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Grégoire Chamayou (Éditeur scientifique)
EAN : 9782081204959
216 pages
Flammarion (17/01/2007)
3.61/5   51 notes
Résumé :
"Hegel remarque quelque part que tous les grands faits et les grands personnages de l'histoire universelle adviennent pour ainsi dire deux fois.
Il a oublié d'ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce." Ainsi commence ce texte mordant, féroce et drôle. Voici la tragédie : le 18 Brumaire de l'an VIII - 9 novembre 1799 dans le calendrier révolutionnaire -, Bonaparte renverse le Directoire par un coup d'Etat, prenant le titre de Prem... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Il n'y a aucun doute, si la doctrine matérialiste de Marx ne peut être appliquée partout sans susciter quelques doutes, sa puissance heuristique s'impose lorsqu'il est question d'expliquer les variations dans la qualité de son écriture. En effet, alors que ses analyses faites en France font état d'un esprit dialectique très fin et à l'ironie fertile, celles qu'il produira dans la misère à Londres montrent toujours une intelligence exceptionnelle, mais leur style est désormais d'une lourdeur assommante, complètement dénuée de finesse et d'ironie, présentant des analyses non plus sur le mode hypothétique, mais comme des vérités absolues.
Engels y trouve tout de même, dans la préface, l'utilisation d'une « loi » : cette fameuse « grande loi du mouvement historique, loi selon laquelle toutes les luttes historiques…ne sont, en fait, que l'expression plus ou moins nette des luttes des classes sociales » (p.64). Mais c'est vraiment à ce Marx au meilleur de sa forme que nous avons affaire ici, puisque Marx traite plutôt ici la lutte des classes sociales comme une hypothèse théorique puisqu'il la met à l'épreuve. (p.65)
Bref, pour en arriver au fait, Marx développe ici un embryon de pensée que l'on pourrait qualifier de manière anachronique, de « structuralisme social » puisqu'il décrit la manière dont une « superstructure d'impressions, d'illusions, de façons de penser et de conceptions philosophiques » (p.104) résultant d'une condition particulière est intégrée par les individus comme des acquis personnels.
Pour prendre quelques exemples particuliers, Marx parle ainsi des membres de la bourgeoisie de la manière suivante : « leur cerveau ne peut dépasser les limites que le petit-bourgeois ne dépasse pas … dans sa vie, …ils sont théoriquement poussés aux … problèmes et aux … solutions auxquels son intérêt matériel et sa situation sociale [les] poussent » (p.105). L'individualisme est également un trait caractéristique de la classe bourgeoise selon Marx qui, lorsqu'il se trouve suffisamment marqué, peut entraîner certains de ses membres à l'aliénation de classe (p.150-151). Marx décrit aussi merveilleusement l'aliénation de la classe des royalistes, qui, croyant défendre leurs intérêts, ferment « opiniâtrement à leurs rois bannis les portes par lesquelles ils pouvaient rentrer » (p.159).
Et cette structure de valeur permet à une société de se couper complètement des univers des autres classes, comme on le voit dans la description que Marx donne des intérêts non égoïstes de la petite bourgeoisie française qui se croit vraiment la mieux placée pour connaître les intérêts de la France entière (p.107-108).
Ainsi, Marx ne se limite pas au clivage existant entre le capital et le prolétariat, mais doit avoir recours à d'autres clivages comme ceux entre la campagne et la ville par exemple (p.92). Il expose aussi qu'une classe peut parfois se fondre en une autre par sa description de l'embourgeoisement de l'aristocratie (p.105).
D'autre part, Marx montre très clairement l'influence des circonstances commerciales sur la mobilisation politique. Lorsque l'économie va bien, personne ne veut agir, lorsque ça va mal, il est préférable que la politique se produise sans heurt, sinon, on y cherchera un coupable avec suffisamment d'angoisse pour s'en inventer un.
Enfin, comme Tocqueville, Marx décrit la dépendance grandissante envers l'appareil d'État (p.121), décrivant l'appareil d'État comme un « effroyable corps parasite…dont le travail est divisé et centralisé comme dans une usine » (p.186-187) qui « anéantit les échelons aristocratiques intermédiaires placés entre la masse du peuple et le pouvoir d'État » (p. 194). Et c'est cet État, par l'impôt très lourd qu'il entraîne nécessairement, qui détruit les liens entre la paysannerie et Bonaparte (p.196).
Ceci étant dit, c'est avec optimisme que Marx décrit cette centralisation mécanique de l'État de manière si apocalyptique puisqu'il juge qu'il s'agit d'un passage obligé pour « dégager à l'état pur l'opposition du pouvoir d'État vis-à-vis de la société » (p.196). Évidemment, il n'avait pu prévoir qu'on ferait de cet État un ersatz de la providence...
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Écrit au fil des événements qu'il décrit, cet ouvrage sur l'ascension impériale de Louis-Napoléon Bonaparte a le double intérêt de la spontanéité et de l'originalité analytique. Puisque la lutte des classes est le moteur de l'Histoire, présenter la mise en place du Second Empire comme le simple produit d'une lutte d'idées et de partis est alors d'une incomplétude crasse. Ainsi, la vision hugolienne de "Napoléon le Petit" confond non seulement l'effet avec la cause, mais en plus grandit sa cible en lui donnant une puissance d'agir sur le cours de l'Histoire que nul homme sur Terre n'a jamais effleuré.

