Ô premier appel qui s'enfonce, horizontal, dans l'année -,
les voix d'oiseaux cessent soudain.
Mais toi déjà sur le fil du temps tu pousses ton cri,
ô coucou, vers ce qui s'enfuit -
Là-bas, comme tu appelles, appelles, appelles, appelles,
comme on lance au jeu sa mise,
et tu ne bâtis point, mon ami, tu ne modules même pas
un chant pour nous plaire.
Nous attendons pourtant, nous espérons... Étrangement
ce cri obliquement nous traverse ;
comme si dans ce déjà il y avait un jamais-plus,
un adieu prématuré -
En musique seulement il y a de semblables surprises
quand au milieu d'une phrase trop indécise
monte le brusque sanglot d'un violon.
Ainsi dans un chant longtemps chargé de vie triste,
il se fit une place pour l'abandon
dont mon cœur était le soliste.
Musique : eau du bassin de notre source, toi,
toi, rayon qui tombe, toi, son qui miroite, toi
bienheureuse éveillée sous les serres du réveil,
toi, pure paix que l'afflux porte à sa perfection,
toi qui es plus que nous..., de toute inquiétude
libérée...
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Musik : du Wasser unsres Brunnenbeckens,
Du Strahl der fällt, du Ton der spiegelt, du
selig Erwachte unterm Griff des Weckens,
du durch den Zufluss rein ergänzte Ruh,
Du mehr als wir..., von jeglichem Wozu
befreit...
[POUR MADAME AGNES RENOLD]
[...]
Mais soudain fait irruption
secrètement la grande pulsation au plus profond de nous,
qui nous arrache un cri.
Et dès lors nous sommes aussi être, changement et visage.
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[FÜR FRAU AGNES RENOLD]
[...]
Aber auf einmal bricht
der grosse Herzchlag heimlich in uns ein,
so dass wir schrein...
Und sind dann Wesen, Wandlung und Gesicht.
MUSIQUE
[...]
Car que serait la musique, si elle n'allait
très loin dans l'au-delà de toute chose ?
Où la métamorphose nous interrompt,
c'est sûr, elle qui souffle, elle l'ignore.
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MUSIK
[...]
Denn was wär Musik, wenn sie nicht ging
weit hinüber über jedes Ding.
Sie, gewiss, die weht, sie weiss es nicht,
wo uns die Verwandlung unterbricht.
"L"heure grave"
Poème de Rainer Maria Rilke, chanté par Colette Magny