AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782330155902
192 pages
Actes Sud (06/10/2021)
4.5/5   4 notes
Résumé :
Il s’appelle Yossef Hayim Brenner. Il est né en 1881 à Novy Mlini, à la frontière entre la Russie et la Biélorussie. Il est avec Bialik et Agnon l’un des trois grands écrivains fondateurs de l’hébreu contemporain, et sans doute le plus audacieux. Sa vie est brève, il meurt assassiné, lors d’émeutes arabes à Jaffa en 1921, à l’âge de quarante ans. Il laisse derrière lui quelques volumes qui témoignent, en creux, dans l’espace de vingt ans, de la renaissance tumultueu... >Voir plus
Que lire après Le typographe de WhitechapelVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
"Il s'appelle Yossef Hayim Brenner. Il est né en 1881 à Novy Mlini, à la frontière entre la Russie et la Biélorussie.
Il est avec H. N. Bialik et S. Y. Agnon l'un des trois grands écrivains fondateurs de l'hébreu contemporain, et sans doute le plus audacieux. Sa vie est brève, il meurt assassiné lors d'émeutes arabes à Jaffa en 1921."

Rosie Pinhas Delpuech raconte la vie de Brenner mais cette biographie, trame du livre, est entrelacée par une réflexion sur la langue hébraïque. L'auteure, traductrice de l'hébreu, s'implique personnellement dans la narration ;  elle  nous fait entendre l'hébreu actuel, le Brouhaha d'un autobus déchiffrant les accents, les langues qui se mêlent. 


Avant d'être la langue de la vie de tous les jours en Israël, l'hébreu était la langue de la religion et le retour à la Bible est une évidence. Les références anciennes, au personnage de Moïse, le bègue traversent le récit.

L'auteure situe le personnage de Brenner dans son contexte, écrivain juif russe, exilé à Londres arrivant à Whitechapel. Brenner écrit en hébreu, ce n'est pas une évidence à l'époque, le yiddish est beaucoup plus pratiqué alors, en hébreu manquent encore des vocables de la vie quotidienne, cependant. D'autres alternatives existent comme l'Espéranto  ou lz langue du pays de résidence, allemand, russe, anglais....


Whitechapel est le quartier des pauvres. Brenner s'installe en même temps que Jack London. De quelques semaines d'expérience, London rapporte le Peuple de l'Abîme.  Brenner s'installera le 2 avril 1904 parmi les juifs démunis travaillant dans les sweatshops pour des salaires dérisoires provoquant le rejet et l'antisémitisme des ouvriers locaux qui voient en eux des immigrés gâchant les conditions de travail.




Même si les conditions de vie sont misérables, des journaux circulent parmi les juifs. Dès 1976, Aaron Liberman fonde avec dix ouvriers dont quatre imprimeurs l'Union des Socialistes hébraïques, en 1884 un journal rédigé en yiddish est destiné au public ouvrier; en 1885, paraît  l'Arbeter Fraynt de tendance anarchiste et yiddishisant . On croise un personnage singulier Rudolf Rocker, catholique allemand qui épouse le destin des anarchistes juifs et devient directeur de l'Arbeter Fraynt. Brenner s'installe au dessus du local de l'imprimeur Narodiski et apprend le métier de typographe. Brenner raconte ce monde des petits journaux dans son roman Dans la détresse . Il crée une revue littéraire en hébreu qui a des abonnés en Europe et en Amérique. Malgré l'aspect artisanal de sa fabrication Brenner est célèbre. Lorsque Freud est de passage à Londres, ils se donnent rendez-vous devant les dessins de Rembrandt. Et encore, en filigrane, apparaît le personnage de Moïse, 


"Dieu écrit directement avec son doigt, comme un artisan, et rien ne m'intrigue autant depuis mon enfance que ce doigt de Dieu qui montre une direction, qui écrit. Rembrandt le peint dans le Festin de Balthazar,"

J'ai adoré cet entrelac d'histoire et d'exégèse de la Bible alors que justement la renaissance de l'Hébreu se veut laïque

Faire renaître un hébreu simple, encore gauche, détaché de son contexte religieux, ancré dans la réalité prosaïque
de l'humain. La langue, toute langue, ne peut qu'être humaine, ramassée dans la poussière et la sueur de la rue. 

