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Olivier Mannoni (Traducteur)
EAN : 9782738104465
458 pages
Odile Jacob (31/01/1997)
4/5   3 notes
Résumé :
Tous les régimes autoritaires cherchent à soumettre et à utiliser l’art, la culture, les médias. Tous s’efforcent de bâtir une mythologie. Mais aucun n’a été aussi loin que le nazisme. Sans doute parce que les nazis ont compris les premiers ce qu’est la culture de masse. Peter Reichel dévoile l’incomparable habileté avec laquelle ils ont su créer un monde d’illusions qui leur a permis d’entraîner les Allemands au désastre.
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L'image de Hitler et le mythe du Führer, construits avec un professionnalisme et une obstination extrêmes, puis transformés en instruments politiques, étaient à la fois produits et producteurs d'illusions, de fausses perceptions, de simplifications excessives et de tromperies (par les autres ou par soi-même). On a gommé la différence entre les désirs et la réalité ; on a utilisé des mises en scène pour masquer la divergence entre l'apparence et la réalité ; on a fait appel à la « volonté créatrice », placée sur un piédestal par l'idéologie, pour surmonter l'opposition entre les mots et les actes.
La politique a manifestement perdu son opacité : elle a semblé redevenir un vecteur de révélation religieuse dotée d'une force naturelle aussi immédiate qu'irrésistible. La personnification de la politique paraissait dépasser le caractère structurel et anonyme que celle-ci prend dans la société moderne : le droit, les procédures régulées, la bureaucratie etc .. En tout cas, elle promettait l'authenticité, l'émotion et la représentation symbolique ; elle pouvait compenser l'expérience de l'aliénation qui abaissait l'homme et le désorientait dans les conditions de vie de la société industrielle et de masse.
La personnalisation complémentaire de la politique avait d'autre part tendance à supprimer la séparation entre la sphère privée et la sphère publique. Que ce soit par le biais d'une dépolitisation extrême ou, à l'inverse, par celui d'une extrême politisation de toutes les valeurs, y compris les plus privées ou les plus personnelles. Le moyen utilisé pour abolir cette frontière – moyen auquel, une fois encore, l'idéologie donnait une place éminente – était la « morale normative bourgeoise », généralisée, transformée en « sentiment populaire sain » et fortement teintée d'éléments radicaux, nationalistes et racistes.

(…)

