John O'Hara, en 1955, lors de la parution de Ten, North Frederick, a 50 ans, une carrière accomplie et des succès littéraires qu'il a obtenu dès ses premiers romans dans les années 30. Il est également un alcoolique typique des écrivains américains de sa génération (Fitzgerald,
Hemingway, Caldwell,
Faulkner,
Jim Thompson, la liste est longue) et représentatif d'une ambiance plutôt dépressive de cette génération après-guerre.
Le roman qu'il livre en 1955 est à la fois un monument qui lui vaudra le National Book Award en 1956 et une somme-testament dans lequel il livre l'ampleur de son dégout pour le puritanisme et l'hypocrisie de la haute bourgeoisie WASP de Pennsylvanie (lui l'irlandais donc catholique donc exclu de cette bourgeoisie) et du rôle du couple dans cette société. Comparé de façon évidemment excessive par les critiques (américains ?) à
Balzac, on trouve certainement dans le premier tiers du roman une façon rigoureuse de prendre le temps de détailler chaque personne de l'intrigue en prenant le temps de mettre clairement en valeur son rôle typique dans la société de Gibbsville –
la ville imaginaire qui apparait déjà dans Samarra et qui est l'alter égo de Pittsville où est né l'auteur.
514 pages qui se lisent d'une traite ou en tous cas sans l'ombre d'une longueur. Passionnant de bout en bout avec, bien sur, le final assez systématique chez John O'Hara dans l'alcoolisme (symptome de dépression) et la mort, un final ici quasi autobiographique et prémonitoire.
Traduit en 1958 chez Julliard, jamais réédité. Quand on songe que From the Terrace (1958), le livre qu'O'Hara considérait comme sa «plus grande réussite en tant que romancier» n'a jamais été traduit en français (sauf erreur), on mesure l'étendue du poids des modes sur les éditeurs frileux. Quel dommage que les éditions
Bernard Pascuito qui ont réédité plusieurs de ses livres et – on peut l'espérer – auraient poursuivi y compris avec des traductions inédites, aient fait faillite.