Antonio LOBO ANTUNES, pressenti pour le Nobel de littérature depuis de nombreuses années, a la réputation d'être un auteur au style difficilement accessible. J'ai pourtant voulu tenter l'aventure avec ce “Bonsoir les choses d'ici-bas” (une citation d'Enrique Vila Matas à propos de Valéry Larbaud). Je dois pourtant préciser, pour être tout à fait honnête, que ce roman a eu de terribles difficultés à venir sur le dessus de ma PAL !
C'est une impression d'extrême confusion qui m'a d'abord submergé : pas vraiment de personnages, mais des voix intriquées, hachées. Les époques et les lieux s'enchevêtrent, de Lisbonne à l'Angola. Chaque voix se reconnaît à ses redites, ses ruminations et obsessions … Ce long roman est divisé en trois “livres” et un épilogue. Dans le premier, c'est un certain Seabra qui, si l'on peut dire, est au premier plan. Dans le second c'est un nommé Miguéis et dans le dernier, la voix d'un autre agent, Gonçalves. Mais rien n'est jamais sûr ni figé et une multitude d'autres voix se font entendre. Ils ont été envoyés successivement en mission par les services secrets portugais, peut-être dans le but de s'éliminer mutuellement.
Leur objectif est, semble-t-il, de récupérer des “diamants de sang”. Toute la violence de leur passé, de l'enfance à l'âge adulte, remonte constamment à leur mémoire. Avec l'embrasement qui les attend en Angola, présent et passé, Luanda et Lisbonne, forment un arrière-plan apocalyptique saisissant.
C'était donc une rude aventure. Je ne suis pas sûr de m'atteler prochainement à un autre roman d'Antonio Lobo Antunes. Je lui reconnais de grandes qualités d'auteur, une prose (proche de la poésie libre) magnifique. Mais je comprends mieux maintenant ce qui peut rebuter dans son oeuvre.
Ma note de trois étoiles est un compromis entre la valeur littéraire indéniable de ce texte et sa difficulté.
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tandis que je me disais
en comptant
depuis combien d’années est-il mort, souhaitant lui demander et craignant de le faire
— Pardon si je suis impoli mais j’ai soudain l’impression que vous êtes mort n’est-ce pas ?
alors que je me levais mon beau-père
— Oui je crois que je suis mort
reniflant pour ne pas qu’on entende le bruit de mes pas sur le sol, même si j’ai déjà pu vous dire que je vous aimais, je vous le dis une fois encore, vous ne méritiez pas de tomber malade ni d’être vieux mais vous étiez malade et vieux, quand je lui demandais
— Comment allez-vous monsieur Baião ?
il sortait un sourire de son mouchoir, pour le caler en tremblant dans sa bouche
un peu plus à droite monsieur Baião, un peu plus bas, sa voix réduite à un squelette de consonnes se réincarnait peu à peu
— Toujours en pleine forme mon garçon
son mouchoir restait là à s’agiter tout seul, monsieur Baião y rangeait son sourire avant de le glisser dans sa poche, il en subsistait une trace au coin de ses lèvres murmurant en écho
— En pleine forme mon garçon
jusqu’à ce qu’un tiraillement de sa vésicule ou une défaillance de son cœur le froisse et le transforme en soupir, monsieur Baião droit sur son tabouret, à l’écoute de son corps, se tâtant pour savoir s’il s’agissait de sa coronaire ou de sa vésicule, je l’ai entendu sur le palier
— Les années passent en un instant ça fera sept ans en juillet que je suis mort mon garçon
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Et si pour comprendre les racines de la violence, on écoutait ceux qui traquent la violence et ceux qui s'y adonnent ? Quitte à plonger au coeur du mal…
« Mon nom est légion » d'Antonio Lobo Antunes, c'est à lire en poche chez Points.