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EAN : 9791097594886
208 pages
Serge Safran éditeur (08/09/2023)
3.47/5   19 notes
Résumé :
Félix Bernardini dirige l’usine de Pont-sur-Risle, en Normandie, où il préside la chasse. Il pourrait couler une retraite paisible. On le respecte. Mais tout se met à déraper lorsque le cancer emporte son épouse. Personne ne comprend pourquoi il se remarie avec cette moins-que-rien d’infirmière. Pensez donc, une femme de trente ans plus jeune ! Quand elle débarque chez Félix avec son grand voyou de fils, rien ne se passe comme prévu...
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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[Critique parue sur le forum du prix du roman FNAC le 29/06/2023, roman sous embargo jusqu'au 08/09/2023]

Félix a épousé Fabienne de 30 ans sa cadette, mais il ne s'entend pas du tout avec Stéphane, son fils de 15 ans. Un animosité s'installe entre eux et se traduit de différentes manières. Ainsi, régulièrement, en passant derrière lui, Stéphane donne à Félix une tape dans le cou. Fabienne n'intervient pas. Elle était l'infirmière d'Hélène, la femme de Félix, qui est morte récemment des suites d'un cancer. Fabienne est devenue la maîtresse de Félix et, malgré les ragots dans le village, malgré l'évidente opposition des deux filles de Félix et l'apparent manque d'enthousiasme de Fabienne, ils se sont mariés.
***
Hervé Paolini situe l'histoire dans les année 90. Peut-être est-ce pour cela que le machisme règne dès le début : « Si je m'étais mis avec Fabienne, c'était précisément pour profiter de mon reliquat de vie sexuelle », (p. 8). Suit une description de Fabienne : « sa beauté animale », mais aussi tous ses défauts : cicatrice à la lèvre, dents irrégulières, excès de coquetterie, cheveux noirs communs, etc. Ce qui a conquis Félix chez cette femme décidément bien imparfaite, ce sont « de douces promesses d'alcôve »… L'outrance s'insinue partout ! Quand Félix parle d'éducation, il met sur le même plan ses filles, ses chiens et ses ouvriers. On a droit à une série de clichés et à une belle collection de lieux communs sur les femmes et sur la vie en général, dans tout le roman. Si ce n'était pas dans le cadre du Prix du roman FNAC, j'aurais lâché La mort porte conseil au début du troisième chapitre. Tous les personnages sont particulièrement antipathiques, sauf peut-être Serge, beau-frère et patron de Félix, et un des gendarmes, mais ils ne sont pas assez développés pour que le lecteur puisse en juger. Toujours excessifs et réemployant les mêmes clichés à l'envi, les portraits psychologiques collent rarement aux actes des personnages. Félix se pose toujours en victime et tente vainement d'attirer la compassion du lecteur. Fabienne accumule tellement de lieux communs sur les femmes et la féminité que c'en est ridicule. J'ai trouvé l'écriture des scènes se voulant érotiques particulièrement maladroite : dans l'une des scènes, par exemple, la répétition du mot « fesses » finit par prêter à rire, et ce n'est pas l'effet recherché, je crois. L'intrigue s'alourdit et tombe dans la totale invraisemblance. le style est plat, parfois scolaire. Bref, je suis complètement passé à côté de ce roman. Je n'y ai pas trouvé d'aspect positif, au point que je suis allée vérifier si l'éditeur avait pignon sur rue. C'est bien le cas : Serge Safran est le cofondateur des géniales éditions Zulma. Sur son site, l'éditeur précise son projet pour cette collection : « un choix personnel guidé par l'originalité du sujet, la force d'émotivité et le dérangement des codes établis, qu'ils soient moraux, littéraires ou esthétiques. » À mon avis, pour les deux premières options, c'est raté ; pour la dernière c'est assurément réussi… Je suis toujours désolée de passer à ce point à côté d'un roman.
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L'homme qui parle éveille d'emblée un sentiment de compassion : les coups humiliants qu'il subit régulièrement la part du fils de son épouse lui confèrent indéniablement le statut de victime. La situation semble inextricable d'autant que la mère du trublion reste indifférente au problème.

