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EAN : 9791034908783
256 pages
Liana (07/03/2024)
3.8/5   15 notes
Résumé :
Edition LIANA LEVI

France, 1939. Jeanne a été internée à la suite de la perte de son nouveau-né. Forcée de quitter l'asile de Ville-Evrard, elle est transférée avec les autres pensionnaires dans le château de Saint-Alban, en Lozère. Ils vivent au sein d'une communauté atypique, aux côtés d'une équipe de psychiatres, qui proposent de nouveaux soins. Ce lieu ouvre secrètement ses portes aux Juifs et aux résistants.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
À partir de l'histoire d'une patiente au moment de la seconde guerre mondiale, Paola Pigani choisit de raconter, pour son roman le château des insensés, les grands changements de la psychiatrie moderne, introduisant ce qui plus tard s'appellera la psychothérapie institutionnelle.

De Ville Evrard en août 1939, Jeanne, vingt-quatre ans, vient de perdre son enfant à la naissance.« Psychose puerpérale, beaucoup de jeunes mères en souffrent, une maladie de langueur et de mélancolie profonde parfois à l'origine de pensées suicidaires ». Son mari, Lucien, a demandé son internement lorsqu'il l'a vue sombrer.

Lorsqu'il faut évacuer les malades de Paris pour les protéger lors de l'occupation allemande, Jeanne est envoyée à Saint-Alban-sur-Limagnol en Lozère dans un beau château. le Dr Balvet dirige l'hôpital, aidé par la présence de religieuses dévouées. Lucien est mobilisé. Plus rien ne relie Jeanne à la vie !

Expérience hospitalière
Ce n'est pas uniquement les kilomètres qui vont faire la différence avec Ville Evrard. François Tosquelles, membre d'un groupe communiste espagnol, est obligé de fuir l'Espagne fasciste. Il se rend seul au château et va révolutionner la prise en charge des patients avec ses nouvelles méthodes. En ouvrant la structure vers le travail, y compris à l'extérieur, et en favorisant leur liberté et leurs expressions, les malades retrouvent peu à peu la maîtrise de leur univers.

Jeanne rencontre Victor-pour-la-vie qui est un peu déficient mais tellement joyeux et chaleureux. Auguste Forestier, coiffé d'un képi décoré, avec ses réalisations en bois, de rois et de reines comme lui dira Eluard, est reconnu comme artiste à part entière de l'art Brut par Jean Dubuffet. Paola Pigani le restitue dans toute sa singularité, sa souffrance et son talent.
Dans une époque où règnent les restrictions, la femme nommée « la Rillette » retrouve son appétit, symbolisant ainsi le désir de vivre qui fait défaut à tant d'hommes et de femmes internés, malgré le silence qui habite sa bouche. Marguerite Sirvins est devenue aussi artiste lors de son séjour à Saint-Alban. Elle récupère des bouts de fil qu'elle brode en les insérant sur de vieux draps.

Cette galerie de personnages est partagée par Paola Pigani par deux voies, celle de Jeanne qui se reconstruit petit à petit au contact des petits orphelins d'une partie de l'hôpital et le journal de Soeur Rolande, incarnant une religieuse reconnue « Juste » pour son dévouement pendant la guerre.

Refuge des artistes menacés
L'arrivée du Dr Bonnafé donne une autre dimension à ce lieu particulier. Médecin orthodoxe, inscrit au parti communiste depuis 1934, il est obligé de se faire discret sous le régime de Vichy. Fréquentant les surréalistes de Toulouse, sa proximité avec les artistes fera de Saint-Alban un refuge pour les artistes menacés.

Paola Pagani consacre une partie intéressante au séjour de Paul Eluard et de sa compagne Nusch. Son poème liberté, qui sera largué sur la France en 1942, pour redonner à tous, espoir et détermination, est également inspiré par ce séjour.

Une plume résolument sociale
Avec son écriture poétique et lumineuse, Paola Pigani donne vie à cette communauté disparate mais tellement attachante pendant un épisode sombre de notre histoire. Amener l'abondance autant au niveau physique, mais aussi psychologique, dans cette période de restriction fut pour les deux médecins décrits une gageure réussie. La documentation historique est explicitée par l'aspect romanesque et la nourrit pour rapporter une expérience humaine étonnante.

