Cet essai m'a bougrement intéressé et même si je puis dire nourrie encore, et je me réjouis de voir que, sexagénaire toujours passionnée de « nourritures terrestres », un
Onfray m'en conte encore.
Les beaux-arts : peinture, sculpture, architecture, gravure, musique, cinéma, photographie, l'Académie des Arts beaux, ne répertorie notons-le ni la littérature, ni la nourriture…. Il n'est d'art traditionnellement que pour les yeux et les oreilles, seuls sens susceptibles de donner lieu au plaisir esthétique.
Il était temps qu'un
Onfray jette le pavé et prenne le parti de réhabiliter les plaisirs du goût et de la table et de revendiquer pour la cuisine, "cet art sans musée et sans école", une dignité philosophique comparable à celle des autres arts, philosophie qui nous invite "à sculpter son existence, son destin et son corps, comme on le fait pour une oeuvre d'art". J'adhère à 1000 %. (et je crois bien que dans la foulée je vais me laisser tenter par «
la sculpture de soi »…).
Je n'en finirais pas de dire tout ce que j'ai aimé dans cet essai…. Dès le prologue j'ai craqué : « Mon meilleur souvenir gastronomique, c'était une fraise dans le jardin de mon père. La journée avait été chaude, un été. Les fraises étaient gorgées de cette chaleur qui brûle les fruits jusqu'au coeur où il sont tièdes.[...] Mon père m'a invité à la passer sous l'eau, selon son expression, pour la nettoyer et la rafraîchir.[...] Lorsque je mis la fraise en bouche, elle était fraîche sur sa surface et chaude en son âme, peau douce presque froide, chair tempérée. Ecrasée sous mon palais, elle se fit liquide qui inonda ma gorge. J'ai fermé les yeux [...] je fus cette fraise, une pure et simple saveur répandue dans l'univers et contenue dans ma chair d'enfant ».
Emotion. Je passe.
Après on s'amuse beaucoup avec cet extravagant
Grimod de la Reynière, quel personnage !! et l'on s'instruit beaucoup avec
Brillat-Savarin et sa
Physiologie du goût que l'on a généralement lu, à tort selon
Onfray, comme un simple livre de recettes….
Ce que j'ai beaucoup particulièrement aimé dans ce livre ce sont surtout, au final, les questionnements auxquels il nous conduit : tel que, tout d'abord, tout art éphémère est-il un art beau ? que peut-on désigner comme faisant partie des beaux-arts aujourd'hui ? (définir le beau peut-être aussi avant tout)… Mais aussi, même si ce n'est pas évoqué, ni constitue le propos de ce livre, toutes les interrogations auxquelles cet essai nous amène, en quoi l'homme résulte-t-il de ce qu'il mange et comment il mange ? quel impact la nourriture peut-elle avoir sur notre pensée ? Quid de notre culture alimentaire aujourd'hui à l'ère des fast food et demain de la cuisine moléculaire ?
Et puis bien évidemment, sous-jacent, le devenir de l'alimentation humaine, industrialisée et pas seulement en terme de santé ...
Et le devenir de l'homme tout bonnement ? car quand
Onfray dit que « Derrière chaque gourmand il y a un enfant qui cherche à combler une angoisse primitive. » … sur quoi demain l'homme s'appuiera-t-il pour surmonter ses angoisses ou le tragique de son existence avec le lyophilisé, le sous-vide ? N'y a-t-il pas un leurre dans les hautes sphères étoilées de la gastronomie pour les gens de peu qui constituent la majorité d'entre nous ? et tant et tant d'autres interrogations….
Ok je m'éloigne du sujet du livre mais c'est de sa faute….