Pourtant et malgré le son de cloche unidirectionnel, le lecteur découvre peu à peu une autre vérité, bien machiavélique. Les personnages se nimbent au fil des lignes d'une aura joliment sinistre tandis que la violence progresse !

Ce roman noir est construit de façon originale, sous forme d'une confession qui fait entrevoir lentement mais surement l'envers du décor. le discours du narrateur est savamment dissonant, alternant entre les intentions louables de préserver son entourage et les révélations étonnantes de son passé peu reluisant en matière de fidélité ! Un peu d'humour (noir, lui aussi) permet d'alléger le propos.

Le résultat est un roman addictif, chaque page et chaque chapitre donnant envie d'en savoir plus !

Un premier roman à l'ambiance très réussie !



208 pages Serge Safran 8 septembre 2023

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Le beau-fils impossible

Pour son premier roman, Hervé Paolini a choisi d'explorer la relation entre un homme qui se remarie avec une femme de trente ans sa cadette, mère d'un garçon qui rejette cette union. Ici, le conflit est programmé et va être sanglant.

Patron d'entreprise respecté, Félix Bernardini se laisse pourtant violenter par Stéphane, le fils de sa nouvelle compagne. Ce petit rituel, qui avait commencé comme un jeu, un petit coup dans le dos lorsqu'il était attablé, est vite devenu une habitude malsaine.
Tout en se disant que son beau-fils allait cesser son manège, il se rendait bien compte qu'il aurait dû réagir. Mais en attendant, il mettait sa lâcheté sur le dos de son attachement à Fabienne. Il ne voulait pas faire de peine à sa maîtresse pour laquelle il vouait une passion brûlante. de 30 ans sa cadette – a peu de choses près l'âge de ses filles Ghislaine et Odile – elle lui avait permis de trouver du réconfort lorsque son épouse Hélène luttait contre le cancer qui a fini par l'emporter.
Si ses filles décident de couper les ponts après l'esclandre provoqué par leur belle-mère lors des obsèques, il se sent désormais libre de refaire sa vie, de se remarier et de partager son foyer avec Fabienne. Étonné par les réticences de Fabienne à venir vivre sous son toit, il va très vite comprendre la raison cachée de ses hésitations: «c'était son fils. Elle savait pertinemment qu'il était violent, qu'il allait nous poser des problèmes, mais elle se gardait bien de m'en avertir.»
On l'a vu, après son mariage, ses relations avec son beau-fils ont très vite empiré, Fabienne se contentant d'éluder la gravité de la situation.
Le point de bascule a sans doute été le jour où il lui a écrasé sa cigarette sur le front. D'autant qu'il a coïncidé avec les difficiles tractations avec les Italiens candidats au rachat de son entreprise et la confirmation des rumeurs qui circulaient sur Fabienne. Elle était souvent aperçue avec un notaire et on la soupçonnait d'être une chasseuse d'héritages.
À partir de ce moment, Félix a compris sa douleur. Une expression – malheureusement pour lui – à prendre au pied de la lettre. «Tout ce qui touche à Stéphane me retournait les tripes. Il n'était pas un jour où ce gamin ne m'apportait un nouveau problème.»
De nombreux rebondissements et une dramaturgie habilement mise en scène donnent un goût de thriller psychologique à ce premier roman qui nous ramène au cinéma de Chabrol, à cette bourgeoisie de province avide de promotion et soucieuse de discrétion. Ajoutons-y un style nerveux et efficace, bien en phase avec l'intensité croissante du récit.
Hervé Paolini y montre avec beaucoup de finesse les tourments du beau-père, tiraillé entre l'envie de plaire à sa maîtresse et celle de châtier un beau-fils qui dépasse les limites. Des scrupules qui vont mener à la catastrophe. Si on la voit bien arriver, on ne se doute pas des ressources insoupçonnées d'une bête blessée. le pleutre va se transformer en Machiavel, ruminer sa vengeance et nous offrir un épilogue de haute volée.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu'ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.

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* Rentrée littéraire 2023 #1 *

Allez, nous sommes le 23 août... c'est parti pour la rentrée littéraire 2023 avec ce 1er titre lu en juin dans le cadre du jury du Prix du Roman Fnac. Voici la critique réalisée à l'époque: 

"La mort porte conseil" est le premier roman d'Hervé Paolini. Il a choisi de situer son récit dans les années 1990, en province (française), et de le raconter à la première personne. Il nous plonge donc directement dans la tête et plus précisément dans les souvenirs de son "héros" Félix.

