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EAN : 9782912464538
147 pages
Les Solitaires Intempestifs (24/08/1999)
4.45/5   22 notes
Résumé :
Louis revient dans son pays lointain - celui où il est né, celui de ses racines - dire à sa famille qu’il va mourir. Il emmène avec lui la famille qu’il s’est construite dans son exil.
Ces deux familles, celle dont on hérite et celle qu’on se fabrique, se rencontrent, s’opposent, s’associent pour mieux connaître Louis, l’aider à raconter. Les morts aussi reviennent pour l’occasion. Les revenants.

Jean-Luc Lagarce retrousse ses manches et “décor... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ce n'est pas comme si on allait au théâtre.
Ce n'est pas comme si on en lisait.
Ce n'est pas un texte testament.
Ce n'est pas pas la mise en scène des adieux.
Ce n'est pas un règlement de comptes.

Avec les autres. 
Avec la  vraie famille, celle qu'on subit. Et l'autre, celle qu'on choisit.
Avec soi-même , en fin de compte, les comptes.

C'est quelque chose  d'un peu tout ça, le Pays lointain.

Écrit en septembre 1995, pas vraiment achevé, puisque c'est la mort de Lagarce en  octobre 1995 qui s'est chargée de mettre le point final à  ce texte théâtral hors norme - 150 pages,  denses, tellement  écrites, tellement tâtonnantes, les phrases, à la recherche du mot, du mode, du ton  justes, et par là- même si prodigieusement exactes, les phrases, malgré ou du fait des rectifications successives, qu'elles créent ce phrasé répétitif, millimétré, cette petite musique qui n'appartient qu'à  lui, Lagarce -
enfin , n'appartenait, puisqu'il est mort, laissant la mort achever son dernier texte, mais ça je l'ai déjà dit, non, je crois que je l'ai dit. Je l'ai dit.

Louis revient, comme dans Juste la fin du monde, dire aux siens qu'il va mourir, mais non, pas comme ça,  plus comme ça,  cette fois, il est si loin, déjà, si effacé du monde des vivants, presque mort, en fait, pas encore mais presque, que l'écriture c'est sa perf'.

Alors il va changer  le jeu, parler de plus loin, tout se permettre.

Elle lui permet tout, l'écriture, elle lui permet, l'autorise- c'est le mot-,   elle l'autorise à  convoquer les tout à fait morts - son père, un jeune Amant, parti un peu avant lui, le presque mort , et quelques garçons, aussi - c'est un cimetière, les amours homosexuelles en 95- et à mêler les morts aux vivants, à faire se confronter dans l'imaginaire tout-puissant de l'écriture  théâtrale,  sa perf' à lui, faire s'affronter, se rejoindre, s'entendre,  même contre lui, sa famille réelle et celle qu'il s'est inventée, à Paris, loin de la ville natale, lointaine ville,  espèce de ville , où il a vécu, où il vivait. Où il ne reviendra plus jamais.

Et puisqu'on peut tout dire, désormais,  en distribuant les rôles -tous les guerriers, tous les garçons,  ont aussi leur mot à dire, même le guerrier d'une nuit, même le garçon qui s'est pendu, même le garçon fou-,  l'ami de Longue Date qui lui a sacrifié sa vie de couple, l'ami qui   l'accompagne pour ce dernier voyage, qui est à ses côtés, il a son mot à dire aussi, l'ami, c'est le moment, le dernier moment, et puisqu'il est avec lui - il l'est toujours, il l'accompagne- , ce sera plus facile de leur donner à tour de rôle la parole, à  tous, à l'ami de Longue Date, bien sûr,  et aux garcons morts, ceux qu'il a oubliés, celui qu'il a préféré -il leur dit à tous, qu'ils sont ses préférés, mais celui-là le croit, l'a cru-,  il faut leur donner à tous la parole,  au  frère caractériel, et blessé,   à la soeur admirative,  et furieuse, à la mère protectrice, et sans illusion,  leur donner toutes les  paroles , les leur ecrire, là , pour qu'enfin ils dressent le portrait de Louis, le portrait sans concession- ce n'est quand même pas une excuse de mourir bientôt, il les a toujours maintenus à distance, avec son petit sourire, son flegme, son absence, sa peur de s'engager, de donner, de promettre , il veut leur annoncer sa Mort, il ne pourra pas, maintenant il va falloir qu'il les entende- qu'il écoute leurs paroles avant qu'il ne puisse plus leur en écrire aucune.

Et sur la scène de l'Odéon, dans la mise en scene parfaite de Clement Hervieu-Léger, quatre heures, quatre heures comme ça,  sur le fil du rasoir, avec un texte incandescent un texte diabolique à dire - et à apprendre!- un texte qui vous fait des trous dans la peau, comme des balles, un texte qui vous scotche à son rythme comme une musique de Steve Reich ou de Philip Glass, un texte qui fait danser les corps sous l'aiguillon des mots, dans  un  ballet lancinant  comme le Rain de Anne Teresa de Keersmaker.

Quatre heures poignantes, cruelles, drôles,  tendres, méchantes.

Quatre heures de pur théâtre.

Mais aussi un pur texte à lire, d'une urgence, d'une pertinence, d'une vérité soufflantes.

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Le pays lointaint est le dernier texte écrit par JL LArce. L'auteur mort du sida en 1995 à mis la maladie au centre des plusieurs de ses pièces.
Le pays lointain raconte l'histoire de Louis, retournant dans sa famille afin d'annonce sa prochaine mort.
L'auteur aborde ici les difficultés d'une maladie incurable.
Comment dire la vérité à ses proches et enfin comment pouvoir partir l'esprit tranquille et ne pas avoir de regrets.

