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EAN : 9782848053462
192 pages
Sabine Wespieser (02/04/2020)
4.02/5   70 notes
Résumé :
Dans une forêt hongroise, après des mois d'errance, Asma, une jeune Syrienne, attend, avec d'autres réfugiés, un véhicule pour l'Allemagne. Son père, pharmacien à Damas, a été exécuté, son frère a rejoint la rébellion. Pour sa sécurité, sa famille l’a alors envoyée en Europe. Lorsqu’arrive enfin un camion frigorifique, elle éprouve presque du soulagement à s’y entasser. Même si, dans la bousculade, elle perd son sac… et son cahier rouge – le journal intime qu’elle t... >Voir plus
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En 2015, les cadavres de 71 migrants qui tentaient clandestinement de rejoindre l'Allemagne, sont découverts dans un camion frigorifique abandonné sur une autoroute autrichienne, pas loin de la frontière hongroise. Véritable électrochoc sur l'opinion publique allemande, ce drame déclenche une vague de solidarité spontanée au sein de la population et l'inflexion de la politique migratoire de la chancelière Angela Merkel : les portes de l'Allemagne s'ouvre alors à des centaines de milliers de demandeurs d'asile.


En faisant se croiser les destins des deux jeunes Asma et Tamim, l'une syrienne, l'autre afghan, tous les deux jetés sur les chemins de l'exil par les persécutions qui ont décimé leurs familles, le roman immerge sans ménagement dans la réalité crue et insupportable de la « route des Balkans », cette voie migratoire semée d'embûches, depuis la Grèce vers l'Europe centrale et de l'Ouest. Placé dans les pas aussi périlleux qu'exténuants des migrants, confronté au dénuement des pays les plus pauvres d'Europe où se développent les pires pratiques des réseaux de passeurs, le lecteur pris à la gorge par l'atrocité de l'hécatombe risque fort de devoir reprendre son souffle plusieurs fois avant de parvenir au terme du récit.


A l'horreur répond pourtant le formidable élan de solidarité de la population allemande que son histoire a rendue particulièrement réceptive aux souffrances des personnes déplacées ou séparées par les frontières, à l'instar d'Helga, dont la famille connut l'exil lors de la redéfinition territoriale de l'Allemagne après-guerre, et qui vécut avec ferveur la chute du mur de Berlin et la réunification de son pays. La figure d'Angela Merkel domine dès lors toute cette partie du récit, au travers de la mise en place à ce moment, le devoir moral l'emportant face à la situation d'urgence humanitaire, de sa généreuse politique migratoire, on le sait réduite depuis sous la pression conservatrice.


Pointant du doigt les contradictions et les divisions européennes, et notamment l'ironie de la construction d'un nouveau mur en Hongrie, précisément là où s'était ouvert le rideau de fer en 1989, Christine de Mazières nous interroge sur notre propre passivité : ce que l'Allemagne a tenté depuis 2015, ce « Wir schaffen das - Nous y arriverons », était-ce donc si impossible dans d'autres pays d'Europe ? En 2019, un autre camion frigorifique livrait en Angleterre sa cargaison de 39 cadavres, tous des migrants vietnamiens...


Ce terrible roman, où quelques destins particuliers viennent souligner l'inhumaine réalité d'un drame humanitaire abordé par l'Europe en ordre dispersé, est sans aucun doute le plus convaincant de tous ceux qu'il m'a été donné de lire sur le sujet. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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La Syrienne et l'Afghan, drame du XXIe siècle

Christine de Mazières s'appuie sur un fait divers qui a coûté la vie à plus de 70 migrants pour raconter le destin de ces personnes qui fuient la guerre et dont l'Europe ne veut pas. Un second roman qui confirme le talent découvert avec Trois jours à Berlin.