Félix Bernardini était un homme respecté dans son petit village de Normandie, dans lequel il dirige une usine. Il était marié et avait deux filles. Lorsqu'il perd sa femme d'un cancer, il épouse en deuxième noces l'infirmière de celle-ci, une femme beaucoup plus jeune que lui. Il coule une vie plus ou moins paisible, avec sa nouvelle épouse et le fils de cette dernière, avec lequel il a souvent du fil à retordre. Il espère bientôt prendre une retraite bien méritée. Mais un jour, tout dérape. 

Je dois dire d'emblée que je n'ai pas été convaincue par cet ouvrage.

J'ai trouvé les personnages assez caricaturaux et pas du tout attachants, et en particulier Félix, avec son attitude "vieille France" - il est vrai que l'intrigue se passe dans les années 90 - et plaintive. Malgré les épreuves qu'il subit, je n'ai éprouvé aucune empathie pour lui - mais peut-être est-ce volontaire de la part de l'auteur ? 
J'ai donc trouvé que la psychologie des personnages manquait de profondeur et même de cohérence. 

Au départ, j'ai été intriguée par l'histoire et j'ai eu envie de connaître le dénouement. Mais assez vite, j'ai trouvé que l'intrigue devenait à la fois prévisible pour certains aspects et peu vraisemblable pour d'autres. Plus je tournais les pages et moins j'y croyais. Et je n'ai pas apprécié la fin - mais je suis assez difficile à ce niveau-là.

Ce livre se lit très vite, l'écriture est directe et simple. Etant plongé dans les pensées et souvenirs du personnage principal, le lecteur n'a qu'un seul point de vue sur les évènements. J'aurais préféré que l'auteur alterne les points de vue, pour connaître notamment l'avis de Fabienne, de son fils et du détective, sur la situation. Cela aurait été plus attrayant pour moi.

Bref, vous l'aurez compris, ce roman ne m'a pas vraiment emballée...

#PrixRomanFnac #fnac_officiel #rentréelittéraire2023 
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Félix est le personnage principal et le narrateur, quelqu'un dont je ne sais pas trop quoi penser au final.

Un homme respecté, marié, deux filles, qui ont pris leur indépendance depuis déjà longtemps. Tout va bien jusqu'au jour où sa femme tombe malade. Félix ne supporte pas de la voir dans cet état ; il a besoin d'autre chose. Et commence une liaison avec Fabienne, l'infirmière de sa femme, bien plus jeune que lui.
Peu avant que sa femme meure, il lui avoue sa liaison. Et se marie peu après l'enterrement.

Fabienne a un fils, alors âgé de 15 ans. Un gamin insupportable, odieux et violent envers son beau-père. Une spirale infernale dans laquelle s'enfonce Félix…

Les personnages sont vivants et ne m'ont pas laissée insensible. Fabienne est une profiteuse, elle soutient toujours son fils, quoi qu'il fasse. Même lorsqu'il a un comportement tout à fait anormal envers Félix.

Ghislaine ne parle plus à son père, la cadette un peu. Ce que je peux tout à fit comprendre. Elles ont compris qui est Fabienne.

Comme je vous le disais, je ne sais pas trop où me placer pour Félix. J'ai des ressentis assez ambigus. Par moments, je le comprends ; mais à d'autres (souvent) ; j'ai sérieusement envie de « lui remonter les bretelles ». Comment peut-il accepter le comportement de ce gamin sans réagir ? Être amoureux de sa mère n'excuse pas tout. Je me suis même demandée s'il avait vraiment aimé sa femme, s'il la respectait.

Certains de ses agissements sont assez incompréhensibles pour moi, plausibles mais…. D'emblée, il parait assez veule et peu agréable.

Je l'ai suivi dans sa descente aux enfers en me disant parfois qu'il avait bien cherché ce qui lui arrivait. Et pourtant à d'autres moments, il m'est apparu non pas « lâche » mais crédule et très naïf. Bref, je suis très partagée.

