Molière

George Sand dédie son ouvrage à Alexandre Dumas (le père), en regrettant de ne pas avoir son talent dramatique pour présenter des scènes s'enchaînant avec un art du suspense, avec de l'action, avec un don pour les dialogues rythmés, avec des répliques. Elle explique qu'elle n'est pas à la hauteur de ce maître, mais qu'elle n'a pas cherché à l'imiter, dans la mesure où sa pièce est une pièce psychologique ; le mot n'apparaît certes pas, mais elle explique qu'elle s'intéresse aux émotions, aux relations entre les personnages, à leur vie intérieure, et non à des péripéties et des rebondissements.
Effectivement, l'essentiel de la pièce tourne autour du couple entre Molière et Armande Béjart, de la coquetterie de celle-ci et de la jalousie du mari. Les pièces sont présentées hors-champ, on ne voit pas Molière en tant qu'acteur, à peine en tant qu'auteur ; ainsi, un acte se passe, pour nous, dans les coulisses pendant que le Tartuffe est joué sur la scène, pour les personnages.
Les personnages font donc de grands discours, des tirades. Non, ce n'est pas enlevé comme chez Dumas... Et on retrouve bien certaines idées ou thèmes principaux de Sand qu'elle développe dans ses oeuvres romanesques : l'amour conjugal est une valeur sacrée, une femme doit respecter son époux et ne pas être trop coquette, l'amour paternel peut être très fort... Cependant, George Sand présente généralement des héroïnes féminines mal-mariées, mariées à un mari violent ou abusif, nous mettant, lecteurs, du côté du personnage féminin. Or, ici, on ne peut être que du côté de Molière, présenté comme un homme malheureux, sincèrement épris d'une femme trop jeune qui ne pense qu'à s'amuser. Séduire et accepter les hommages des autres, est-ce trompé ? … Non pour Armande, oui pour Molière.
J'ai donc finalement lu un drame bourgeois, des scènes de ménage, ce qui ne m'intéresse pas, avec un amant potentiel, Baron. Cependant, quelques scènes rappellent des éléments réels de la vie de Molière, sa tournée en province de plusieurs années, l'opposition des dévôts au Tartuffe...
Autre aspect qui ne m'a pas convaincu : le personnage du Grand Condé et, de façon générale, la représentation du XVII ème siècle, le conteexte historique donc. La Fronde est ainsi présentée comme la révolte de nobles qui ne patriotes n'agissant que pour le bien de la France ; quand Louis XIV fait une erreur, c'est la faute de ses conseillers, pas la sienne. le Grand Condé est l'ami intime de Molière, il reçoit sa femme comme l'égale de ses filles – ce qui serait inconcevable pour un prince de sang. de même, « pour faire socialiste » reconnaît George Sand elle-même dans la préface selon des reproches qu'on lui adressés, elle met en scène des ouvriers qui parlent familièrement aux comédiens et aux nobles. Molière est ainsi un chef de troupe qui pense à faire vivre les « cinquante familles qu'il emploie », comme un patron paternaliste idéal du XIX ème siècle.
Enfin, Sand reprend des éléments de la vie de Molière qui sont plus des mythes que des réalités avérées : elle ne présente pas sa relation avec Madeleine, évoque sa jalousie pour Armande – en faisant allusion aux critiques de ses détracteurs sur une relation incestueuse, sa mort sans confesseur...
Une pièce qui n'est pas très agréable à lire, qui en dit plus sur l'écriture de Sand que sur la vie de Molière elle-même.