C'est une histoire d'aujourd'hui, un drame qui a bouleversé l'Europe quelques temps avant que l'actualité ne fasse passer ces dizaines de morts dans l'oubli. Comme le rappelle FranceInfo, le 27 août 2015, «dans un camion stationné dans l'est de l'Autriche, plus de 70 cadavres ont été découverts asphyxiés.» C'est à partir de ce terrible fait divers que Christine de Mazières a construit un roman bouleversant autant que très documenté.
La route des Balkans raconte en particulier le parcours de deux migrants, Asma la Syrienne et Tamim l'Afghan, qui se retrouvent au moment de monter dans ce camion qui part vers la mort. Deux destins particuliers parmi les centaines de milliers qui se sont jetés dans cette aventure très risquée, mais qui permettent de parfaitement comprendre qu'ils n'ont guère le choix. Asma a fui l'armée islamique qui a tué son père et lui réservait un sort peu enviable, d'autant que son frère avait rejoint la rébellion. Tamim a lui aussi vu son père mourir. Les talibans ont réservé ce même sort à ses frères, le poussant à quatorze ans sur les routes de l'exil. Cela fait de longs mois qu'il erre, car les passeurs ne lui font pas de cadeaux, loin de là. Pour lui comme pour ceux qui traversent la Méditerranée, cette économie souterraine a tout de l'exploitation de l'homme par l'homme, humiliation et violences comprises. Une condition précaire parfaitement détaillée ou tout geste de solidarité est vécu comme un miracle.
Les Syriens, Irakiens, Afghans et Érythréens qui se retrouvent dans cette forêt hongroise entrevoient désormais le bout de leur errance et la fin de cette «vie entre deux, suspendue entre deux vies.» La chancelière allemande a en effet, contrairement aux gouvernants des autres pays de l'Union européenne, choisi d'accueillir ces réfugiés en nombre. Après les atermoiements et les calculs sur le nombre «raisonnable», le ministre de l'intérieur – qui n'a rien d'un tendre – affirme haut et fort que «chaque réfugié qui arrive en Allemagne doit être accueilli et hébergé de manière digne, sûre et correcte…»
Christine de Mazières, dont on sait depuis Trois jours à Berlin, sa parfaite connaissance de l'Allemagne, donne une dimension historique à son roman en racontant le parcours d'Helga qui s'est elle-même retrouvée sur les routes dans les années quarante, lorsqu'il fallait fuir devant l'avancée de l'armée rouge. En racontant son odyssée à sa fille Alma et à sa petite-fille Johanna, elle tire un fil jusqu'à ces personnes qui, comme elle, fuient la guerre.« Sauver sa peau, c'est la seule chose qui comptait alors. le pays était effondré et les gens aussi. Cette génération de femmes a dû reconstruire sur des ruines. Elles méritaient leur surnom de Trümmerfrauen».
De par son histoire elle ressent parfaitement la détresse des migrants et, à l'image de dizaines de milliers de ses concitoyens, veut tendre la main à ces réfugiés. À ceux qui ne seront pas morts en route. Car en ce 28 août caniculaire, le camion frigorifique délaissé sur le bord de l'autoroute, va livrer la cargaison de l'horreur. Des dizaines de réfugiés, en grande partie syriens, morts à quelques kilomètres de la délivrance. Asma est l'une des victimes que Tamim a vu monter dans le camion en pensant qu'elle est partie sans lui, qu'elle a eu de la chance.
En mettant un visage sur ce drame, la romancière nous le rend encore plus insupportable. En nous faisant découvrir le contenu de son petit cahier rouge, elle nous touche au coeur. Et en nous rappelant que c'est de Hongrie que le rideau de fer s'était ouvert vers l'Autriche 26 ans auparavant, elle nous fait toucher du doigt les contradictions de ces politiques qui s'empressent désormais de construire un nouveau mur… de la honte. Souvenons-nous aussi de la réponse des pays européens à l'appel d'Angela Merkel réclamant «une décision exceptionnelle face à une situation d'urgence» : une fin de non-recevoir.
Après Mur Méditerranée de Louis-Philippe Dalembert, voici un second livre fort et documenté sur la tragédie des migrants. Un roman bouleversant d'où émerge un peu d'humanité. Une petite flamme qu'il est essentiel d'entretenir.

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Avec ce livre bouleversant et profondément humain, Christine de MAZIERES nous interroge sur nos manquements, notre passivité et revient sur ce qui s'est passé en Allemagne en août 2015.