Paola Pigani est une écrivaine sensible qui, par les sujets dont elle s'empare, dépose une brume humaniste sur les personnages auxquels elle donne vie. Dans le château des insensés, c'est une communauté étrange, où la souffrance tente d'être dissoute par une attention et une empathie non feinte. Et pourtant, pas d'angélisme ici, juste l'évolution positive d'une jeune femme, surnommée Fauvette, qui sortira d'une psychose puerpérale avec succès. Une trajectoire de vie assez banale aujourd'hui, si détectée à temps, mais qui pour l'époque était une guérison révolutionnaire.

Seulement, Paola Pigani ne limite pas uniquement son propos à ce personnage attachant. Elle dresse un univers de cette expérience psychiatrique qui avait fait l'objet d'une exposition aux Abatoirs de Toulouse en 2021 retraçant le parcours de ce médecin catalan, François Tosquelles, qui a révolutionné la psychiatrie et aussi, créer l'Art, que depuis, on nomme Brut. Parfaitement réussi !
Lien : https://vagabondageautourdes..
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A partir de l'histoire réelle du psychiatre catalan, François Tosquelles, directeur de l'asile du château de Saint Alban en Lozère, durant la seconde guerre mondiale.

Un médecin visionnaire et novateur que Paola Pigani fait revivre avec l'histoire romancée de Jeanne, en septembre 1939. Cette jeune femme de 24 ans vient de perdre son bébé à la naissance. Folle de douleur, au sens littéral du terme, elle est « enfermée sur décision de Lucien, son époux. Il ne pouvait plus la faire taire, lui jetait de l'eau bénite en pleine figure. »
« On lui avait rapporté qu'elle criait toujours les mêmes choses, Enterrez moi avec lui. Lui, c'était le bébé mort à la naissance, enseveli en l'absence de sa mère, dans une fosse commune, non advenu, non baptisé, sans nom »
Elle est d'abord enfermée à Neuilly sur Marne puis dans le château de Saint Alban, en Lozère, loin de l'occupation allemande.
Le fonctionnement de l'asile est illustré par le traitement de Jeanne mais aussi par celui de ses compagnons d'infortune, délirants ou déprimés, chacun dans sa bulle, mais finalement pleins de vie. Comme Auguste, « Victor-pour-la-vie », la Caille, La Rillette, Monsieur Forestier et Marguerite Sirvins. Ces deux derniers sont des artistes, toujours exposés et qui ont réellement existé.

Un asile dirigé par les Docteurs Balvet et Tosquelles, dont les maîtres mots sont : Humanisme, Respect et Liberté.
« Une véritable révolution consiste à reprendre son enfance. » François Tosquelles
Un hôpital hors des sentiers battus de l'époque. Ouvert sur l'extérieur, tant du point de vue mental (les groupes de discussion sont privilégiés à tous les niveaux) que physique. Les malades peuvent travailler chez les paysans, ou, comme Jeanne, à l'institut Villaret qui s'occupe des enfants abandonnés et déficients.
Un hôpital, hors normes, sous ce régime de Vichy qui n'accueillait pas que des malades mais aussi des résistants et des juifs.

Les +++
- Rendre vie et hommage à un médecin révolutionnaire en matière de psychiatrie, humaniste et courageux dans la vie quotidienne. En effet, l'hôpital cachait des juifs et des résistants et autorisait aussi des vraies sépultures pour les internés.
« le docteur Tosquelles refuse que les morts soient portés en terre en silence. (…) Avant, on enterrait les malades le plus vite possible, comme des suicidés ou des criminels. On les faisait disparaître une seconde fois. Pas de nom sur les croix de planche. »
- la double narration, celle de l'autrice et celle de Soeur Rolande (qui a réellement existé) à la première personne du singulier, est passionnante. C'est son regard au quotidien, ses doutes, ses émotions et ses joies à propos du suivi des malades et de la gestion de l'hôpital par le docteur Tosquelles.

Les ----
J'ai lu ce récit comme un docu sur une facette et un personnage de l'histoire que j'ignorais. Intérêt mais pas d'émotion.
C'est bien écrit, bien documenté, mais l'histoire de Jeanne ne m'a pas touchée. Comme si l'écriture restait toujours sous contrôle….
Mêmes impressions avec deux précédents livres de Paola Pigani : « Et ils dansaient le dimanche » et « N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures ». Pour ce dernier, seule la deuxième partie laisse passer l'émotion et elle est magnifique.