Brenner quitte Londres en 1908, passe à Lemberg une année, hésite entre Ellis Island et la Palestine. Il accoste en février 1909 à Haïfa. 

Commence alors une nouvelle histoire, celle de la Seconde Aliya, celle des coopératives  agricoles, des communautés ouvrières. L'hébreu est alors la langue quotidienne, de Hedera au Lac de Tibériade, il n'existe pas toujours de mots pour désigner les choses. l'hébreu est façonné par des eshkenazes, L'écrivaine note

Il faudra aussi l'éclatement de l'utopie cinq ans plus tard, en 1967, pour que l'espace se fissure et que par
l'interstice s'engouffre l'arabe palestinien

Cette irruption de l'arabe remet en circulation l' "l'arabe honteux des juifs orientaux" . La traductrice ne se lasse pas d'interroger l'évolution de la langue, et j'apprécie ses digressions 

Brenner aboutit dans une cité-jardin Ein Ganim et vit dans une communauté laïque

Il se lie d'amitié avec deux grandes figures fondatrices du sionisme socialiste : A. D. Gordon et Berl Katznelson.

Elle note que sur le sionisme ils sont lucides

Herzl s'est trompé, ce n'est pas une terre sans peuple pour un peuple sans terre. Il y a des habitants, ici, les Arabes, ils tiennent à cet endroit. 

Le 1er mai 1921, les ouvriers juifs défilent avec des drapeaux rouges, la population arabe réagit, c'est une journée sanglante

Brenner succombera, victime des journées d'émeutes.

Merci à Aifelle de m'avoir signalé ce livre qui traite de trois sujets que je poursuis : l'histoire du peuple juif, l'hébreu et le rapport de la traductrice à la langue.

Personnellement, j'aurais mis 5* sur Babélio mais peut être suis-je trop subjective!












Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
Commenter  J’apprécie          101
L'ARTISAN D'UNE LANGUE
Le brouillard, la suie, la sueur, la moisissure, le labeur…tout parait sombre et inhospitalier dans l'East Eden londonien au début du XXème siècle.
La communauté juive sans territoire venue de toute l'Europe trime au quotidien dans une misère ordinaire et dans l'espoir d'atteindre le rêve américain.

Les juifs, les éternels indésirés, les « aborigènes de l'East Eden » dira Beatrice Potter Webb soulignant ainsi leur caractère incongru et exotique dans le paysage distingué so british ; ce peuple sans terre vit et communique au XIXe siècle dans une langue yiddish orale appauvrie, considérée comme indigne ou dans les autres langues que l'Europe lui impose, affaiblissant inexorablement la langue littéraire d'origine : l'hébreu.

Au coeur de ces exilés, un homme, jeune, a fui la Russie et comme ses semblables rêve d'Amérique ou de Palestine. Cet homme c'est Yossef Haïm Brenner. Il débarque à Londres en 1904. Il est écrivain, connu des lecteurs hébraïsants et s'installe dans le quartier miséreux et grouillant de Whitechapel, celui qu'à la même époque un certain Jack London côtoie à la recherche de la vérité pour écrire ses romans.
Brenner constate le désoeuvrement de son peuple, dénué de tout par les oppressions successives (loin d'être terminées). Un peuple qui semble connaître un éternel exil et qui à l'aube du XXème siècle est en train de perdre sa culture hébraïque. Alors Brenner, seul, agit pour toute sa communauté « pour ce peuple (…) avec la volonté de créer une culture dans une nouvelle langue (pour) les aider à relever la tête, à ne plus marcher à quatre pattes ».

Rosie Pinhas Delpuech fait ici oeuvre de mémoire et nous raconte à la lumière de l'histoire et de la création du monde, comment un homme seul porte à bout de bras et de mots la langue originelle qui pourtant se meurt face au déracinement constant d'un peuple juif, peuple vagabond, qui se nourrit par obligation et pour sa survie des langues de ces territoires traversés qui ne seront jamais les siens.

