J'ai été un lecteur actif.
Comme tout le monde, un jour, j'ai choisi un livre en me rendant chez mon libraire, explorant ses rayonnages, papillonnant de titre en titre. J'ai aussi pris mon téléphone pour passer une commande bien précise. J'ai également ouvert mon ordinateur pour visiter Mo--x ou Ra---en à la recherche de la bonne affaire ou de l'oiseau rare...
Mais tout cela c'est de l'histoire ancienne. j'ai accumulé tant et tant d'ouvrages qu'il était urgent que cessent tous ces achats, que je songe à faire maigrir le stock.
Depuis je suis devenu un lecteur passif.
J'attends que le hasard me guide vers un livre que je possède déjà. C'est ainsi que j'ai lu ce livre. Ne pensez pas que c'est un acte prémédité.
Hier encore (coucou Charles A.) ce livre n'avait aucune existence dans mon esprit, dissimulé parmi les étagères il attendait bien sagement un réveil incertain. Il aurait pu faire encore le pied de grue une bonne décennie si le 21 mai dernier le hasard ne s'était manifesté.
Chose exceptionnelle, ce jour-là, j'allume ma télévision à 20 heures. Apparaît
François Mitterrand, le regard fixe, la mâchoire carrée, il porte des roses comme le prêtre porte la croix lors d'une procession. Il marche seul au milieu de la rue, en arrière-plan on distingue la foule et le service de sécurité qui bouscule des photographes qui sont dans le champ de vision. Ces cons ! On n'a pas fait toutes ces répétitions pour qu'ils viennent gâcher l'image.
Comme d'habitude je suis plus attiré par le spectacle que par les explications du journaliste. Mais un mot surgit au milieu de ce salmigondis de paroles : Panthéon !
Drrr ! Driiing ! Driiing !
J'y suis ! nous sommes le 21 mai 1981 et
François Mitterrand vient honorer trois hommes :
Jean Jaurès,
Jean Moulin et
Victor Schoelcher : Tonton est au Panthéon.
Le jour se lève ♫ ♪ la nuit pâlit ♫♫♪♫
Je viens de trouver le titre de ma prochaine lecture :
Papa est au Panthéon d'Alix de Saint-André. Il a beau patienter depuis des lustres, je n'ai pas oublié la couverture ornée du dôme , agrémentée de deux personnages de
Sempé.
Je l'avais acheté sur un vide grenier ou une vente de charité genre Secours populaire ou
Amnesty International parce qu'il était comme neuf. Il avait aussi fait l'objet d'une critique lors de l'émission radiophonique "Le Masque et La Plume".
Arnaud Viviant l'avait lapidé avec un mépris qui ressemblait plus à un règlement de comptes qu'a une critique honnête.
A contrario,
Frédéric Beigbeder l'avait défendu avec enthousiasme. Ce dernier avait raison, car il faut être insensible à l'humour pour ne pas aimer ce roman. C'est plein d'ironie, de sous-entendus, de croche-pieds exécutés avec panache. J'ai souvent ri.
Alix de Saint-André, l'air de rien tacle les bassesses humaines avec enthousiasme.
Avant d'ouvrir ce livre je conseillerai à ceux qui ignorent tout de la vie d'
André Malraux de se documenter un minimum afin d'apprécier pleinement ce récit. En effet si le Panthéon est l'un des deux principaux sujets, le ministre de la culture du général
De Gaulle en est le second. Sous un nom tout à fait transparent (Berger) il sera celui qui doit rentrer au Panthéon. Mais de nombreux obstacles ralentissent l'exécution du projet pour le plus grand plaisir du lecteur qui savoure toutes les péripéties.
Le comité de lecture de la maison Gallimard ne s'était pas trompé en faisant publier ce roman, n'en déplaise à Monsieur
Arnaud Viviant qui trouvait sans doute la romancière pas assez Inrockuptible.
Beigbeder. 1 -
Viviant. 0