Carnaval, voici un texte déroutant et qui se veut délibérément déroutant. Son auteur est à son second essai, j'aillais dire tentative pour nous convaincre, il s'agit d'
Hector Mathis, que j'avais découvert par son premier roman
K.O... Ce premier roman m'avait laissé un peu dubitatif, une absence de scénario, une fougue un peu désordonnée, mais qui laissait entrevoir une belle écriture, écriture que j'avais aimée.
Malgré la lourdeur de style de son premier roman, cette logorrhée de mots, beaucoup d'entre nous voyaient cependant un auteur pouvant naître. Voici son second roman et je ne vois toujours pas cette naissance attendue s'accomplir...
Nous retrouvons Sitam, le narrateur du premier roman. C'est une suite sans être une suite. On peut prendre le train en marche et on comprendra, nous prévient-on à l'avance, sans avoir lu pour autant le premier opus. Moi j'étais déjà dans le train depuis le départ et je n'ai toujours rien compris à l'histoire...
Je vois de magnifiques phrases, j'imagine qu'elles ont été travaillées, ciselées avec force, peut-être sur un carnet, peut-être sur un smartphone, elles sont belles, indéniablement belles, je vous ai d'ailleurs partagées certaines d'entre elles qui m'ont grisé... Mais voilà, la force d'un roman ne tient pas à un tricotage de belles phrases... le résultat est une forme de patchwork et démontre sans doute encore la jeunesse d'un auteur, la recherche d'un effet esthétique avant toute chose, un côté narcissique qui étouffe malheureusement le récit...
Est-ce parce que je suis asthmatique : j'ai totalement manqué d'air, j'ai été asphyxié par ce soliloque, ce déferlement de mots, j'avais une envie folle de sortir du
train sans attendre la prochaine gare ; oui c'est un rap, oui c'est un slam, mais n'y a-t-il pas moyen de proposer des pauses de temps en temps pour qu'on respire ?
Il y a certainement un sentiment d'urgence exprimé par l'auteur, mais le sentiment d'urgence du lecteur est de pouvoir respirer devant ce texte, sauf s'il vous emporte dans un souffle, mais ici pas de souffle...
Où est le synopsis ? Où est l'idée ? Quel est le fil conducteur qui tend ce texte ?
Au-delà de l'exercice de style prodigieux (bravo !), j'aurais aimé être emporté par un souffle, une histoire...
Pourtant j'ai entrevu de belles idées à certains instants où j'arrivais à me remettre de ce chaos : la rue, ceux qui y vivent, les laissé-pour-compte, la route, la dérive... Il y avait une belle idée pourtant ici à creuser, celle d'y apporter une attention, à condition d'écarter cet horrible style narcissique qui prend tout à son avantage et fait de l'ombre à ceux qui sont les plus démunis...
Une cavale, bon, on a compris. Une cavale de mecs... Aïe ! Tout ce que j'aime... Une absente, la fameuse Capu, femme abandonnée dans le précédent roman apparemment désirée de l'auteur néanmoins, on ne sait pas trop s'il va à sa recherche tandis que l'enterrement d'un ami de jeunesse l'entraîne à revenir vers sa banlieue de jeunesse... On espère la trouver à la fin, la fameuse Capu, ce roman est une vraie arlésienne, plutôt une cavale sexiste, une équipée de machos, fiers de leurs dérives, qui boivent des bières à n'en plus finir. J'aime de temps en temps boire, j'aime modérément l'ivresse, mais dans ces moments-là, je tâche de m'approcher d'
Antoine Blondin, de
Michel Audiard, de
Charles Baudelaire, ou même de
Charles Bukowski, je tutoie les étoiles et je vous assure qu'elles me parlent, qu'elles me répondent, nous entretenons un véritable dialogue... Ici, tout se passe entre mecs dans un désespoir affligeant, déconcertant, nombriliste... Bien que les mots soient bien travaillés... Triste vin ! Dommage !
J'ai l'impression que je préfèrerais retrouver la prose d'
Hector Mathis dans des poèmes, des slams, des chansons, plutôt qu'un roman...
Je remercie Babelio et les Éditions
Buchet-Chastel de m'avoir permis de découvrir ce roman dans le cadre de cette Masse Critique Privilégiée.