Le 26 août 2015, les cadavres de 71 migrants (59 hommes, 8 femmes et 4 enfants) qui tentaient clandestinement de rejoindre l'Allemagne, sont découverts dans un camion frigorifique abandonné sur une autoroute en Autriche, à la frontière Hongroise.

Véritable électrochoc sur l'opinion allemande, ce drame déclenche une vague de solidarité spontanée au sein de la population. On se souvient du discours d'Angela Merkel (le fameux «Wir schaffen das!, que l'on pourrait traduire par «Nous y arriverons! », ces 3 mots redonnant espoir à des milliers de personnes...

Cette inflexion de la politique migratoire de la chancelière se traduit alors par l'ouverture du pays à des centaines de milliers de demandeurs d'asile, mettant les Allemands au défi d'agir pour la liberté et la fraternité.

L'auteure parvient à nous immerger sans ménagement dans la réalité crue et insupportable de cette fameuse «Route des Balkans », cette voie migratoire semée d'embûches, depuis la Grece vers l'Europe Centrale et l'Ouest.

Le livre est magnifiquement écrit et rend hommage à ces réfugiés qui espéraient une vie meilleure.
Une lecture bouleversante forcément, qui m'a rappelée l'excellent livre «Mur Méditerranée » de Louis-Philippe Dalembert.
Je suis ravie d'avoir découvert cette auteure, j'ai très envie de lire «3 jours à Berlin » à présent.
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Depuis plusieurs années, je lis des livres sur l'exil pour la prix Des racines et ds mots...toujours émouvants; je ne sais pas pourquoi celui-ci m'a plus touchée que les autres. Certes, il y a cet horrible fait divers du camion frigorifique, personnalisé par l'autrice car elle nous fait connaître deux victimes syriennes et un rescapé afghan qui n'a pas pu s'engouffrer dans le camion. L'Odyssée de ce dernier ressemble à toutes les autres mais il y a le miracle allemand: Angela Merkel entraîne la majorité du peuple à accueillir à bras ouverts les migrants sans cacher les difficultés. Je crois que c'est cela qui m'a le plus touchée et je voue une certaine admiration pour la chancelière ; j'aimerais tant que la France soit aussi accueillante . Cela ne se fait pas au détriment des allemands défavorisés comme une certaine femme politique française essaie de le faire croire pour ses compatriotes: il est temps que cessent les rumeurs stupides qui aveuglent la population.
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La route des Balkans - brutal, glaçant de réalisme, la douche froide.
C'était à la fin de l'été 2015. Ce 27 août, une odeur de putréfaction alerte la police autrichienne. Dans le camion frigorifique qu'elle inspecte sur la bande d'arrêt d'urgence de l'autoroute, à 20 kilomètres de la frontière hongroise, elle découvre une scène d'horreur: 71 cadavres, 59 hommes, 8 femmes et 4 enfants.
Un récit extrêmement brutal, humaniste, politique, limite utopiste, parlant de la répétition continuelle dans l'histoire de la fuite de populations entières face au danger vers un monde qu'ils croient meilleur.
La méfiance devant l'étranger, l'inconnu, l'éveil de conscience quand le drame arrive, qu'il est connu/ médiatisé et devient pour les uns, enjeu politique; pour les autres, réflexe de secours à un autre être humain. le danger d'hier, le danger d'aujourd'hui. Sommes-nous prêts à les ouvrir ces frontières physiques et surtout ces frontières morales, sociales et personnelles ?

Le roman est court, puissant - il aurait gagné à être développé davantage, les personnages principaux étant effleurés plutôt que peints (Asma, Tamim, Helga). L'auteure a pris le parti de mettre en lumière les milliers d'anonymes cherchant l'eldorado, fuyant la misère et se retrouvant bien souvent devant un mur infranchissable. Edifiant témoignage

