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EAN : 9782869307001
148 pages
Payot et Rivages (02/10/1993)
3.75/5   4 notes
Résumé :

C'est bien un livre d'or, comme le disait Casaubon. Il suffit d'y pénétrer pour s'en convaincre. C'est le seul livre de rhétorique qui bouleverse d'émotion. Mais est-ce bien de la rhétorique ? Le projet est plus stimulant. La question générale est posée' d'entrée. Il s'agit de savoir jusqu'à quel degré l'on peut pousser nos donnés naturels. Le problème de fond est celui du rapport de la technique à l'art. C'est l'essence du sublime, conçu comme un élan r... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Attention ! Écrivains et aspirants écrivains, ce livre pourrait bien vous intéresser.

Du sublime. Un traité qui nous parvient de l'Antiquité avec une fraîcheur de pensée qui a de quoi décaper bien des idées reçues sur les « vieilleries antiques ». L'art n'a pas d'âge. La beauté est intemporelle. le sublime ne se flétrira jamais.

Ce court traité est un excellent complément de la Poétique d'Aristote. Lui aussi est une oeuvre mutilée. Malgré la présentation académique et pompeuse qu'en a faite le traducteur, il vaut largement ses cinq étoiles. Sans être trop technique ou tortueux, cet opuscule d'une centaine de pages expose avec clarté et une grande élégance les ingrédients qui concourent à rendre l'expression sublime.

Mais qu'est-ce donc que le sublime ?
C'est ce qui est dit d'une façon juste et qui emporte, enthousiasme lorsqu'il le faut. C'est le fait de ne pas en rajouter là où il n'est pas à propos de le faire. C'est la combinaison habile et inspirée, gracieuse et élégante, fine et équilibrée qui porte l'esprit vers des sommets de jouissance esthétique. Et si l'on retire le moindre élément d'une expression sublime, l'ensemble s'effondre aussitôt et l'effet est perdu.

C'est une idée que j'avais déjà rencontrée chez La Bruyère et Boileau ; lequel Boileau avait, comme je l'ai appris dans l'introduction de cet ouvrage, lui aussi traduit ce traité du sublime. Son Art poétique en rend d'ailleurs compte d'une façon qui a fait date.

Ce petit traité segmenté en paragraphes courts est un entretien avec un disciple au cours duquel sont passés en revue les ingrédients de cet art un peu à la manière d'une recette de cuisine :
L'hyperbole, la métaphore, les transpositions du pluriel au singulier et inversement ; les effets de gradation, de progression, d'énumération, l'amplification, la périphrase, l'anaphore, l'hyperbate, etc. le tout agrémenté d'exemples tirés des oeuvres d'Homère, Platon, Thucydide, Démosthène, Hésiode, Hérodote, etc. Il y a là des exemples et des contre-exemples qui illustrent bien le propos.

La première question abordée est de savoir si l'on naît avec la disposition au sublime ou si cela peut s'apprendre. Évidemment, il est difficile de trancher la question de la part de l'inné et de l'acquis et, à la vérité, c'est un noeud gordien, Longin passant rapidement outre.

Il évoque cinq sources de la grandeur du style :
– Des idées claires et cohérentes ;
– La passion violente et créatrice d'enthousiasme ;
– La qualité de la fabrication des figures ;
– L'expression généreuse ;
– La composition digne et élevée.
Les deux premières concernent l'inné, les deux suivantes la technique et la dernière est la synthèse des quatre précédentes.

« Sont grands les discours de ceux […] qui sont capables d'avoir des pensées qui aient du poids. »
« Les hommes qui ont les pensées les plus hautes verront, eux aussi, leur échoir la nature sublime. »
Le principe fondamental consiste à cerner la matière qu'il s'agira de magnifier. Si la matière est noble, le tour qu'en obtiendra le poète ne pourra que tendre vers la noblesse. Longin aborde également les écueils sur lesquels s'abîment ceux qui veulent en faire trop et dépassent la mesure pour tomber dans le ridicule.

