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EAN : 9791020909794
192 pages
Les liens qui libèrent (26/05/2021)
3.39/5   9 notes
Résumé :
Dans un dialogue approfondi, Gaël Giraud et Felwine Sarr réfléchissent la modernité, repensent l’héritage des Lumières, déconstruisent le capitalisme, imaginent des gouvernements qui prendraient ses distances par rapport au réductionnisme capitaliste...
Mêlant philosophie, spiritualité, politique et économie, cet échange fluide rappel que l’économie n’est pas une finalité et insiste sur la nécessité pour l’humanité de se définir un projet plus grand que la m... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ce livre divague et disperse souvent son sujet aux quatre coins de la planète. Conversations écrites (il n'en a pas le ton, il est même souvent très référencé), il suit la mobilité de l'échange libre et construit son objet au fil des mots, objet qui roule et se fabrique ainsi, en roulant. le tracé de ma recension ne suit pas les mêmes méandres.
Il s'agit d'aérer l'économie classique, d'en déterrer les fondations et de tenter de poser les prémices d'une économie post-covid sur des bases plus larges et plus diverses. L'homo oeconomicus, rationnel exclusif, qui sait ce qu'il veut, n'a ni passion ni compassion, fait ce qu'il faut pour obtenir ce qu'il veut et l'obtient, cet homo oeconomicus qui git tapi sous les analyses économiques et dont les économistes ne parlent que rarement, quand on les interroge à ce sujet, doit être sorti du « placard » et remplacé par la variété des représentations mentales humaines qui courent, vives et alertes dans tous les peuples. Adam Smith qui a donné l'image de la main invisible pour valider le libéralisme n'a pas vu cette main parce qu'elle était noire : il a théorisé l'économie avec des commerçants écossais dont la prospérité venait essentiellement de l'esclavage (Chapitre 8). L'économie est devenue gestion, gestions des stocks et des flux, tous les domaines étant traités avec la même indifférence à leurs caractéristiques et intérêts réels. La faiblesse de cette organisation économique s'est vue en France dans l'absence de vaccins, de tests à propos du coronavirus. le vaccin doit être pensé comme un « commun », dans une recherche d'attentions aux « communs ». Nous sommes condamnés à l'hospitalité cosmopolite, de par la finitude de notre espace, dans un universalisme « itératif ».
Le paysage à parcourir est vaste, chacun le voit de sa fenêtre et a tendance à prendre ce point de vue (autant l'endroit d'où il voit et ce qu'il y voit) pour la totalité du monde. Les religions tiennent une grande place dans ce dialogue rapporté : Gaël Giraud est prêtre et réécrit fréquemment ce qui est dans le débat à un moment donné dans les préceptes chrétiens. Felwine Sarr le fait pour la religion musulmane (beaucoup moins, hormis le (petit) djihad, la lutte contre soi). La recherche du point de vue qui contiendrait tous les points de vue ne se fait pas facilement. La multiplication du « je et du tu » n'est déjà pas si mal, car ce livre pose, dans son principe créateur, le problème dont il parle et y apporte sa solution : comment créer un espace commun de fécondité des paroles qui ouvre l'imaginaire et puisse réensemencer « l'institution imaginaire de la société » (Castoriadis).
L'économie manque d'eschatologie, de but transcendant et exaltant. le mythe du progrès n'est plus tenable. Nous voyons bien que la consommation excessive des produits de la terre apporte des dégâts déjà là et d'autres que l'on voit venir. Il eut fallu que l'humanité se considère non comme propriétaire de la nature mais comme « vicaire », locataire, ayant le but de la laisser en l'état, voire de l'améliorer, que l'humanité se mette dans une obligation d'autolimitation. Une des solutions mises en place localement (Nouvelle Zélande, Amérique latine) est de constituer des écosystème en entité juridique, défendue par des collectifs inclus ou riverains. Ces expériences sont intéressantes mais la multiplication des sujets de droit pourrait aboutir à un embouteillage des tribunaux. le libéralisme, c'est-à-dire, l'abusus du « propriétaire », s'accommode très bien de cette extension du droit.
Les rapports à la nature sont aussi divers que sont diverses les langues et les cultures. Descola en a fait un tableau, qui, au fond, reste un tableau d'Occidental (naturaliste) : l'animisme, différences des corps et mêmes types d'âmes ; le totémisme, continuité matérielle et morale entre humains et non-humains ; l'analogisme, mêmes éléments dans les êtres vivants avec des correspondances ; le naturalisme, continuités matérielles, mêmes atomes mais la culture sépare absolument les hommes des autres.