Un ouvrage bien documenté et intéressant.
Lu dans le cadre du prix Orange 2024.
Merci à lecteurs.com et aux éditions Liana Levi

Lien : https://commelaplume.blogspo..
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Ils avancent avec vous, même s'ils ne suivent pas les lignes. Ils écrivent leur histoire avec les moyens du bord.
Ce roman, inspiré de faits réels, est très intéressant. L'auteur est d'une infinie délicatesse avec ses personnages et en plus, elle parle de Paul Éluard, mon poète préféré.
On est en 1939, le bébé de Jeanne est décédé à la naissance. Elle a complètement perdu pied, on peut même considérer qu'elle est devenue folle de douleur. Son mari ne sait plus comment se comporter face à sa souffrance extrême, son attitude irrationnelle, sa perte de repères. Il n'y a, malheureusement, qu'une solution, la faire interner. À l'époque, on parle d'asile, pas d'hôpital ou de clinique pour les personnes qui ne « rentrent » pas dans la norme. C'est violent ce mot « asile » et c'est violent ce qu'on y vit dans les soins, les échanges, l'accueil, l'hébergement.
Et puis, un jour, Jeanne est transférée, avec d'autres patients, car il faut évacuer certains lieux, les allemands ne sont pas loin….Elle part en train, direction Saint-Alban les Eaux. Son époux lui est mobilisé pour faire la guerre. de toute façon, ces deux-là ne savent plus comment se parler, comment se toucher, comment se regarder…. Alors, qu'elle reste ici ou qu'elle aille là-bas, il ne pourra pas lui rendre visite dans l'immédiat ….
Jeanne suit le mouvement, elle n'en pouvait plus des cris, des hurlements, du froid, des bains thérapeutiques, des traitements durs, alors s'éloigner et vivre ailleurs, pourquoi pas ? Arrivée à Saint-Alban, en Lozère, elle se tait, elle observe, elle lâche quelques phrases : « Je ne sais plus vivre … Il m'attend. »
Éluard aurait écrit « Et par le pouvoir d'un mot », mais pour Jeanne, c'est « Et par le pouvoir d'une rencontre ». Il suffit de peu parfois, pour avancer un pas après l'autre … Jeanne croise d'autres « malades », des religieuses qui gèrent le lieu, des médecins, dont le docteur Tosquelles (qui a existé et révolutionné l'approche des maladies psychiatriques). Cet homme ouvre sa clinique sur l'extérieur, entre en lien avec les gens du village qui ne voient plus les malades comme des fous étranges mais comme des êtres humains.
Cette façon de faire profite à Jeanne qui, petit à petit, s'apaise, se pose, s'ouvre, refleurit, comme une plante qui a été privée de lumière et qui retrouve le soleil. Cette lente évolution est décrite avec minutie, amour, tendresse.
Ce récit est magnifique, entrecoupé de quelques pages où l'on découvre le journal intime d'une religieuse qui partage ses réflexions et ses ressentis. le médecin et son équipe suivent les patients, les accompagne, les encadre, les aide, les soutient. Alors, il a des résultats encourageants, positifs.
Paola Pigani a une écriture poétique, lumineuse, mettant l'être humain au centre des préoccupations des soignants, au coeur de son texte, pour lui donner une place essentielle. J'ai bien sûr, beaucoup aimé qu'elle glisse l'arrivée de Paul Éluard et de sa compagne au Château, qu'elle parle du poème Liberté qui est celui qui, à dix ans, m'a fait aimer la poésie.
En mêlant fiction et réalité, elle a rendu hommage aux souffrants, à ceux qui les soigne. Elle célèbre la vie. Elle nous éclaire sur un pan d'histoire qu'on ne connaît pas forcément et son livre vaut vraiment le détour.