Est aussi abordée la part de l'émulation qui consiste en la stimulation par l'admiration des oeuvres des autres et l'imitation (Mimesis) de la beauté dans la nature. Une partie non négligeable est consacrée aux apparitions (Phantasia) : ce sont les projections de l'écrivain qui s'immerge dans la situation qu'il veut décrire et la vit de l'intérieur, notion qui confine à l'hallucination.

Celui qui produit du sublime est donc possédé par une transe créatrice. L'élégance du sublime se caractérise ainsi : « l'art est alors accompli quand il semble être de la nature, et inversement la nature atteint le but quand elle enveloppe l'art sans qu'on l'y voie. »

Tout ce qui permet une synthèse harmonieuse de la pensée tend vers le sublime. C'est l'alchimie de la langue.

Voilà un livre à méditer pour qui veut atteindre, dans le domaine de l'art dont il veut courir « la carrière épineuse », le sublime dans l'expression.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Ne pensons-nous pas que la composition, qui est une harmonie des mots innés chez les humains et qui touchent l’âme elle-même et non pas seulement l’ouïe ; harmonie qui met en branle des formes variées de noms, de pensées, d’actions, de beauté, de mélodie, – toutes choses qui croissent et naissent avec nous – , qui, par le mélange et la multiplicité des formes de ses propres sons introduit dans les âmes des proches la passion qui est présente chez celui qui parle ; qui la fait toujours partager à l’auditoire ; qui ajuste la grandeur à la gradation des expressions ; ne pensons-nous pas, dis-je, que par ces moyens mêmes la composition séduit et, en même temps, nous dispose sans cesse à la grandeur, à la dignité, au sublime, et à tout ce qu’elle contient elle-même, elle qui règne absolument sur notre pensée ?
XXXIX-3
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Quant à moi, je sais que les naturels supérieurs sont le moins exempts de défauts ; car la surveillance minutieuse en tout fait courir le risque de la petitesse ; et dans la grandeur, comme dans l’excessive richesse, il faut que subsiste aussi un peu de négligence. Tandis que les naturels bas et médiocres, je ne sais s’il ne relève pas de la nécessité que, par le fait de ne jamais prendre de risques et de ne jamais aspirer aux sommets, ils restent la plupart du temps impeccables et plus sûrs ; les grands, au contraire, bronchent à cause de la grandeur même.

XXXIII — 2
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Eh bien, examinons donc si nous n’avons pas quelque autre moyen de rendre les discours sublimes. Puisque, par nature, à toutes choses se rattachent les parties qui coexistent avec la matière qui les constitue, ne s’imposerait-il pas à nous de trouver la cause du sublime dans le fait de choisir toujours les éléments constitutifs essentiels et d’être capable, en les articulant les uns avec les autres, d’en faire comme un seul corps ? Car l’un entraîne l’auditeur par le choix des motifs, l’autre par la concentration des motifs choisis. Par exemple Sappho : les affections consécutives à la folie de l’amour, à chaque fois elle les saisit comme elles se présentent successivement, et dans leur vérité même. Mais où montre-t-elle sa force ? C’est quand elle est capable à la fois de choisir et de lier ensemble ce qu’il y a de plus aigu et de plus tendu dans ces affections.
X-1
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Et vraiment quant au fait que la périphrase contribue à faire le sublime, il n’est personne, je pense, pour en douter. Car de même que dans la musique, à cause de ce qu’on appelle l’accompagnement, le son principal est rendu plus plaisant, ainsi la périphrase souvent sonne avec le sens propre du mot et résonne à l’unisson pour contribuer grandement à la beauté ; et surtout si elle ne comporte ni enflure ni discordance, et si, au contraire, elle présente un mélange plaisant.

XXVIII — 1
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Car, comme je ne cesse de le dire, la résolution et la panacée de toute audace d’expression résident dans les actions proches de l’extase et de la passion. De là vient aussi que les audaces comiques, même si elles tombent dans l’invraisemblance, on y croit grâce au rire […] car le rire est une passion dans le plaisant.

XXXVIII — 5
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