Que l'on soit ou non marxiste, il est toujours passionnant de voir comment l'auteur du Capital éprouve sa théorie sur son Histoire contemporaine. Nombreuses sont les armes théoriques qu'il affûte dans ce texte.

Chez lui, les Légitimistes et les Orléanistes ne sont pas des supporters zélés de leur poulain monarchique respectif, bien qu'ils s'en soient eux-mêmes convaincus, mais deux sous-classes de la grande bourgeoisie formellement opposées entre elles par leurs conditions matérielles d'existence. Les premiers sont la grande bourgeoisie foncière d'Ancien Régime, les seconds la nouvelle grande bourgeoisie capitaliste. La lutte des deux monarchismes n'est ainsi qu'une lutte entre bourgeoisies rurales et urbaines.

Paradoxalement, Marx estime que la République parlementaire, mode de gouvernement essentiellement bourgeois, est le seul écosystème dans lequel ces deux grandes bourgeoisies peuvent cohabiter. En effet, la victoire d'un monarchisme entraînerait fatalement la domination d'une bourgeoisie sur l'autre, tandis que le parlementarisme leur permet une alliance fondée sur la défense de leur caractère bourgeois commun. En revanche, cette République Parlementaire, bien que bourgeoise, tire sa légitimité de la volonté du Peuple. Au moindre péril rouge, la grande bourgeoisie est alors prête à saper son propre régime par crainte des désordres. Pour Marx, cette inclination à la stabilité sociale autant qu'économique de la bourgeoisie est la cause de l'ascension de Napoléon III, au détriment même de ses propres représentants politiques.

Il y a un véritable intérêt esthétique dans cette peinture marxiste de la Seconde République, sorte de monstre autophage voyant son salut dans son propre démembrement. C'est aussi un joli bouquet aux mille nuances de paradoxes et de contradictions, avec ses monarchistes républicains, ses républicains anticonstitutionnels, ses révolutionnaires constitutionnels, ses sociaux-démocrates pris au piège de l'anti-démocratisme, et puis enfin ses paysans plébiscitant un régime dont le caractère centralisateur sera la cause de leur asphyxie.
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Voici un livre qui m'a été donné de lire durant mon cursus universitaire de sociologie. D'habitude je rechigne à lire et à apprécier les lectures imposées. Ici la donne fut différente.

J'ai lu ce livre avec une réelle gourmandise ! J'y ai découvert Marx, sa prose, son combat. J'y ai découvert un Marx témoin de son époque et qui réalise un travail très intéressant d'analyse de la société française au 19ème siècle et surtout Marx tente d'expliquer comment une personne, considérée comme un moins que rien par l'élite politique française, est parvenue à devenir Napoléon III.

