Le vieillard amoureux

Françoise Pascal, d'origine lyonnaise, a été peintre et auteure. Même si elle a semblé accorder plus d'importance à la peinture qu'à l'écriture, ses tableaux sont perdus, et son héritage artistique se résume donc à ses oeuvres écrites. Il y a des poèmes, des oeuvres religieuses, et quelques pièces de théâtre, petites comédies et tragi-comédies essentiellement. Elle est présentée comme la première femme en France dont les pièces ont été jouées par des troupes professionnelles, même si les traces sont difficiles à retrouver : l'essentiel, sinon l'ensemble de ces représentations auraient eu lieu à Lyon. Certains ont fait l'hypothèse de représentations du Vieillard amoureux à l'hôtel de Bourgogne, mais il n'en existe aucune trace certaine. En tous les cas, la pièce a été publiée en 1664 et elle n'a jamais été rééditée depuis, jusqu'à nos jours.

Il s'agit d'une comédie en un acte. le vieillard du titre (présenté uniquement sous cette appellation) a une fille, Isabelle, amoureuse qui plus est, d'un certain Cléandre, ce que ignore le père. Malgré les exhortations de son valet, Philipin, il la tient enfermée, et ne veut pas entendre parler mariage, pour ne pas lui donner de dot. En revanche, il envisage le mariage pour lui-même. L'amoureux se déguise en femme pour duper le père, et approcher la fille. le père, trompé par le déguisement de Cléandre, souhaite très vite l'épouser. Il finit par comprendre qu'il est dupé, mais consent au mariage des jeunes gens.

Même si les vers sont lestement troussés, tout cela n'a rien d'original, et reprend pas mal de schémas classiques de la farce. le vieillard qui souhaite se marier en dépit du bon sens, l'oppression de sa fille, l'homme déguisé en femme...c'est un peu les ressorts habituels dans ce type de pièces comiques sans que l'auteure n'y mette rien de vraiment personnel. C'est un peu un théâtre à canevas, dans lequel les comédiens rajoutaient leur répertoire de grimaces, de gestuelles, de jeux de scène, sans doute très outrées, et qui pouvaient donner dans une certaine grivoiserie, compte tenu du sujet.

Sans rentrer dans des polémiques inutiles, si la pièce est rééditée aujourd'hui, c'est sans doute essentiellement parce qu'elle a été écrite par une femme, et qu'il un mouvement pour publier une production, présentée parfois comme occultée. Même si cela représente un intérêt documentaire, je ne suis pas sûre que ce soit plus que cela. Faire des rapprochements avec Molière, en particulier avec l'Ecole des Femmes, n'est pas rendre service à la pièce. Qui n'est sans doute ni meilleure ni pire que nombre de pièces de l'époque, mais comme on n'édite plus les pièces d'hommes de qualité comparable, les seuls points de comparaison vraiment accessibles à des non spécialistes, sont des pièces de bonne facture, et ce n'est pas en faveur de Françoise Pascal.

Plus que la pièce en elle-même, qui est sans doute un document intéressant pour ceux qui veulent découvrir le théâtre du XVIIe siècle au-delà de chefs-d'oeuvre connus, c'est la présentation qui en est faite que m'a gênée. Laisser entendre qu'il s'agit d'une oeuvre de grand intérêt ne sert pas à mon sens la cause de la littérature féminine. Ce n'est pas cette publication qui me donnera l'impression d'avoir découvert un chef d'oeuvre inconnu, mis à l'écart car écrit par une femme. Elle renforcerait plutôt la sensation qu'il n'y a pas eu à l'époque de pièces vraiment importantes écrites par des femmes. Alors qu'elles ont réussi à investir d'autres genres, en particulier le roman avec succès.