Les personnages sont complexes mais types : Longue Datel'ami de toujours, la mère, le père; Antoine le frère, Suzanne la soeur, Catherine la belle soeur et Hélène. Certain sont sans rôle particulier : "un garçon, tous les garçons" ou "Le guerrier, tous les guerrier" qui opèrent dans la pièce comme des machinistes qui jouent les rôles des hommes que Louis a croisés durant sa vie. L'univers de la pièce semble alors être le lieu d'une multiplication, d'une mise en résonance où s'additionnent les figures, les voix et les expressions de tout ce que le mourant a connu dans son existance.

Si la pièce fait réfléchir à la façon d'aborder la mort, elle nous fait également réaliser l'importance de nos deux familles : celle de sang et celle que l'on se choisit ; sans les deux, il n'y a pas d'équilibre ni de repère.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
LOUIS - Tout le temps que tu passes désormais près de moi, auprès de moi
- je ne sais peut-être pas tout, certainement pas tout, mais je t'imagine mal vivant en dehors de la vie que nous menons, et si tu vis une autre vie, mènes une autre vie, je ne sais pas, elle ne peut être douce, douce et bonne, elle ne saurait être douce et bonne puisque secrète, et arrachée en cachette à celle que nous vivons ensemble-
tout le temps que tu passes désormais près de moi, sans que je m'en sois rendu compte, tu l'as perdu aussi et tu as renoncé à toute autre vie qu'à cet accompagnement. Ta vie aussi est détruite, et plus détruite encore que la mienne.
J'ai pensé ça.
Nous sommes ensemble, sans sexualité, jamais, les autres ne le comprennent pas, sans autre vie que cette drôle de vie , là , marchant.
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L'AMANT, MORT DÉJÀ - Histoire donc, ce que tu as dit, histoire d'un jeune homme, d'un homme jeune encore, d'un homme jeune à l'heure de mourir, qui décide de revenir sur ses traces, revoir sa famille, retraverser son Monde, à l'heure de mourir.
Histoire de ce voyage et de ceux-là, tous ceux-là perdus de vue, qu'il rencontre et retrouve, qu'il cherche à rencontrer et retrouver.
Cette légende, celle-là qu'on raconte aux enfants:
'à l'heure de sa Mort, revoir toute sa vie'.
Et légende encore, celle-là pour les agonisants à peine terrifiés qu'on souhaiterait voir s'apaiser:
à l'heure de sa Mort , pouvoir, juste, régler quelques comptes, revoir quelques erreurs, terminer ce qu'on abandonna, s'excuser de ses mensonges, 'pardonner ses offenses', l'expression exacte, me souviens de ça , finir les conversations inachevées, conversations en suspens qui toujours nous préoccupèrent, et obtenir
"Qu'est-ce que cela fait, maintenant, on peut te dire"
Et obtenir le fin mot des histoires, l'exacte vérité.
Je l'accompagne.
Tu l'accompagnes encore, tu marches à ses côtés ?

LONGUE DATE - Oui. Je serai juste là .

LOUIS - Je raconte.
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Nous pensions que, en effet, nous ne t'aimions pas assez, ou du moins, que nous ne savions pas te le dire ( et ne pas te le dire, cela revient au même, ne pas te dire assez que nous t'aimions, ce doit être comme ne pas t'aimer assez).
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LE PÈRE, MORT DÉJÀ. — Moi, je n'ai jamais rien vu, de ma vie, je n'ai jamais rien vu, que ce coin-ci, cet endroit, ville, sorte de ville, j'y suis né, et j'y ai travaillé et lorsque j'en ai eu fini, je suis mort, comme une fin logique, on n'avait plus besoin de moi, je n'ai rien connu d'autre, pas un seul pays étranger, même Paris, lorsque j'y pense, je n'y suis jamais allé, n'importe qui ici, dans cet endroit, n'importe qui ici va à Paris, il prend le train et il va à Paris, ce n'est plus un immense voyage impressionnant, tout le monde peut se l'offrir, des hommes qui sont ouvriers comme je l'étais, ils ne gagnent pas plus que moi, et la vie ne leur est pas plus facile, ils partent, ils prennent le train et ils partent, ils peuvent, ils voient Paris, au moins ça, les pays étrangers, je ne dis pas cela, les capitales étrangères, je ne dis pas cela, mais Paris, au moins, Paris, ils peuvent le voir et en garder le souvenir. Et je me disais, lorsque je serai vieux, plus vieux, lorsque j'en aurai terminé de travailler, j'irai à Paris, mon fils aîné y habite, je lui écrirai, et je lui proposerai de venir le voir, d'aller le voir — un grand nombre de choses que je voulais lui dire, on croit qu'on en sera capable, et faire ce voyage — là aussi pour les lui dire, je voulais ça —
et cela même, je ne l'ai pas eu, Paris, non, pas même ça, je suis mort juste avant de profiter, ce qu'on dit, juste avant de profiter.
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SUZANNE - Mais jamais,
nous concernant,
jamais tu ne te servis de cette possibilité, de ce don
'pouvoir nous ecrire' - on dit comme ça, c'est une sorte de don, tu ris - jamais, nous concernant, tu ne te servis de cette qualité- c'est le mot, drôle de mot- jamais tu ne te servis de cette qualité que tu possèdes, 'écrire bien', avec nous, pour nous.
À notre égard.
Tu ne nous en donnes pas la preuve, tu ne nous en juges pas dignes.
C'est pour les autres.
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Quelle pièce de théâtre sur l'impossibilité de communiquer au sein d'une famille fut écrite par un écrivain atteint du sida et mort à 37 ans sans qu'aucun théâtre l'ait accepté ? Aujourd'hui, c'est un classique ?
« Juste la fin du monde », de Jean-Luc Lagarce, c'est à lire en poche chez Etonnants classiques.
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