Ce livre est aussi un pied de nez à Victor Hugo, qui ne portait pas cet empereur dans son coeur. Monsieur Hugo, Napoléon III n'est pas arrivé au pouvoir avec ses petits bras musclés. Il a bénéficié de l'aide de ceux qui le sous-estimaient, plus qu'il n'aurait pu en souhaiter.
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Un ouvrage où Karl Marx nous relate et nous explique les "coulisses" du Coup d'Etat de Louis-Napoléon Bonaparte, du 2 décembre 1851.
A travers ses yeux et sa verve aussi poétique que cinglante, Marx nous relate de manière chronologique comme Louis-Napoléon Bonaparte aura "préparé" son coup d'état, à travers les déroutes de la société française, et de la "société politique".
Une lecture qui donne un renouveau à l'histoire que l'on peut lire dans les manuels d'histoire ; dans les détails, mais aussi dans le parti pris de Marx. Ici, aucun subjectivisme. Nous lisons, à travers ses métaphores, ses accumulations littéraires, ce qu'il se passe sous ses yeux et cela, avec son propre esprit.

En somme, une oeuvre que j'ai beaucoup apprécié plus pour sa qualité littéraire qu'historique. D'ailleurs, je trouve Marx presque timoré dans cet ouvrage.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
A la monarchie bourgeoise de Louis-Philippe ne peut succéder que la république bourgeoise, autrement dit : alors que seule une partie restreinte de la bourgeoisie a dominé sous le nom du roi, il faut maintenant que la totalité de la bourgeoisie domine au nom du peuple.

Les revendications du prolétariat parisien sont des fariboles utopiques auxquelles il faut mettre un terme. A cette déclaration de l’Assemblée nationale constituante, le prolétariat parisien répondit par l’insurrection de juin [1848], l’événement le plus colossal dans l’histoire des guerres civiles européennes. La république bourgeoise a triomphé. P62
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Au cours de la première Révolution française, la domination des Constitutionnels passe à celle des Girondins puis la domination des Girondins à celle de Jacobins. Chacun de ces partis s’appuie à son tour sur le parti le plus avancé. Aussitôt qu’il conduit la révolution suffisamment loin pour ne plus pouvoir la suivre et encore moins prendre ses devants, il est écarté par l’allié le plus audacieux qu’il a derrière lui et envoyé à la guillotine. La Révolution se meut ainsi en ligne ascendante.