Après un incipit où les langues se mêlent, celles d'aujourd'hui et celles d'hier, l'auteure retrace dans le sillon de la mémoire du peuple juif, l'histoire brève, intense et incroyable de cet homme à la volonté sans faille, à la recherche d'une langue enfouie qu'il veut raviver et surtout moderniser pour la rendre accessible à tous et en particulier à ce peuple miséreux et prolétaire qui a besoin qu'on lui ouvre les yeux pour se tenir debout et fier, fort de son lien avec cette langue originelle et identitaire.

Brunner en véritable artisan portera toute sa vie durant avec abnégation cette volonté de diffuser un hébreu moderne pour réunir son peuple : « si nous ne faisons rien, l'hébreu et sa littérature disparaitront, c'est la source de nos vies et nous serons les derniers à la défendre ».
Quand une langue se libère d'un quelconque joug, c'est un acte révolutionnaire, une manière d'émanciper un peuple par les mots, pour être à nouveau soi.
Car l'histoire des langues est aussi l'histoire des hommes et donc l'histoire de chacun d'entre nous qui résonne dans les mots. Et préserver l'hébreu parfois si fragile c'est aussi préserver l'histoire de chacun.
Un texte passionnant que je vous recommande vivement !
Commenter  J’apprécie          30
Voilà quelques années que je me passionne pour la littérature juive. Les anciens (les Contes juifs réunis par Léopold Sacher-Masoch, oui oui vous avez bien lu, celui de « La Vénus à la fourrure »), les anarchistes Yiddish, Rudolf Rocker catholique convertie au judaisme par passion et Millie Witkop, l'internationale socialiste juive, Morris Winchevsky fondateurs du journal anarchiste l'Arbeter Fraynd en 1885, les « juifs sans argent » de Michael Gold, le gang des américains, Isaac Bashevi-Singer, Bernard Malamud, Philip Roth et bien sûr Saul Bellow, les « tough jews » et la Yiddish Connection, les contemporains, Michael Chabon et Yshai Sarid.

Je découvre une autre partie de l'histoire de la culture juive libertaire, hâtée, mondiale (forcément) avec ce merveilleux livre de Rosie Pinhas-Delpuech, le Typographe de Whitechapel (Ed. Actes Sud) qui me fait entrer dans le monde fourmillant (d'idées, d'histoires, de sens) de la langue hébraïque moderne, réactualisée par un personnage de roman pourtant bien réel, Y.H Brenner.

L'hébreu, une des plus vieille langue du monde a connu une renaissance au début du 20eme siècle. Peut le savent. Une renaissance qui accompagne l'histoire juive engagée, de gauche, anarchiste, celle des Kibboutz et des Cités Jardins. Une histoire qui s'est faite malheureusement débordée par le conservatisme et l'expansionnisme comme on sait.

Avec le Typographe de Whitechapel, Rosie Pinhas-Delpuech, qui est aussi traductrice et directrice de la collection Lettres Hébraïques d'Actes Sud, nous met en contact avec ceux qui ont été les initiateurs d'une pensée juive mondialisée et libre. A travers la naissance d'une langue elle montre le lien qui unit structure langagière et pensée, neurosciences et philosophie. Un voyage à travers l'histoire d'une langue. Un livre rare. Petit mais dense. Extrêmement riche, comme la culture qu'elle raconte.
Commenter  J’apprécie          20
NAISSANCE D'UNE LANGUE

