Attention ! Écrivains et aspirants écrivains, ce livre pourrait bien vous intéresser.
Du sublime. Un traité qui nous parvient de l'Antiquité avec une fraîcheur de pensée qui a de quoi décaper bien des idées reçues sur les « vieilleries antiques ». L'art n'a pas d'âge. La beauté est intemporelle. le sublime ne se flétrira jamais.
Ce court traité est un excellent complément de
la Poétique d'
Aristote. Lui aussi est une oeuvre mutilée. Malgré la présentation académique et pompeuse qu'en a faite le traducteur, il vaut largement ses cinq étoiles. Sans être trop technique ou tortueux, cet opuscule d'une centaine de pages expose avec clarté et une grande élégance les ingrédients qui concourent à rendre l'expression sublime.
Mais qu'est-ce donc que le sublime ?
C'est ce qui est dit d'une façon juste et qui emporte, enthousiasme lorsqu'il le faut. C'est le fait de ne pas en rajouter là où il n'est pas à propos de le faire. C'est la combinaison habile et inspirée, gracieuse et élégante, fine et équilibrée qui porte l'esprit vers des sommets de jouissance esthétique. Et si l'on retire le moindre élément d'une expression sublime, l'ensemble s'effondre aussitôt et l'effet est perdu.
C'est une idée que j'avais déjà rencontrée chez
La Bruyère et
Boileau ; lequel
Boileau avait, comme je l'ai appris dans l'introduction de cet ouvrage, lui aussi traduit ce
traité du sublime. Son Art
poétique en rend d'ailleurs compte d'une façon qui a fait date.
Ce petit traité segmenté en paragraphes courts est un entretien avec un disciple au cours duquel sont passés en revue les ingrédients de cet art un peu à la manière d'une recette de cuisine :
L'hyperbole, la métaphore, les transpositions du pluriel au singulier et inversement ; les effets de gradation, de progression, d'énumération, l'amplification, la périphrase, l'anaphore, l'hyperbate, etc. le tout agrémenté d'exemples tirés des oeuvres d'
Homère,
Platon,
Thucydide, Démosthène,
Hésiode,
Hérodote, etc. Il y a là des exemples et des contre-exemples qui illustrent bien le propos.
La première question abordée est de savoir si l'on naît avec la disposition au sublime ou si cela peut s'apprendre. Évidemment, il est difficile de trancher la question de la part de l'inné et de l'acquis et, à la vérité, c'est un noeud gordien, Longin passant rapidement outre.
Il évoque cinq sources de la grandeur du style :
– Des idées claires et cohérentes ;
– La passion violente et créatrice d'enthousiasme ;
– La qualité de la fabrication des figures ;
– L'expression généreuse ;
– La composition digne et élevée.
Les deux premières concernent l'inné, les deux suivantes la technique et la dernière est la synthèse des quatre précédentes.
« Sont grands les discours de ceux […] qui sont capables d'avoir des pensées qui aient du poids. »
« Les hommes qu
i ont les pensées les plus hautes verront, eux aussi, leur échoir la nature sublime. »
Le principe fondamental consiste à cerner la matière qu'il s'agira de magnifier. Si la matière est noble, le tour qu'en obtiendra le poète ne pourra que tendre vers la noblesse. Longin aborde également les écueils sur lesquels s'abîment ceux qui veulent en faire trop et dépassent la mesure pour tomber dans le ridicule.
Est aussi abordée la part de l'émulation qui consiste en la stimulation par l'admiration des oeuvres des autres et l'imitation (Mimesis) de la beauté dans la nature. Une partie non négligeable est consacrée aux apparitions (Phantasia) : ce sont les projections de l'écrivain qui s'immerge dans la situation qu'il veut décrire et la vit de l'intérieur, notion qui confine à l'hallucination.
Celui qui produit
du sublime est donc possédé par une transe créatrice. L'élégance
du sublime se caractérise ainsi : « l'art est alors accompli quand il semble être de la nature, et inversement la nature atteint le but quand elle enveloppe l'art sans qu'on l'y voie. »
Tout ce qui permet une synthèse harmonieuse de la pensée tend vers le sublime. C'est l'alchimie de la langue.
Voilà un livre à méditer pour qui veut atteindre, dans le domaine de l'art dont il veut courir « la carrière épineuse », le sublime dans l'expression.