Toute vie est un voyage et chacun a la possibilité de s'arrêter, de faire une sorte de bilan, une pause, de se ressourcer, de reconsidérer, ou pas, l'itinéraire choisi et de repartir.
C'est ce qui est arrivé à l'auteur
Lars Muhl, musicien, puis chanteur. Ses "résultats honnêtes" l'immergent dans une vie de paillettes, de drogue, de course contre le temps. Puis, le succès est plus distant, la lumière des projecteurs se ternit au même rythme que la popularité de Lars. La scène, les contrats et l'argent se font rares. "Ce fût au cours de cette année là que je sombrai dans la nuit noire
de l'âme" écrit-il.
La chute s'accompagne d'attaques suivies de souffrances physiques. Ce trou noir dure deux ans. Les fils de la marionnette sont terriblement emmêlés. Une collaboratrice lui donne le numéro d'un voyant et là nous entrons dans le coeur du livre.
Il sent bien Lars que sa route bifurque. Mais "il ne distingue pas entre le mental, le physique, l'émotionnel, le spirituel, entre la cause et l'effet". Emmêlés les fils! Cependant il constate qu'après avoir appelé "le voyant" le cauchemar prend fin. Une sorte de paix s'installe. Lars a touché le fond. L'espoir le titille. Il n'a plus rien à perdre. Pourquoi pas?
Dans le train qui le conduit à Montségur il cogite. Les questions fusent et des flashes le renvoient à la vie qu'il est entrain de quitter. Il pense à sa course éperdue contre le temps, à ses hommes sans visage rencontrés dans les grandes villes "ces hommes Magritte". Il résume " la conception de la sécurité qui nous est jetée en pâture et qui est en réalité identique au mensonge, créant seulement des perdants et des malades". Les préjugés, les fausses croyances se disputent le premier rôle. Il regarde sa vie comme on visionne un film. de loin..
Lars arrive à Montségur et le voyant l'accueille comme le ferait un sage, comme le ferait une petite voix. Et là le parcours initiatique commence. Lars est invité, tout comme le lecteur à admettre qu'il n'est rien. Qu'il sera..... tout simplement. "Le lâcher prise constitue une forme d'art et chaque jour offrira son lot de renoncements exigeants. "
Les images, les symboles, les paraboles assouplissent ce récit pour lui donner l'allure d'un conte. Un conte pour adultes..... le lecteur est invité à prendre le chemin avec Lars. Au fil de l'histoire on sent qu'il se déleste de certains fardeaux: Sa réticence à accepter sa juste place dans la vie, ses doutes à l'égard des autres, sa relation à ses parents qu'il n'a jamais clarifié, sa relation aux femmes. Les plus gros poids qu'il a jeté aux orties étant tous ses soucis sans importance, toutes les erreurs qu'il a commises, tous ses défauts, la culpabilité, la peur, dehors! Allez, maintenant il se sent léger il galope et moi, lectrice je l'envie. Il a fait la paix avec son passé, et ce parcours que l'on qualifie d'initiatique va, page après page, l'apaiser, le faire renaître. Je ne fais que constater. Je lis. Je note. le souvenir de sa vie agitée devient floue et perd de sa consistance. Il gagne en souplesse. Il s'installe dans le présent et fait un avec le cosmos. Son histoire est légitimée et je signe.
Ce livre nous invite à réfléchir au sens que l'on souhaite donner à sa vie.
Il me semble que des ponts sont établis avec la philosophie de Socrate " L'homme doit s'élever au-dessus de la terre aux limites de l'atmosphère et au-delà ainsi seulement pourra t-il comprendre tout-à-fait le monde dans lequel il vit."
Plus loin dans l'Histoire
Marc-Aurèle ne parle t-il pas de " toutes ces choses
participent d'un tout. Ce qui importe c'est le présent. Nous devons vivre selon la nature et dans un monde universel dont on fait partie." il utilise des mots différents mais invite à "la reconnaissance d'une harmonie, de ce souffle chaud qui traverse notre être pour le mener vers le mouvement de la vie et de son équilibre avec le destin." le voyant lui nous dit: "l'univers est neutre, pur, vivant en mouvement. Il contient tout.."
Le taoïsme , doctrine du non-agir refuse la peur de l'échec, le contrôle de soi, l'égo, l'inquiétude tous ces poids lourds qui se trouvaient dans les poches de Lars. L'homme doit se mesurer dans une dimension cosmique.
Sur ce thème
François Cheng parle de la voie du salut pour qui sait adhérer à la nature en son mouvement.
La sophrologie vise aussi à conquérir l'harmonie à partir de l'état de sa propre conscience. le voyant s'exprime en ces termes: "observer ses propres images afin de les corriger et atteindre l'harmonie".
La méditation vise à amoindrir la lutte contre le temps, contre les autres, l'ambition, la compétitivité l'émotion. le voyant pense que l'argent, l'ambition, le prestige masquent l'essentiel.
Le yoga incite au calme, à l'épanouissement du silence et au détachement des désirs du monde. le voyant rappelle qu'avec un niveau de conscience plus élevé le souffle qui entre et sort, le passage entre intérieur et extérieur nous permet de communier avec l'air puis l'atmosphère puis l'univers et enfin le cosmos.
Dans un tout autre style
Khalil Gibran évoque dans ses écrits une définition de la liberté qui ne s'éloigne pas tant que ça de celle du voyant.
Les écrits de
Christophe André, de
Matthieu Ricard pourraient compléter et argumenter le livre de
Lars Muhl sans en modifier le sens profond.
Plus près de nous, "Babelios et babeliottes" j'ai lu une critique de Livrevie qui a commenté "Les délices de Tokyo" livre qui l'a, dit-elle, profondément marquée. Ce roman "suit le rythme de la floraison des cerisiers........... livre déclencheur vers une autre façon de voir les choses, vers une autre manière de vivre. " le voyant n'est encore pas si loin....
A nous de l'adapter!
Lire "
le chercheur" de
Lars Muhl c'est au fond un mode d'emploi, écrit sous la forme d'un fable et que l'on peut résumer en une phrase:
Je suis présent et je suis disponible.
Ce livre témoignage est-il une piste pour vivre en totale harmonie?
Une agréable lecture qui peut nous entraîner très loin
Merci aux éditions Flammarion et à Babelio qui m'ont offert ce livre faisant partie de Masse critique