La tendance à réduire la politique à des questions de personnes est devenue depuis longtemps partie intégrante de notre culture politique et médiatique. Et le populisme contemporain – qui n'est absolument pas limité à l'Allemagne – ne peut pas résister à la pose insistante et infatuée qui confère à chacun « l'innocence de la sphère privée ».
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L'art des fascistes culmine avec l'art de la guerre : celui-ci « incarne l'idée fasciste de l'art, tout autant par l'utilisation monumentale qu'il fait du matériau humain que par la mise en jeu de la technique toute entière, totalement détachée des buts banals qui sont les siens d'ordinaires. La face poétique de la technique, celle que le fasciste joue contre la face prosaïque … c'est sa face meurtrière ».
A la fin de la postface de son essai sur l’œuvre d'art, Walter Benjamin reprend cette idée : «  […] Sous le fascisme, l'auto-aliénation [des êtres humains] a atteint ce degré qui leur permet de vivre leur propre destruction comme une jouissance esthétique de premier ordre. Voilà ce qu'il en est de l'esthétisation de la politique par le fascisme. »
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S'il faut par conséquent continuer à parler d'Auschwitz, l'évoquer à nouveau à chaque génération, même si le contexte de compréhension ne cesse de changer, il ne faut pas se limiter à la face répressive de la réalité national-socialisme. Il convient aussi de tenir compte de ce monde en trompe-l’œil crée par le fascisme, et de sa beauté dangereuse. Nous devons apprendre à percer l'ambivalence qui caractérise la normalité bourgeoise et la respectabilité extérieure pour porter notre regard dans les abîmes de l'effroyable.
Nous devons dépasser la moralisation – qu'elle naisse du désarroi ou de l'hypocrisie – et nous donner la faculté d'imaginer le mal – faculté bien ancrée dans l'histoire culturelle d'autres pays. En France, par exemple, et en Angleterre, s'est développé au XIXe siècle un discours sur « le plaisir sensuel de l'infernal ». Une véritable « école du mal » est alors apparue dans ces pays : elle décrivait le goût pour la perversité et la fascination pour l'horreur comme une extase esthétique, comme une conscience utopique fondée sur la transgression des limites.
En Allemagne, à l'inverse, s'est imposée une sorte « d'automodération dans la compréhension de ce qui est énigmatique et menaçant ». On y a ignoré le traitement esthétique du « mal », on l'a même frappé du sceau de l'interdit.  « L'entendement sain », et plus tard « la sensibilité nationale saine », s'en sont chargés. Mais un abîme insoupçonné s'ouvrait derrière ce tabou. Pour formuler cette idée en termes frappants : il existe un lien entre l’incapacité, transmise culturellement, à imaginer le mal, et l'assassinat, légitimé par l’État, organisé sous forme industrielle, de millions d’êtres humains déclarés « indignes de vivre », crime qu dépasse tout ce que l'imagination humaine pouvait produire. Ce n'est pas l'excès, mais le manque d'imagination qui a engendré la monstruosité.
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Brecht, lui aussi, s'est longuement consacré à l'analyse des multiples aspects du fascisme. Cette analyse s'est exprimée dans des pièces de théâtre, des poèmes et des textes satiriques, mais surtout dans « l'achat du cuivre » et dans son Journal de travail. Lui aussi a noté, bien avant 1939, le lien de causalité entre le fascisme et la guerre : « Les frontières qui ne peuvent être franchies par des marchandises le seront par des tanks qui sont aussi des marchandises. » Tout comme Bloch, il tentait d'expliquer le succès du fascisme par le potentiel réactionnaire de la petite bourgeoisie et de la « théâtralisation de la politique par le fascisme. » Un homme de théâtre comme lui comprenait forcément que les effets de scène du nazisme se transformait en scénographie politique de masse : « les projecteurs et la musique d'accompagnement, les chœurs et les surprises. » Les metteurs en scène avaient un but essentiel : « faire en sorte que le public s'identifie aux acteurs ». Ce n'est pas par hasard si Brecht accordait une attention toute particulière au « barbouilleur » qu'était Hitler – un terme dont la racine, en allemand, désigne autant la peinture en bâtiment que l'apparence (y compris illusoire) des choses. Il considérait que la portée et l'effet de Hitler provenaient de ses capacités professionnelles de transformiste, de politicien-comédien.
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La SS de Hitler, partie de presque rien, devint une sorte d'élite militaire analogue à un ordre, qui semblait faite pour "surpasser tous les autres, non seulement par sa violence, mais aussi par sa beauté." Elle apparaissait comme "l'aristocratie du national-socialisme" (Bernd Wegner), comme l'incarnation la plus pure de "l'affirmation ouverte du fascisme que la violence est juste, qu'on a le droit d'exercer sur les autres un pouvoir sans limites et de les traites comme des inférieurs absolus." L'ordre noir, placé sous le signe de la tête de mort, passe depuis le IIIe Reich pour l'incarnation pure et simple du mal. Le caractère extraordinaire de son règne de terreur et de son apparence extérieure rend difficile toute distance analytique et suscite jusqu'à nos jours les fantasmes - notamment sexuels - de la postérité.

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Peter Reichel : La Fascination du nazisme
- Olivier BARROT parle du livre de Peter REICHEL, "La Fascination du nazisme". - L'auteur, professeur de sciences politiques, s'interroge sur les artifices auxquels les nazis ont eu recours pour fasciner leurs concitoyens et leur mise en scène du régime, à tous les niveaux.
>Idéologies politiques>Collectivisme>Fascisme, National-socialisme (21)
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