Nombre d'expériences d'utopies locales sont notées (Chapitre 17), les gilets jaunes, l'occupation de places, nuit debout témoignent d'une inventivité des réactions et des modes de lutte. le présent n'est pas déterminé et nous avons la possibilité (voir Kant troisième Critique de la faculté de juger) « d'investir d'intentionnalité un avenir qui ne nous appartient pas et (…) qui est une promesse heureuse. » On détermine les causalités ex-post mais dans le sens réel, l'uchronie est devant nous. Cela s'oppose au paradigme de l'économie néoclassique qui « écrit » l'avenir sans bifurcation possible par cette idée de l'homo oeconomicus qui fait converger toutes les décisions vers un but rationnel d'optimisation sans utopie latérale ou oppositionnelle. On en arrive à promouvoir le remplacement de l'homme par « l'intelligence artificielle », les robots…
Il nous faudrait, au contraire, une économie symbiotique (Isabelle Delanoye), qui intègre les coûts environnementaux et l'émission d'oxyde de carbone. Et une économie qui soit aussi une économie de l'être et non seulement une économie de capitalisation, d'accumulation des objets censés apporter le bien-être. Pour cela, ouvrir la parole au quatre vents vivants qui disent une myriade de façon d'être au monde et le désir d'y être tous accueillis également.
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Une déception. le titre est trompeur, car on y aborde très peu l'économie. Sur le papier, l'initiative était intéressante: se faire rencontrer deux intellectuels fin connaisseurs des cultures chrétienne et musulmane. Les deux intervenants sont forts sympathiques. Ils font preuve d'une large érudition. Leur critique du système actuel, du capitalisme, est certes réaliste, mais tout de même convenue.

On assiste donc à un débat philosophique brillant, on se sent un peu plus intelligent une fois le livre refermé, mais personnellement je me demande: et maintenant, que faire? Tout cela manque cruellement de propositions concrètes. On aimerait par exemple savoir ce qu'il est possible de changer, et comment. Quelles initiatives dans le monde? Quelles leçons peut-on en tirer? le Bhoutan par exemple, qui a décidé de mettre de côté le sempiternel PIB et mis en lumière un autre indicateur de richesse, le BNB (bonheur national brut). Ses habitants en sont-ils plus heureux?

Tout n'est pas à jeter, au détour de quelques paragraphes - que l'on aurait aimé voir davantage développés -, on apprend par exemple que dans les années 70, l'économiste Robert Solow a essayé de quantifier l'influence respective du capital et du travail sur la croissance du PIB. Il en a conclu que ces deux facteurs cumulés n'expliquaient que 40% de la croissance du PIB états-unien au cours des 30 glorieuses. Gaël Giraud en conclut que nous ne sommes pas plus avancés aujourd'hui.

Concernant l'émigration, on apprend également que dans certains pays d'Afrique, la population d'origine étrangère atteint 40%, et que ces populations sont pourtant accueillies, alors même que les autochtones sont tout aussi pauvres que les immigrés.

On ne peut être que d'accord avec Felwine Sarr lorsqu'il déclare que du côté du monde développé, de l'Europe en particulier, il n'est plus temps de se réclamer de valeurs, mais bien de les incarner. Comme le dit Gaël Giraud, une économie de la Teranga, du "buen vivir", de la Pachamama, reste encore à définir.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
... on parle souvent en micro-économie classique, où règne l'hypothèse de l'anticipation rationnelle, de l'hypothèse que tout se passe comme si la totalité des agents économiques anticipaient au mieux l'avenir, compte tenu des informations dont ils disposent. Ce qui fait qu'il n'y a plus d'avenir possible. [...] pourquoi s'acharner à maintenir l'économie dans cet état d'indigence économique digne des médecins de Molière, avec une hypothèse aussi dénuée de sens? A mon sens, c'est qu'elle est indispensable à la légitimation de cette opération qui consiste à capitaliser: pour cela, j'ai besoin d'anticiper parfaitement les revenus futurs du capital.
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Videos de Gaël Giraud (12) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Gaël Giraud
1 nov. 2022 La théologie politique n’est ni morte ni barbante ! Economiste, citoyen engagé, prêtre jésuite, Gaël Giraud publie un livre important, « Composer un monde en commun » (Seuil), où il revisite le récit de l’Ascension : le Christ est, selon lui, celui qui, refusant de s’asseoir sur le trône du pouvoir, nous a laissés libres de décider, par la délibération, des figures du lien social. Après une fascinante exploration des racines du pouvoir en Occident, Gaël Giraud ouvre le champ des possibles et défend la notion de « commun ». Une masterclasse animée par Eric Aeschimann, journaliste à « l’Obs ».
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