Ce récit est construit comme une confession, comme un journal intime. Un seul point de vue donc. Pourtant, la lecture n'est ni lourde ni longue. L'écriture est claire et sensible, faisant bien ressortir les pensées qui agitent Félix. Les dialogues sont absents, et j'avoue que j'aurais aimé en trouver. Pour mieux visualiser les scènes d'accrochage (si je peux dire) entre Félix et le gamin par exemple. Pour moi, cela aurait rendu les choses plus profondes, encore plus intenses, peut-être un peu plus complexes, comme le sont les relations humaines.

En résumé je dirais que la découverte a été agréable. On a une idée très nette de ce que traverse Félix. Ça se lit bien, avec un certain sentiment de malaise grandissant.

Comment auriez-vous réagi à la place de Félix ?
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
« PONT-SUR-RISLE, ANNÉES 90
CHAPITRE 1
Cette manie qu’il avait tout jeune.
Cette taloche sur le crâne qu’il avait pris l’habitude de me balancer avant chaque repas, comme ça sans raison, quand il passait derrière moi, que je me tenais tranquillement assis devant mon assiette et que sa mère ne regardait pas ; et même quand elle regardait d’ailleurs. Pas appuyée au début, presque gentillette, excusable encore, juste une petite tape, mais qui avait le foutu don de me taper sur les nerfs, une sorte de coutume avant le dîner qui ne portait pas à conséquence, du moins dans les premiers temps. Fabienne s’en serait presque amusée si elle n’avait fini par se rendre compte que l’insolence de son fils m’exaspérait ; il faut bien que jeunesse se passe, c’était sidérant de la voir se ranger tout le temps de son côté. Où avait-elle entendu dire qu’un enfant ne se devait pas de respecter son père de substitution ? Ce n’était quand même pas à moi de m’adapter, avait-elle décidé de tout faire tourner à l’envers dans ma propre maison ?
J’avais bien tenté d’aborder la question avec elle, mais à la seule mise en cause de son cher petit Stéphane adoré, je voyais son visage s’assombrir du tout au tout, comme un paysage ensoleillé de juillet qu’un gros nuage vient brusquement gâcher. Non contente de décréter que nous ferions chambre à part dès le début de notre vie commune, il pouvait aussi lui arriver, pour bien souligner son mécontentement, de me couper le chemin de son lit pour une durée indéterminée. Je n’avais plus l’âge pour ce genre de traversée du désert. Si je m’étais mis avec Fabienne, c’était précisément pour profiter de mon reliquat de vie sexuelle et je considérais que la satisfaction de mes plaisirs intimes pesait plus dans la balance que la défense de sacro-saints principes d’éducation.
Il faut dire que nous n’avions pas loin de trente ans d’écart, elle et moi, et je dois concéder que le corps sublime de Fabienne justifiait bon nombre de mes lâchetés. Tous les hommes ont une théorie sur le corps féminin, personnellement, je trouvais qu’il n’atteignait sa plénitude qu’au bout d’un long processus de maturation, quand il frisait sa quarantième année (et pas trop longtemps après). Celui de ma nouvelle femme se trouvait pile poil dans la bonne fourchette et j’estimais n’avoir jamais assez l’occasion d’en profiter. C’était une raison suffisante à mes yeux pour m’écraser devant Stéphane.
Cela dit, Fabienne pouvait très bien passer inaperçue quand on la voyait pour la première fois.
Et d’ailleurs, la plupart des hommes la remarquaient à peine ou si c’était le cas ils se gardaient bien de le montrer. Quant aux femmes, je ne sais pourquoi, elles ne lui faisaient aucun cadeau, elles la trouvaient généralement quelconque. On aurait dit qu’elles s’en méfiaient. J’avais même entendu plusieurs réflexions désobligeantes sur son physique qui m’avaient marqué et me sont restées longtemps en travers de la gorge. De la part de mégères qui, sans doute, ignoraient à l’époque qu’elles s’adressaient à son futur mari. Mais peu importe.
Moi-même, il m’avait fallu du temps pour me laisser prendre à sa beauté animale, cinq ou six rencontres pour rien avant que son charme n’opère. En y repensant, plusieurs détails clochaient chez elle, même si j’ai fini par m’y faire, elle avait cette fine cicatrice à la lèvre supérieure dont la boursouflure pouvait détourner l’attention lorsqu’elle vous parlait. Il faut reconnaître aussi que ses dents étaient loin d’être parfaites, j’avais beau lui répéter qu’il n’y avait pas de fatalité, qu’on pouvait très bien y remédier, la perspective de les confier à un dentiste la terrorisait, celles du bas se chevauchaient étrangement, créant des ombres peu esthétiques, ce qui expliquait d’ailleurs qu’elle ne se laissait jamais aller à rire en toute franchise, rarement même on la voyait sourire et, quand c’était le cas, elle avait une façon