C’est tout l’inverse pour la Révolution de 1848. Le parti prolétarien [ ] est trahi par le parti petit-bourgeois démocrate. [ ] De son côté, le parti démocrate se hisse sur les épaules des républicains bourgeois. [Ceux-ci] laissent choir leur pesants camarades pour s’assoir à leur tour sur le parti de l’ordre. Le parti de l’ordre rentre les épaules, laisse les républicains bourgeois faire la culbute et atterrit lui-même sur les épaules de la force armée. [ ] La Révolution se meut ainsi en ligne descendante. P88
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Si elle voyait en chaque mouvement de vie de la société une menace pour le calme, comment allait-elle pouvoir maintenir au sommet de la société le régime de l'agitation, son propre régime, le régime parlementaire, ce régime, qui, selon l'expression de l'un de ses orateurs, ne vit que dans la lutte et par la lutte ?
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La première Révolution française, en se donnant pour tâche de briser tous les pouvoirs particuliers, locaux, territoriaux, municipaux et provinciaux, afin de créer l'unité civile de la nation, ne pouvait que développer ce que la monarchie absolue avant commencé : la centralisation, mais, en même temps, l'étendue, les attributs et les suppôts du pouvoir gouvernemental...Chaque intérêt commun fut immédiatement distrait de la société pour lui être opposé comme intérêt supérieur, général, arraché à l'activité autonome des membres de la société pour être l'objet de l'activité gouvernementale, depuis le pont, la maison d'école, la propriété communale d'une commune rurale jusqu'aux chemins de fer, aux biens nationaux et à l'Université de France.
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Passions sans vérité, vérités sans passion; héros sans héroïsme, histoire sans événements; développement dont la seule force motrice semble être le calendrier, fatigant par la répétition constante des mêmes tensions et des mêmes détentes, antagonismes qui ne semblent s'aiguiser périodiquement d'eux-mêmes que pour pouvoir s'émousser sans se résoudre.
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Videos de Karl Marx (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Karl Marx
Le 19 mai 2012, l'émission “Une vie, une oeuvre” dirigée par Matthieu Garrigou-Lagrange et diffusée tous les samedis sur les ondes de France Culture, évoquait la figure et l'oeuvre de Karl Marx. “Marx, l'horizon du monde” : Sur les traces de l'auteur du “Capital”, juriste et philosophe, mais aussi économiste et critique de l’économie politique, sociologue du travail, militant révolutionnaire et père d’une famille bourgeoise qui échappa à la misère grâce à l’amitié d’Engels. Par Thibault Henneton - Réalisation : Lionel Quantin. 1841, Karl Heinrich Marx [1818-1883] devient docteur en philosophie après une thèse sur Démocrite et Épicure. Le 2 septembre, Moses Hess écrit à un ami écrivain (Berthold Auerbach) : « C’est un homme qui a fait sur moi une impression extraordinaire, bien que nous ayons le même champ d’études ; tu peux t’attendre à faire la connaissance du plus grand et peut-être même du seul vrai philosophe actuellement vivant. Bientôt, lorsqu’il se manifestera publiquement par ses ouvrages et ses cours, tous les yeux d’Allemagne seront tournés vers lui […] Le Dr Marx, c’est ainsi que s’appelle mon idole, est un tout jeune homme, âgé tout au plus de 24 ans, qui donnera le coup de grâce à la religion et à la politique médiévales. Il joint à l’esprit philosophique le plus profond et le plus sérieux l’ironie la plus mordante ; représente-toi Rousseau, Voltaire, Holbach, Lessing, Heine et Hegel, je ne dis pas rassemblés, mais confondus en une seule personne ». En réalité le docteur Marx sera conduit bien au-delà des frontières de l’Allemagne, à Paris, Bruxelles, Londres où il passe la majeure partie de sa vie d’exilé, avant qu’un dernier voyage ne le conduise à Alger. Non seulement juriste et philosophe, mais économiste et critique de l’économie politique, sociologue du travail, militant révolutionnaire et père d’une famille bourgeoise qui échappa à la misère grâce à l’amitié d’Engels. Quelques mois avant que ne se noue leur amitié, Engels écrit déjà, en 1842 (dans “Le triomphe de la foi”) : « Mais qui s'avance ainsi plein de fougueuse impétuosité ? C'est un noir gaillard de Trèves, un monstre déchaîné. D'un pas bien assuré, il martèle le sol de ses talons et dresse plein de fureur les bras vers les cieux, comme s'il voulait saisir la voûte céleste pour l'abaisser vers la terre. Il frappe avec rage et sans arrêt de son poing redoutable, comme si mille démons l'empoignaient aux cheveux. »
Avec : Isabelle Garo, philosophe, professeur au lycée Chaptal (Paris), présidente de la GEME (Grande édition des œuvres de Marx et d’Engels en français) Jean-Pierre Lefebvre, germaniste et traducteur, professeur de littérature allemande à l’ENS Ulm, traducteur du livre 1 du “Capital” (PUF) et producteur avec Yves Duroux d’un Atelier de Création radiophonique en 1983 « Marx, dernier voyage, dernier retour » (France Culture) Jacques Bidet, philosophe, professeur émérite à l’Université Paris-Ouest, directeur honoraire d'Actuel Marx, président du Congrès Marx International Frédéric Monferrand, doctorant à l’Université Paris-Ouest, prépare une thèse sur Marx sous la direction de S. Haber. Pierre Dardot, philosophe, et Christian Laval, sociologue, auteurs de “Marx, prénom : Karl” (Gallimard, mars 2012) Ainsi que des lectures de la correspondance de Marx (Ivan Cori et Lucile Commeaux)
Références :
SONS (entre autres) - Auber : “La Muette” de Portici - Schubert : “Marguerite au rouet” - Immortal Technique : “Poverty of Philosophy” FILMS - “La Commune”, P. Watkins (2003) - Charlie Chaplin, “Modern Times” Hors Série Le Monde : “Marx, l'irréductible”, décembre 2011 http://boutique.lemonde.fr/hos-serie-...
Thèmes : Arts & Spectacles| 19e siècle| Economie| Philosophie| Karl Marx| Thibault Henneton
Source : France Culture
+ Lire la suite
>Histoire de France>France : histoire>Deuxième République,Second Empire (16)
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