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Toutes les souffrances autour de nous, nous devons aussi les souffrir. Nous avons tous, non pas un corps, mais une croissance, et elle nous mène à travers toutes les douleurs, quelle qu’en soit la forme. De même que l’enfant se développe en traversant tous les stades de la vie jusqu’au vieillard et puis la mort (et chaque stade, au fond, semble au précédent, qu’il le désire ou qu’il le craigne, inaccessible), de même nous nous développons (non moins profondément reliés à l’humanité qu’à nous-mêmes) à travers toutes les souffrances de ce monde. Dans cette connexion il n’y a pas de place pour la justice, mais pas non plus pour la peur de souffrir ou pour l’interprétation de la souffrance comme un mérite. (pp. 73-74)
Il a deux adversaires: le premier le presse par derrière, depuis l'origine. La seconde l'empêche d'avancer. Il se bat avec les deux. Le premier le soutient en fait dans le combat avec le second, car il veut le pousser en avant, et le second le soutient dans le combat avec le premier; parce qu'il le repousse. Mais ce n'est que théoriquement possible. Parce que non seulement les deux adversaires sont là, mais aussi lui-même, et qui connaît réellement ses intentions? Après tout, c'est son rêve qu'une fois dans un moment sans surveillance - cela inclut une nuit aussi sombre que jamais auparavant - il sautera hors de la ligne de bataille et sera jugé de ses adversaires en combat en raison de son expérience de combat.
Il se serait contenté d’une prison. Finir prisonnier – voilà qui serait un but dans la vie. Mais c’était une cage avec des barreaux. Indifférent, souverain, le tumulte du monde affluait dans la cage et en refluait comme chez lui, le prisonnier à vrai dire était libre, il pouvait prendre part à tout, rien du dehors ne lui échappait, il aurait même pu quitter la cage, il y avait un mètre entre les barreaux, il n’était même pas prisonnier.
L'instant décisif dans le développement humain a lieu tout le temps. C'est pourquoi les mouvements spirituels révolutionnaires qui déclarent nul et non avenu tout ce qui précède ont raison: rien n'a encore eu lieu.
Tu peux t’abstenir des souffrances du monde, cela t’est permis et c’est conforme à ta nature, mais peut-être cette abstention est-elle justement l’unique souffrance que tu pouvais éviter.
Leslie Kaplan - L'Assassin du dimanche - éditions P.O.L - où Leslie Kaplan tente de dire de quoi et comment est composé "L'Assassin du dimanche" et où il est question notamment de femmes qui s'organisent et de collectif, de littérature et de hasard, de Franz Kafka et de Samuel Beckett, d'une usine de biscottes et du jardin du Luxembourg, à l'occasion de la parution aux éditions P.O.L de "L'Assassin du dimanche", à Paris le 21 mars 2024
"Une série de féminicides, un tueur, « l'assassin du dimanche ». Des femmes s'organisent, créent un collectif, avec Aurélie, une jeune qui travaille en usine, Jacqueline, une ancienne braqueuse, Anaïs, professeure de philosophie, Stella, mannequin, Louise, une femme de théâtre…"
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