Il y a des ouvrages qui fascinent, qui émoustillent la cornée cérébrale. le typographe de Whitechapel fait partie de ces textes qui au-delà de faire découvrir un pan de l'Histoire méconnu, manie à la perfection le jeu du désir. Ici, vous découvrirez Yossef Haïm Brenner qui avec talent a réussi l'exploit de raviver la langue hébraïque à travers le monde. Langue condamnée par les dictateurs qu'eussent été Adolf Hitler et Joseph Staline. Langue qualifiée de contre-révolutionnaire, de rétrograde par ce dernier. le führer quant à lui en voulant déshumaniser ce peuple, voulait leur interdire toute langue et y préférait l'espéranto pour les soumettre. Avec une facilité déconcertante, sans jamais être redondante ou avec ennui, Rosie Pinhas-Delpuech à travers la notion de transmission mais également d'héritage, permet de s'approcher d'une histoire où Jack London au début du XX ème siècle, croise la route de Brenner à Whitechapel. Ce dernier apprendra le métier de typographe, et se lancera dans le pari fou d'une revue en langue hébraïque alors même que cette langue n'existait plus.

Dans un fog caractérisé de l'ambiance londonienne, Brenner arrive sans bagage et sans le moindre sou. L'époque se veut dure et coriace pour les juifs qui arrivent en masse d'Europe. Londres devient une escale pour émigrer aux États-Unis sous la pression des syndicats britanniques. Lord Balfour en 1917 ouvrira les portes d'un foyer juif en Palestine pour créer une terre d'asile à ces individus rejetés qui prenaient le travail des nationaux. Cela devrait vous rappeler certaines choses passées et actuelles… « Brenner est révulsé par la misère, la souffrance, le dénuement matériel et intellectuel de son peuple. »

Quand un peuple est à terre, la création d'une langue peut le sauver du marasme culturel. Peuple qui se déplace constamment à l'époque, la langue mue de la même manière. Lorsqu'elle se fixe elle devient souvent intangible. Avec une subtilité et une justesse déconcertante, l'autrice offre un parallèle entre l'Histoire et l'actualité. Tel un roman linguistique, on s'aperçoit de la fragilité de chaque langage. le yiddish balayé, l'hébreu réhabilité, l'Histoire demeure à géométrie variable.

Page après page, on découvre ces travailleurs à l'humanité quasi inexistante, comme une antichambre des camps de concentration. Dès 1895 dans un Londres qui deviendra libérateur quarante ans plus tard, des juifs étaient déjà considérés comme des « épinglés comme des lépreux par la société bien-pensante ». Ce livre c'est aussi la découverte des journaux yiddish au folklore assuré, d'une ambiance particulière dans laquelle on se plonge avec émerveillement.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
Commenter  J’apprécie          30


critiques presse (1)
RadioFranceInternationale
19 avril 2022
Dans une enquête intime, fiévreuse, littéraire, Rosie Pinhas-Delpuech traque les balbutiements de cette langue réinventée et dessine tout un rapport au monde, amoureux et inquiet.
Lire la critique sur le site : RadioFranceInternationale

Videos de Rosie Pinhas-Delpuech (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Rosie Pinhas-Delpuech
Samedi 6 août 2022, dans le cadre du banquet du livre d'été « Demain la veille » qui s'est déroulé du 5 au 12 août 2022, Rosie Pinhas-Delpuech tenait une conférence intitulée : Demain/La Veille, une fonction grammaticale vitale en hebreu.
« Il y a quelques mois, j'ai publie une sorte de roman sur la naissance incertaine et balbutiante de l'hebreu moderne. A travers la traduction et l'ecriture, ma vie est liee au destin de cette langue et de la societe qui la parle depuis cent ans seulement. A travers les deux – une langue, une communaute humaine – je m'interroge tous les matins sur qui je suis, qui nous sommes tous ensemble dans le monde. Ce tout petit pays et sa langue sont pour moi comme un prototype d'humanite, une petite scene ou se jouent nos destins petits et grands. Periodiquement, j'y retourne, j'ecoute, je regarde, de toutes petites choses, des modeles en miniature. de la Bible aux auteurs modernes que je choisis de faire passer en francais, de la traduction a l'ecriture, qu'est-ce qui dans l'hebreu, langue ancienne-nouvelle, m'interroge en permanence sur ce qui fut et ce qui sera, sur une utopie peut-etre encore en cours, bancale, dissonante, precaire ? »
+ Lire la suite
autres livres classés : littérature israélienneVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (19) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1722 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..