"Dans une forêt hongroise, après des mois d'errance, Asma, une jeune Syrienne, attend, avec d'autres réfugiés, un véhicule pour l'Allemagne. Son père, pharmacien à Damas, a été exécuté, son frère a rejoint la rébellion. Pour sa sécurité, sa famille l'a alors envoyée en Europe. Lorsqu'arrive enfin un camion frigorifique, elle éprouve presque du soulagement à s'y entasser. Même si, dans la bousculade, elle perd son sac... et son cahier rouge – le journal intime qu'elle tient depuis l'arrestation de son père en 2006. Tamim parvient à le récupérer, Il le conservera précieusement. Sur les routes depuis trois ans, contraint à chaque étape de travailler pour payer la suivante, il a quitté l'Afghanistan à quatorze ans, après l'assassinat de son père et de ses frères par les talibans. Lui aura plus de chance qu'Asma – abandonnée à bord du fourgon avec ses compagnons d'infortune sur une aire d'autoroute, et dont la fin tragique agira comme un électrochoc sur la politique et l'opinion. À Munich, en cet été 2015, Helga entend avec effarement la nouvelle. Elle se souvient d'avoir été une réfugiée elle aussi, fuyant l'Armée rouge qui marchait sur Königsberg en 1945. Et, quand la chancelière Angela Merkel prononce son désormais célèbre « Wir schaffen das, nous y arriverons », Helga, comme tant de ses concitoyens, va tout naturellement proposer son aide aux demandeurs d'asile affluant sur le territoire allemand. "

