Quand l’écriture approche de ce qu’elle devrait être, elle ressemble intimement au voyage parce qu’elle est comme lui une disparition. Loin de prétendre comme on le croit à une affirmation de la personne, c’est sa dilution qu’elle propose au profit d’une réalité qu’on veut rejoindre. Cette légèreté est le plus beau cadeau que la vie puisse nous faire, mais encore faut-il l’accepter.
Nicolas Bouvier, préface au Long Eté
Sous le dagoba (monument saint) blanc, épaule de givre dans la nuit pékinoise, frémissent les ombres faméliques de mon enfance incrustées dans les ténèbres du passé.
Reines ou filles de mandarin, que pouvait souhaiter d'autre le solitaire abandonné par les soeurs de ce monde, l'enfant unique, nés sans liens et sans racines ?
Ce ne fut pas une enfance de prolétaire, mais la guerre avait fait de nous des prolétaires quand, au large des côtes anglaises, nous attendions sur un cargo qui naviguait à phares éteints la lumière innommable de la mort.