Sur le point d'ouvrir, il hésita. Seulement alors, et tout à coup, il se rendit compte que ce n'était pas lui qui venait d'allumer le vestibule, mais que, à son arrivée, les trois ampoules du lustre répandaient déjà leur triple lumière.
« Bizarre, se dit-il. Personne pourtant n'a pu venir ici depuis mon départ, puisque les domestiques avaient congé. Dois-je admettre que je n'ai pas éteint derrière moi lorsque je suis sorti tantôt ? »
D'Avenac était un homme à qui rien n'échappait, mais qui ne perdait pas son temps à chercher la solution de ces menus problèmes que le hasard nous pose, et que les circonstances se chargent presque toujours de nous expliquer le plus naturellement du monde.
« Nous fabriquons nous-mêmes nos mystères, disait-il. La vie est beaucoup moins compliquée que l'on ne croit, et elle dénoue elle-même ce qui nous paraît enchevêtré. »
Et, de fait, lorsqu'il eut franchi la porte qui se trouvait en face de lui, il ne fut pas surpris outre mesure d'apercevoir au fond de la pièce, debout, appuyée contre un guéridon, une jeune femme.
« Seigneur Dieu ! s'écria-t-il, voici une gracieuse vision. »
Comme dans le vestibule, la gracieuse vision avait allumé toutes les ampoules, préférant sans doute la pleine clarté. Et il put admirer, à son aise, un joli visage encadré de boucles blondes, un corps mince, bien proportionné, assez grand, et qu'habillait une robe de coupe un peu démodée. Son regard était inquiet, sa figure contractée par l'émotion.
Raoul d'Avenac ne manquait pas de prétentions, les femmes l'ayant toujours comblé de leurs faveurs. Il crut donc à quelque bonne fortune et accepta l'aventure comme il en avait accepté tant d'autres sans les avoir sollicitées.
« Je ne vous connais pas, madame n'est-ce pas ? dit-il en souriant. Je ne vous ai jamais vue ? »
Elle fit un geste qui signifiait que, en effet, il ne se trompait point. Il reprit :
« Comment diable avez-vous pu pénétrer ici ? »
Elle montra une clef et il s'exclama :
« En vérité vous avez une clef de mon appartement ! Cela devient tout à fait amusant.»
Il était de plus en plus persuadé qu'il avait séduit à son insu la belle visiteuse et qu'elle venait à lui, comme une proie facile, avide de sensations rares et toute prête à se laisser conquérir.
Il avança donc vers elle, avec son assurance coutumière en pareil cas, résolu à ne point échapper une occasion qui se présentait sous une forme aussi charmante. Mais contre toute attente, la jeune femme eut un recul et raidit ses bras d'un air effrayé :
« N'approchez pas ! je vous défends d'approcher… Vous n'avez pas le droit… »
Sa physionomie prenait une expression d'épouvante qui le déconcerta. Et puis, presque en même temps, elle se mit à rire et à pleurer, avec des mouvements convulsifs et une telle agitation qu'il lui dit doucement :
« Calmez-vous, je vous en prie… Je ne vous ferai aucun mal. Vous n'êtes pas venue ici pour me cambrioler, n'est-ce pas ? ni pour m'abattre d'un coup de revolver ? Alors pourquoi vous ferais-je du mal ? Voyons, répondez… Que voulez-vous de moi ? »
Essayant de se dominer, elle murmura :
« Vous demander secours.
– Mais ce n'est pas mon métier de secourir.
– Il paraît que si… et que tout ce que vous tentez, vous le réussissez.
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