit lui-même : « Conquérir, coloniser, dominer, soumettre sont des réflexes qui se répètent dans l'histoire du monde. L'esprit humain ne parvient à la notion d'égalité que tardivement, des millions d'années après l'apparition des premières traces de l'homme sur Terre. » Il faut donc se donner comme but l'égalité entre les hommes. Encore aujourd'hui, cette égalité semble bien loin des réalités vécues par les peuples (des pays développés compris). Il reste un long chemin à parcourir, d'aucuns diront que nous nous éloignons de ce but, avant d'arriver à ce qui était recherché au 17ème et au 18ème siècles par certains philosophes; notamment Albrecht von Haller : « Il n'existe rien de tel pour dissiper les préjugés que la connaissance de nombreux peuples aux coutumes, aux droits et aux opinions différentes: la diversité qui, au prix d'un petit effort, nous apprend à rejeter ce par quoi les hommes se différencient et, par la voix de la nature, à remarquer ce en quoi tous les peuples sont compatibles: car les premiers droits de la nature sont les mêmes pour tous les peuples. N'offenser personne, reconnaître à chacun ce qu'il lui revient … » Pour cela, il est nécessaire d'aller vers l'Autre et de provoquer cette rencontre. Il faut s'efforcer de connaître la vision du monde de mon Autre, de la comprendre pour mieux l'appréhender. Selon Kapuscinski, cette connaissance passe par trois composantes : la couleur de la peau (autrement dit la « race »), le nationalisme et la religion. Une fois ces caractéristiques prises en compte, le dialogue peut se faire. La communication peut avoir lieu. La relation à l'Autre est alors possible sans haine ni tragédie. Et c'est ainsi que j'appréhende mon Autre; avec ouverture et humilité. Puisse cette philosophie du dialogue inspirer nos gouvernants …
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J'ai été tellement emballée à la lecture d'Ébène, récit des aventures africaines de Ryszard Kapuscinski, que je me suis empressée d'acquérir ses autres ouvrages, dont Cet Autre, qui reprend quelques-unes des conférences de l'auteur données entre 1990 et 2004.

L'auteur convoque des philosophes, des anthropologues : Emmanuel Levinas, Józef Tischner ou encore Bronisław Malinowski, pour enrichir sa réflexion sur cet autre, l'alter ego de chacun, celui que l'on rencontre dans la rue ou que l'on refuse de voir. Retournant l'analyse, Kapuscinski se demande quel Autre il est lui-même : ce qui le définit continuellement au regard de l'autre, qu'il soit européen, africain ou asiatique, c'est sa couleur de peau, puis sa nationalité, puis bien sûr sa religion. Triptyque récurrent d'une rencontre, qui forge l'identité de son interlocuteur, et qui donne des clefs pour savoir si l'on va lui faire la guerre, coopérer avec lui, ou s'en isoler.

Ce très court essai propose aussi de pertinentes réflexions sur les liens qu'entretiennent Histoire et Littérature, et la manière dont certains évènements contemporains ont été occulté du domaine des romans. Une lecture intéressante sur le thème de l'altérité et de l'identité.
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Un des beaux livres de Kapuscinski, un remarquable et trop méconnu.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Quoi qu'il en soit, le monde dans lequel nous entrons est la Planète de la grande Opportunité. Cette chance n'est toutefois pas inconditionnelle, elle n'est offerte qu'à ceux qui prennent leur mission au sérieux, et montrent donc qu'ils sont sérieux. C'est un monde qui donne beaucoup potentiellement, mais exige beaucoup en contrepartie, un monde où les tentatives de résoudre les problèmes par la facilité et les raccourcis mènent inéluctablement à une impasse.
Dans ce monde, nous serons sans cesse confrontés à un nouvel Autre qui, peu à peu, émergera du chaos et de la confusion de notre contemporanéité. Il se peut que cet Autre naisse de la confluence de deux courants opposés créant la culture du monde actuel : un courant qui globalise notre réalité et celui qui préserve nos différences, notre originalité et notre singularité. Il se peut qu'il soit le fruit et l'héritier de ces deux courants. C'est la raison pour laquelle nous devons nous employer à dialoguer avec lui et à le comprendre.
Ma longue expérience de cohabitation avec un Autre très éloigné de moi m'apprend que seule la bienveillance à son égard est susceptible de faire vibrer en lui la corde de l'humanité.
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L'étranger, l'Autre, dans son incarnation tiers-mondiste (et donc l'individu le plus représenté sur notre planète) continue d'être traité comme un objet de recherche. En revanche, il est encore loin d'être devenu notre partenaire, responsable à part entière du destin de la Terre, sur laquelle nous vivons.
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Non qu'il soit nécessaire de se ruer en masse sur un point chaud du globe, comme le golfe Persique par exemple, mais le fait que la littérature ignore souverainement le drame du monde qui est en train de se dérouler sous nos yeux, qu'elle abandonne la narration des événements cruciaux de notre temps aux cameramen et aux opérateurs de son représente, pour moi, un signe de crise profonde entre l'histoire et la littérature, un signe du désarroi de cette dernière face aux événements du monde contemporain.
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Pour être bref, elle considère que puisque le langage structure la pensée et que nous parlons des langues différentes, nous créons chacun pour soi une image du monde différente de celle des autres. Ces images ne coincident pas les unes avec les autres, elles ne sont pas interchangeables.
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Comme le fait remarquer, à juste titre, le professeur John Lukacs, le nationalisme est l'un des "ismes" les plus puissants que l'homme ait connus à la fin du XXème siècle.
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Videos de Ryszard Kapuscinski (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ryszard Kapuscinski
25 octobre 2013
Quand Ryszard Kapuscinski arrive comme journaliste en 1958 à Accra, la capitale du Ghana, il ne peut soupçonner que ce voyage sera le début d'une passion qui ne le quittera plus jamais. Pendant des années, ce grand reporter doublé d'un écrivain sillonne le continent noir, habite les quartiers des Africains, s'expose à des conditions de vie qu'aucun correspondant occidental n'aurait acceptées. Observateur exceptionnel, il croise des potentats comme Nkrumah, Kenyatta ou Idi Amin, témoigne de coups d'Etat et de guerres civiles ; il essuie des fusillades, affronte des tempêtes de sable et supporte l'indescriptible chaleur africaine. Mais Kapuscinski s'intéresse surtout aux gens et sait gagner leur confiance. le tumulte de la vie quotidienne africaine le passionne davantage que les corruptions, les épidémies et les guerres meurtrières. Ce livre majeur, attendu depuis longtemps, a reçu en 2000 le prestigieux prix littéraire italien Viareggio. "(...) un chef-d'oeuvre hybride et bouleversant ; peu de livres ont fait sentir l'Afrique d'aussi près." Jacques Meunier - "Le Monde"
+ Lire la suite
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