Lien : https://wcassiopee.blogspot...
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Citations et extraits (39) Voir plus Ajouter une citation
Elle aurait voulu reculer, s'éloigner de quelques mètres, regarder encore cette enfance orpheline les pieds dans l'eau, agrippée aux lianes de lumière. Elle les aimait ces petits ondins morveux avec leurs jambes maigres et leurs regards qu'emportait le miracle de la cascade. Peu lui importait que les uns aient des yeux en soleil couchant ou des nuages plein la tête, des gestes trop courts encore, que les autres restent bouche bée face à l'énigme des chiffres et des lettres. Elle les poussait toujours du côté du levant et de la confiance.
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A présent Jeanne les regardait mâcher leur pain. Leur vie était entre leurs mains, une mie tendre au-dedans et le silence tout autour. Puis ils grignotèrent la croûte épaisse, un arc de cercle barrant leur figure en deux, la peau des joues rayée. Leurs yeux roulaient de gauche à droite, de droite à gauche. Non, personne n'arracherait leur pain qu'ils dévoraient en vainqueurs. Aussi dure soit-elle, leur enfance devait durer encore.
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Si les visages des fous portaient traces de solitude mauvaise, de toutes sortes de misères, de leur chagrin d'origine, leurs mains, elles, ne recueillaient que le présent de la tâche, de la prière, de l'eau. Les enfants du Villaret lui apprenaient cela. Tout pouvait recommencer entre leurs mains. Rien d'effrayant ne pouvait y naître.
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Pour Nush le théâtre était la chance de voir éclore des émotions inattendues, de se frayer dans un nouvel espace mental. On pouvait s'y déployer, chuter, se mouvoir dans un corps différent, emprunter d'autres vies. Pour un temps oublier la sienne.
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Il fallait faire feu de tout bois avec la parole des fous, l'attiser, l'entretenir avant qu'ils ne meurent de ce froid mental, la solitude. On va les rapprocher et pas seulement au travail. Veillées, bibliothèque, de quoi écrire, dessiner, peindre, se rendre utile, inutile même mais selon soi, se gêner, s'oxygéner, s'approcher, s'éloigner, au milieu des autres même si c'est pour s'engueuler répétait Tosquelles que soeur Rolande écoutait en ouvrant des yeux effarés.
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Videos de Paola Pigani (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Paola Pigani
Avec Marc Alexandre Oho Bambe, Nassuf Djailani, Olivier Adam, Bruno Doucey, Laura Lutard, Katerina Apostolopoulou, Sofía Karámpali Farhat & Murielle Szac Accompagnés de Caroline Benz au piano
Prononcez le mot Frontières et vous aurez aussitôt deux types de représentations à l'esprit. La première renvoie à l'image des postes de douane, des bornes, des murs, des barbelés, des lignes de séparation entre États que l'on traverse parfois au risque de sa vie. L'autre nous entraîne dans la géographie symbolique de l'existence humaine : frontières entre les vivants et les morts, entre réel et imaginaire, entre soi et l'autre, sans oublier ces seuils que l'on franchit jusqu'à son dernier souffle. La poésie n'est pas étrangère à tout cela. Qu'elle naisse des conflits frontaliers, en Ukraine ou ailleurs, ou explore les confins de l'âme humaine, elle sait tenir ensemble ce qui divise. Géopolitique et géopoétique se mêlent dans cette anthologie où cent douze poètes, hommes et femmes en équilibre sur la ligne de partage des nombres, franchissent les frontières leurs papiers à la main.
112 poètes parmi lesquels :
Chawki Abdelamir, Olivier Adam, Maram al-Masri, Katerina Apostolopoulou, Margaret Atwood, Nawel Ben Kraïem, Tanella Boni, Katia Bouchoueva, Giorgio Caproni, Marianne Catzaras, Roja Chamankar, Mah Chong-gi, Laetitia Cuvelier, Louis-Philippe Dalembert, Najwan Darwish, Flora Aurima Devatine, Estelle Dumortier, Mireille Fargier-Caruso, Sabine Huynh, Imasango, Charles Juliet, Sofía Karámpali Farhat, Aurélia Lassaque, Bernard Lavilliers, Perrine le Querrec, Laura Lutard, Yvon le Men, Jidi Majia, Anna Malihon, Hala Mohammad, James Noël, Marc Alexandre Oho Bambe, Marie Pavlenko, Paola Pigani, Florentine Rey, Yannis Ritsos, Sapho, Jean-Pierre Siméon, Pierre Soletti, Fabienne Swiatly, Murielle Szac, Laura Tirandaz, André Velter, Anne Waldman, Eom Won-tae, Lubov Yakymtchouk, Ella Yevtouchenko…
« Suis-je vraiment immortelle, le soleil s'en soucie-t-il, lorsque tu partiras me rendras-tu les mots ? Ne te dérobe pas, ne me fais pas croire que tu ne partiras pas : dans l'histoire tu pars, et l'histoire est sans pitié. »
Circé – Poèmes d'argile , par Margaret Atwood
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