Sur Terre, dans une société future livrée à un taux de chômage tel que les gens restent enfermés chez eux et passent leurs temps à des jeux infantiles et inutiles, Glimmung, une entité extraterrestre vient démarcher certains d'entre eux pour leur savoir-faire et leur demande de participer à une oeuvre gigantesque : renflouer Heldscalla, une cathédrale tombée au fond de l'océan sur Sirius V, la planète du Laboureur.
Sur les trottoirs de la ville, l'immense entité ahanante quasi animale que formait la masse des éternels sans-emploi de Cleveland se rassemblait et se dispersait, se regroupait pour attendre, attendre toujours, se fondre en un agglomérat triste et instable. Muni de son sac de pièces, Joe Fernwright heurtait leur flanc collectif en se frayant un passage vers la cabine téléphonique de monsieur Travail. Il humait l'odeur familière, vinaigrée et pénétrante, de leur présence massive, passionnée et pourtant porteuse d'un regret plaintif.
C'est ainsi que Joe Fernwright, un restaurateur de céramique hautement compétent mais qui n'a pas eu de travail depuis plusieurs mois accepte l'aventure.
« Je n'ai pas travaillé depuis sept mois et on me propose un boulot qui me mènera hors du système solaire. J'ai peur. Et si je n'y arrive pas ? Si j'avais perdu mon doigté après toute cette oisiveté ? »
Après s'être réveillé au terme de son voyage spatial, Joe fait connaissance des autres compagnons qui comme lui, ont été embauchés pour leur capacité : spécialiste des coraux, télékinésiste, etc... il découvre également que tous ont été visités par le Glimmung alors qu'ils étaient, comme lui-même, en perte de confiance, voire prêts à se suicider. Puis ils découvrent les créatures habitant la planète, en particulier les répandeurs qui vendent le livre constamment mis à jour par les Kalendes, où sont écrites les prédictions de leur avenir ; et bien entendu le Glimmung :
« le personnel de l'hôtel ne va pas apprécier », remarqua Joe à mi-voix. Bon Dieu ! Cette énorme montagne dotée de centaines de bras qui se contorsionnaient et cinglaient l'air frénétiquement, semblant sortir de tous les points de la carcasse gigantesque… cet amas grouillant oscilla un instant, puis, dans un rugissement furieux, fit s'écrouler le sol qui le supportait ; la chose disparut à la vue, laissant partout des immondices. de la crevasse béante montaient de fines volutes de fumée, sans doute de la vapeur d'eau. Mais Glimmung s'en était allé. Tout s'était passé selon les prévisions de Mali : le plancher n'avait pu résister à ce poids, Glimmung était tombé à travers dix étages jusqu'au sous-sol.
mon avis
Il y a quelques temps, je n'aurais jamais pensé pouvoir apprécier de nouveau la science-fiction comme au temps de mon adolescence ; mais voilà, Philip K.Dick n'est pas qu'un auteur qui dépeint le futur à bord de vaisseaux spatiaux et à grand renfort de monstrueuses créatures extraterrestres. Personnellement, je lis le témoignage visionnaire d'un excellent auteur inventeur qui imagine une technologie permettant d'interroger une encyclopédie (me fait penser à Internet / Wikipedia) ou de jouer avec l'ordinateur, ou encore des équipements capables de créer la réalité augmentée (scène avec le SSA). On lit avec inquiétude et une lueur d'espoir l'aventure de Joe sur la planète du Laboureur où il rencontrera son destin et une raison d'être.
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Comme toujours chez P K Dick c'est bien écrit et les thèmes principaux sont là : sens de la vie, aliénation, liberté etc.
J'aime cet auteur depuis que j'ai eu 17 ans environ (c'est loin je ne me souviens plus très bien).
Toujours d'actualité A LIRE!
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Joe Farnwright n'était plus personne.
Perdu au fond de sa mégalopole mondiale, il survivait grâce au souvenir d'un temps où son métier l'avait maintenu en vie.
Lui, l'homme en miettes, il recollait les morceaux des céramiques brisées. Sous ses doigts, les oeuvres d'art reprenaient vie - guérissaient, comme il aimait à se le répéter.
Pour lui aussi c'était une réparation.
Heureuse époque ! Maintenant, plus personne ne voulait de lui ou de son talent. Et voilà qu'un jour, venu des profondeurs de l'espace, un être monstrueux ou divin lui demandait ses services dans la plus grande tâche jamais réalisée.
Un exploit qui le sauverait de la noyade.
Mais pouvait-il avoir confiance ?
(quatrième de couverture de l'édition parue à "Presses Pocket" en 1980)
L'homme est un ange frappé de folie, pensa Joe Fernwright. Jadis, ils avaient tous été de véritables anges, et à ce moment-là, ils avaient le choix entre le Bien et le Mal. C'était facile, très facile, d'être un ange. Alors, quelque chose était arrivé, avait mal tourné, ou s'était brisé, ou encore avait échoué. Et le choix qui s'était depuis lors posé à eux ne se résolvait pas à préférer le Bien ou le Mal, mais à distinguer quel était le moindre mal. Sous la poussée du paradoxe, leur esprit avait cédé, et ils étaient maintenant des hommes.
Un craquement de tonnerre et la pluie se mit à tomber. Par vagues serrées, elle s'affaira à tremper toute chose, pénétrant la cathédrale pour ressortir en torrents qui traçaient un chemin tortueux vers la mer originelle. Peu à peu, Heldscalla retrouva sa forme habituelle. La créature-enfant fit place au béton, à la roche et au basalte, aux piliers élancés et aux arches gothiques. Une fois de plus, les vitraux, teintés de rouge à base d'or, brillaient dans la lumière erratique d'un coucher de soleil pluvieux.
Nous sommes un fil qui passe entre leurs mains, toujours en mouvement ; nous glissons entre leur doigts qui jamais ne se referment. Nous glissons tous en un trajet sans halte qui nous rapproche toujours plus encore de la terrible alchimie de la tombe.
L'échec ne m'en apprendrait pas moins sur moi que le succès. (...) L'échec est précieux pour celui qui sait apprendre.
Depuis Jules Verne, de Philip K. Dick au groupe
Limite, la science-fiction n'a cessé d'évoluer jusque
dans ses propres définitions. Ainsi, ses différentes
déclinaisons se démarquent d'abord entre elles
pour mieux se mêler ensuite. Quand le genre mille
fois déclaré mort sort du cadre et rebat les cartes
pour mieux se réinventer…
Avec : Serge Lehman, Olivier Paquet,
Hervé de la Haye, Guilhem
Modération : Caroline de Benedetti