bien à elle de placer sa main devant sa bouche. Ce que j’avais tout d’abord pris pour de la retenue, voire une sorte de timidité, n’était en fait qu’un excès de coquetterie. Rien à dire de particulier sur ses cheveux non plus, ils étaient d’un noir commun et je me souviens qu’elle les gardait la plupart du temps attachés, même lorsque nous faisions l’amour. Elle était parfaitement proportionnée, comme je crois l’avoir déjà mentionné, mais pas au point comme certaines d’affoler les hommes que nous croisions dans la rue. Je sais que c’est difficile à avaler, mais aucune fille ne m’a fait perdre la boule comme elle. Son magnétisme se trouvait ailleurs, irrésistible, une fois qu’on s’y laissait prendre et on peut dire que je me suis fait avoir en beauté. C’est loin d’être évident pour moi de parler de toutes ces choses avec la distance requise, il me remonte encore des bouffées, je peux juste dire qu’elle avait de douces promesses d’alcôve, je ne saurais mieux l’expliquer, dans le fond de ses yeux, la texture de sa peau, au plus profond de son odeur de femme ou dans le timbre de sa voix qu’elle savait rendre lascive et que j’entends encore parfois quand je me sens seul.
Progressivement, son gamin a dû se sentir encouragé par mon manque de réaction et je n’ai rien vu venir, il a pris de l’assurance, laissé libre court à son agressivité, son revers claqué de plus en plus fort derrière mon oreille, toujours à cet endroit dont je garde encore le souvenir cinglant, laissait une brûlure insistante. Une douleur teintée d’humiliation. J’avais honte de ne pas exiger qu’il arrête. Oser lui dire, une fois pour toutes que, bon Dieu, son geste était totalement déplacé. Vu son âge, vu le mien. Et lui en mettre une bonne qui l’aurait définitivement calmé. Mais, comme je l’ai dit, la lâcheté me paralysait, sa mère avait trop d’emprise sur moi. Était-ce également la crainte de l’affronter ?… À l’époque, j’étais bien plus fort que lui. Physiquement, j’entends. Si j’avais voulu, j’aurais pu le réduire, l’écraser comme une vermine. En tout cas, je sais que j’aurais dû tenter quelque chose. Ou du moins dire quelque chose. Réagir. Et ce dès le début. Je le sais pertinemment.
Il est important qu’un beau-père sache se faire respecter, bla-bla-bla, je sais tout ça, on m’avait prévenu.
Et il est bien trop facile de m’accabler de reproches aujourd’hui, avec le recul du temps et des événements, maintenant qu’il est trop tard de toute façon. Le fil des habitudes s’est déroulé, toute la pelote y est passée, allez-y pour remonter une pelote, bonne chance ! C’est comme replier une carte routière qui a servi, je n’y suis jamais arrivé. Stéphane ne pouvait plus revenir en arrière. Et moi non plus si on va par là. J’aurais bien voulu les y voir, les donneurs de leçons, tous ceux qui se croient toujours obligés de refiler des conseils. Sans compter tous les autres, ceux qui se taisaient et qui n’en pensaient pas moins. Ils n’ont jamais été à ma place. Personne. Ils ne peuvent pas comprendre. Personne ne saura jamais me comprendre. Facile de juger quand on n’est pas dedans.
Toujours est-il que son geste rituel, répété si souvent, s’est imposé dans nos rapports comme un droit d’usage, un cérémonial dont je sais que Stéphane n’aurait renoncé pour rien au monde. Chaque soir, j’encaissais sa taloche sans broncher. À force, je m’y faisais, j’ai remarqué qu’on se fait à tout, c’est un des privilèges de l’âge, il fallait juste me convaincre qu’il était inutile d’en faire un drame, pourquoi vouloir mêler à tout prix sa mère à ces broutilles, Fabienne ne m’aurait pas aidé, c’est plus que certain et, surtout, je craignais qu’une réaction tardive et disproportionnée de ma part n’arrive à contretemps, ne fasse que renforcer l’ascendant que Stéphane avait déjà pris sur moi et n’aboutisse, en fin de compte, qu’à lui concéder une victoire trop facile. Je n’aurais pas supporté qu’il se réjouisse des dégâts provoqués sur mes nerfs par son geste imbécile. Car, j’avais beau sauver les apparences, je sentais qu’un truc se fissurait en moi quand je prenais un peu de recul. Et il m’arrivait d’en prendre, il faut pas croire, je sais bien que l’avis des gens n’aurait pas dû entrer en ligne de compte, mais on a beau essayer de faire abstraction, ça revenait comme une balle de jokari, je me disais qu’ils n’en auraient pas cru un mot, tous autant qu’ils étaient, s’ils avaient appris que Monsieur Bernardini (Président de la Chasse, directeur des remorques Loisel & Cie, le monsieur si bien habillé qui habitait la belle maison dans le bas du bourg), le Félix Bernardini connu de tout le village, eh bien ce monsieur Bernardini-là, se laissait emmerder par son beau-fils mineur.
Et sous son propre toit encore !