Revenant sur cet élan de générosité et sur l'espoir suscité, Christine de Mazières, dans ce roman polyphonique qui retrace le parcours des victimes, mais aussi des acteurs de ce drame, nous interroge avec force sur le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui.
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Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Les jeunes filles ont téléphoné à leur mère, qui a pleuré de joie en les entendant. Pendant un long moment, elles n’ont perçu que sa respiration saccadée, puis leurs
prénoms répétés comme une incantation. Cinq mois avaient passé depuis leur départ, trois semaines sans nouvelles de ses filles. Non, toujours pas de message d’Elias. Soupirs. La somme demandée était importante, mais la mère a promis de la trouver et d’effectuer le virement vers le compte bancaire serbe indiqué.
« Que Dieu vous protège, mes filles.»
« Qu’Il vous protège, toi et nos sœurs, nous te rappellerons dès que nous arriverons en Allemagne, mère. »
Après une semaine d’attente, le virement bancaire est arrivé. Elles feraient partie du prochain convoi.
Avec cinq autres Syriens, on les a conduites en voiture à Horgos, à la frontière nord de la Serbie. Une ancienne bergerie en rase campagne, où s’entassaient une centaine de personnes dans des conditions d’extrême précarité. Il faisait très chaud. L’eau manquait.
À partir de minuit, les passeurs les ont emmenés par petits groupes successifs, avec des consignes de silence absolu. Elles ont réussi à traverser la frontière à un endroit où le mur grillagé n’avait pas encore été érigé par la Hongrie.
Les voici dans une forêt près du village hongrois de Roszke. Ce qu’elles ignorent, c’est que le responsable du réseau, un Afghan basé à Budapest, devait encore trouver un chauffeur remplaçant, si possible docile et pas trop cher.
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La chancelière semble détendue. Elle serre les mains, sourit pour des selfies. Un discours bon enfant, qui prend un tour sérieux quand elle évoque la crise des réfugiés. Elle répète : « Wir schaffen das ». Et insiste : « Dans cette situation, nous avons le devoir d’aider. » Elle dit aussi : « Celui qui vient pour de pures raisons économiques, il ne pourra pas rester. » En tant qu’Allemande de l’Est, elle rappelle l’année 1989, où les Hongrois, les premiers, ont laissé les citoyens de RDA fuir vers l’Ouest : « Il est difficile de voir que ceux qui ont, il y a vingt-six ans, ouvert pour nous les frontières, se comportent aujourd’hui très durement avec ceux qui ont fui manifestement sans autre choix. »
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Depuis que chacun reçoit son flot abrutissant d’images sur petit écran, nul ne peut plus l’ignorer, même à Lom : la Bulgarie est le pays le plus pauvre de l’Union européenne, et cette région, l’une des plus déshéritées de Bulgarie. Bienvenue chez les oubliés de l’opulente Europe. D’entendre parler d’eux à la télévision, même en mal, les habitants de Lom ont apprécié, car enfin on parle d’eux, on officialise leur état de parias et leur plein droit à se plaindre comme de juste.
Des fonds européens s’y déversent pourtant. Au milieu du chaos, une route, un pont, un hôpital, une usine sont rénovés ou construits à coups de millions d’euros. Une belle plaque bleue couverte d’étoiles dorées, sur laquelle est inscrit L’EUROPE S’ENGAGE, est apposée sur l’ouvrage ou sur le bâtiment rutilant.
Tout est rénové avec l’argent européen : la place de l’église, repavée, le jardin public avec ses bancs coquets, la bibliothèque et ses ordinateurs en libre accès, de nouvelles canalisations d’eau.
Mais les gens ne sont plus là. Ils sont partis au loin chercher du travail. Et, parmi les écoles remises à neuf, certaines ont dû fermer faute d’élèves. Le pays se dépeuple, malgré les investissements. Inauguré en 2013, le nouveau pont de Vidin, à une heure de route de Lom en remontant le Danube vers l’amont, un ouvrage imposant long de deux kilomètres, reliant la Bulgarie à la Roumanie, n’a pas réussi à désenclaver cette région.
Tout cela ne suffit pas pour fournir du travail aux plus pauvres des habitants. Ils se retrouvent le ventre vide au bord de la table du festin, avec juste un peu plus de rêve de partir.
C’est une géographie du manque : ni argent, ni travail, ni chance. Pas étonnant que des pauvres de Lom soient tentés d’exploiter encore plus malheureux qu’eux, car il y en a toujours, des plus malheureux, ceux qui n’ont pas encore le passeport frappé de douze étoiles, le sésame d’une vie meilleure.
Ces forçats de la route, les peuples de l’Orient et de l’Afrique qui fuient les guerres et les assassins, sont une manne de désespérés aux ourlets cousus de dollars. Alors, les miséreux font leur blé sur le dos des migrants. Pauvres contre pauvres, c’est une loi du monde.
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La victoire était amère. Il tremblait de froid et n’arrivait pas à éprouver de joie. Il était pourtant arrivé en Europe. La chance lui avait souri. La main d’un pêcheur grec s’était tendue vers lui, mais sa vie de clandestin n’était pas terminée. Désormais, la route des Balkans se dressait devant lui, hérissée d’obstacles et de murs…
Tandis que Tamim et ses compagnons se morfondent au fin fond d’une forêt hongroise, est achevée la clôture de barbelés de quatre mètres de haut et de cent soixante-quinze kilomètres le long de la frontière avec la Serbie. Un nouveau rideau de fer…
Vingt-six ans auparavant, le 2 mai 1989, la Hongrie commençait à démanteler sa frontière grillagée vers l’Ouest et, le 10 septembre 1989, elle ouvrait officiellement sa frontière vers l’Autriche, laissant passer des milliers de réfugiés est-allemands, avant que ne tombe le Mur de Berlin deux mois plus tard.
À présent, trois mille migrants arrivent chaque jour en Hongrie. Même après l’achèvement du nouveau mur, le nombre d’interpellations s’élève encore à huit mille sept cent quatre-vingt-douze le week-end du 28 au 30 août.
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Elle est née il y a vingt ans en Allemagne, un pays qui nourrit un rapport spécial à son histoire. Les Allemands ont pour cela des mots longs et compliqués, Vergangenheitsbewältigung, le fait de surmonter le passé, ou Wiedergutmachung, la réparation des fautes passées.
L’Allemagne oscille entre amnésie et devoir de mémoire, indifférence et sidération, histoires familiales retouchées et impressionnants mémoriaux, victimisation et responsabilité. Les villes sont semées de plaques commémoratives, les passants marchent sur des Stolpersteine, pavés rappelant le nom de victimes du nazisme. Mais il a fallu cinquante ans avant de reconnaître les crimes de la Wehrmacht. La légende d’après-guerre avait blanchi l’armée du Reich, afin de permettre aux dix-sept millions d’anciens soldats de vivre ou de reposer en paix, et à leurs familles, de tourner la page.
Alma sait pertinemment que l’histoire est une matière inflammable, et c’est cela qui l’attire : raconter l’histoire est sujet à controverses. Les historiens se querellent, la politique s’en mêle, les journaux exhument les dossiers enfouis, la mémoire s’embrouille. La plupart des familles sont bâties autour d’un puits d’ombre.
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