CHAPITRE 2
Le geste déplacé de Stéphane m’affectait plus que je ne voulais bien me l’avouer.
J’ai renoncé à en faire toute une histoire mais il écourtait mes nuits et noircissait mes pensées. Et, au lieu de mettre fin à ce jeu qui n’en était pas un, je perdais mon temps à vouloir l’expliquer. Quelle mouche avait pu piquer Stéphane ? Je ne me souvenais pas lui avoir sorti quoi que ce soit de blessant, d’avoir eu la moindre attitude déplacée. Pourquoi s’était-il mis à me détester d’emblée ? Et surtout, comment rectifier le tir maintenant ? Plus que de l’insolence gratuite, il m’arrivait de percevoir ses enfantillages comme l’expression d’une volonté délibérée de me détruire. Était-ce la fatigue liée aux insomnies. Ou ma fragilité psychologique pendant cette phase charnière de ma vie. Toujours est-il que Stéphane piétinait l’image que j’avais mis des dizaines d’années à composer. Il niait mon humanité et faisait rejaillir des incertitudes en moi que j’espérais enfouies depuis des lustres.
Son grand truc consistait à me comparer à son père. À ses yeux, j’étais quantité négligeable à côté de son ivrogne invétéré de père, c’est ce qu’il cherchait à me faire entrer dans le ciboulot. Allez savoir pourquoi, après tout ce que ce type avait pu leur faire subir, à lui et à sa mère, Stéphane s’était mis à propreme
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La petite frappe qui accompagnait Stéphane s'appelait Sergueï. Je trouvais que son prénom lui allait comme un gant, il évoquait le salpêtre des sous-sols du KGB, le départ à l'aube pour la Légion étrangère, une froide vengeance dans les Carpates à grands coups de barres de fer sur les genoux. Il fleurait bon le meurtre anonyme dans les sous-bois, le cadavre défiguré plongé dans l'acide, le couteau à cran d’arrêt enfoncé le sourire aux lèvres, les pires bas-fonds d’Albanie. Jamais prénom n'avait été aussi bien porté. Avec sa cagoule de malfrat, Sergueï pouvait se vanter de me faire dresser les poils. p. 116
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Cette manie qu’il avait tout jeune.
Cette taloche sur le crâne qu’il avait pris l’habitude de me balancer avant chaque repas, comme ça sans raison, quand il passait derrière moi, que je me tenais tranquillement assis devant mon assiette et que sa mère ne regardait pas ; et même quand elle regardait d’ailleurs. Pas appuyée au début, presque gentillette, excusable encore, juste une petite tape, mais qui avait le foutu don de me taper sur les nerfs.
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Quelle histoire à dormir debout aurais-je pu inventer ? Comment expliquer une brûlure de cigarette en plein milieu du front de Félix Bernardini ?Les gens jasaient assez comme ça.
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