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EAN : 9782213720715
306 pages
Fayard (23/08/2023)
3.53/5   16 notes
Résumé :
Norbert Paulini, antiquaire à Dresde, est réputé dans toute l'Allemagne de l'Est pour son flair en matière de livres anciens et rares. Les amoureux de la littérature savent qu'ils peuvent toujours dénicher de nouveaux trésors sur ses étagères.
Mais après la chute du Mur à l'automne 1989, la politique envahit tout, les clients se font rares, puis la concurrence d'Internet apparaît. Paulini résiste pour sauver l’œuvre de toute une vie, mais une sorte de noirceu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
On peut, bien sûr, faire partie de ceux qui aiment à se persuader qu'une fois de plus, la rentrée littéraire portera " la plupart des lecteurs à confondre dans un délire enfantin les livres et les oeufs, et à croire qu'il faut toujours les consommer quand ils sont frais(1)" !
Néanmoins, la lecture de ce livre vient fort à propos en contrepoint de ce petit adage à la fois culinaire et littéraire.
"De braves et honnêtes meurtriers" est un roman écrit par Ingo Schulze, et tout juste paru en août 2023 aux éditions "Fayard".
C'est un récit pittoresque et passionnant, un récit au dessus duquel plane l'ombre du bibliophile(2) d'Anatole France.
En mars 1951, à Dresde, Dorothea Paulini née Schuller reçut l'autorisation d'ouvrir une librairie avec une section de livres rares et ancien.
Lorsqu'elle mourut, en juin 1953, Klaus, son mari, garda les livres qui, pour certains, étaient encore dans des caisses et des cartons.
Norbert, leur fils qui avait dormi sur ces piles de livres, devint un bouquiniste réputé à Dresde, un bibliophile qui n'aimait rien tant que lire et toucher amoureusement les tranches des vieux ouvrages de sa boutique.
Ce roman d'Ingo Schulze, articulé en deux parties est la biographie de Norbert Paulini ajoutée d'une tranche de vie de son auteur.
Ce livre est un livre dédié à l'amour des livres, mais aussi à l'amour de la vie.
C'est une chronique éclairée, intelligente et lucide où chacun des personnages ajoute son pas au ballet qui va se jouer dans cette République Démocratique Allemande qui finira, en 1989, par se dissoudre dans l'autre Allemagne.
Car ce livre raconte aussi un peu de l'histoire intime qui s'est jouée entre les deux Allemagnes.
A la chute du mur, la boutique est désertée, le bouquiniste est décontenancé.
Il va devenir quelqu'un d'autre ...
"De braves et honnêtes meurtriers" est un roman écrit de manière splendide et percutante, avec toujours chevillé au creux du mot l'amour des livres.
C'est plein de formules réjouissantes et piquantes, de belles phrases, de sentiments et de frustrations, de non-dit et de verbes hauts.
C'est un roman plein d'humanité, de celle qui est décrite dans la plus belle des littératures, et de celle que l'on vit jour après jour, petit moment d'ennui après triste instant de regret.
Vous redécouvrirez ici, sans comme Norbert vraiment vous en étonner, "comme il est agréable de s'immerger ligne après ligne dans un livre".
Norbert n'est un inconnu pour aucun de nous.
Il contient en lui un peu de chacun des lecteurs du livre d'Ingo Schulze.
Car c'est aussi de ça qu'il s'agit, du secret de la lecture.
Ingo Schulze, en écrivain généreux, nous livre d'ailleurs, au fil des pages qui se tournent, quelques autres petits secrets littéraires à discuter entre apéro et dessert :
- les véritables écrivains ne seraient seulement que ceux qui ne veulent pas l'être -
- celui-là même qui écrit ne serait plus en mesure de vraiment lire - ...
Alors plutôt que de se jeter dans le flot de la nouvelle rentrée littéraire 2023, on peut préférer "s'en tenir aux réalisations des rares élus et appelés de tous les temps et de tous les peuples(3)".
Néanmoins, il serait dommage de passer à côté du livre d'Ingo Schulze car que Dieu me savonne et que Mr Bergeret me pardonne, on n'est pas à l'abri d'y découvrir un petit bijou de littérature et un solide ouvrage qui vienne s'ajouter aux rayonnage de notre bibliothèque universelle ...

(1) page 39
(2) souvenirs littéraires d'Anatole France 2ème série
(3) page 39 - "citation à l'à peu près de Schopenhauer dans "le monde comme volonté et comme représentation".



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Le dernier roman du grand écrivain né en 1962 dans l'ancienne République Démocratique Allemande en surprendra plus d'un. Par sa composition en trois parties de très inégales longueurs ; par trois changements concomitants de narrateurs ; et last but not least par une ouverture nous replongeant en plein XIXème classique, du côté de Theodor Fontane ou de Heinrich von Kleist, alors qu'il va ici s'agir des plus radicales turbulences d'un passé récent
Qu'on en juge par l'incipit : « A Dresde, dans le quartier de Blasewitz, vivait jadis un libraire de livres anciens et rares qui, en raison de ses ouvrages, de ses connaissances et de son peu d'inclination à se laisser impressionner par les attentes de son époque, jouissait d'une incomparable réputation. » Ce « jadis », c'est le temps de la RDA, manifestement à des années-lumière de l'époque actuelle. Et ce libraire, Norbert Paulini, c'est un intellectuel humaniste à l'ancienne. Déjà une manière d'incongruité dans le contexte du « socialisme réellement existant », qui appelait à l'engagement de la culture et de la création. On se rappelle à cet égard les débats et controverses qui enflammèrent là-bas les années 1960 et 1970. Ingo Schulze est né dans ce terreau, son roman en porte continûment la marque. Il faut pour cela remonter à 1951, lorsque Dorothea Paulini, la mère de Norbert, avait reçu l'autorisation d'ouvrir une librairie comportant une section de livres rares et anciens. La RDA avait deux ans, le socialisme naissant se voulait le continuateur de la grande tradition humaniste allemande. A la chute du nazisme, « Nathan le Sage », la pièce de Lessing portée par les idées de tolérance de l'« Aufklärung », fut la première oeuvre mise au répertoire à Berlin-Est. Dorothea mourut en 1953, à la naissance de son fils. En 1977 celui-ci avait ouvert sa propre librairie avec l'héritage de son grand-père et était très vite devenu la référence à Dresde pour les bibliophiles. Il avait toujours eu comme unique horizon celui des livres partout empilés autour de lui. Bientôt sa réputation avait gagné l'ensemble de l'Allemagne. Dans sa librairie se trouvaient réunis, sans autre considération que leur valeur bibliophilique, tous les ouvrages possibles, y compris ceux que l'Est censurait. Un authentique espace de liberté, pour ne pas dire de subversion, cultivé par ce personnage apolitique et atypique, comme posté hors du temps (« La plupart des lecteurs confondent dans un délire enfantin les livres et les oeufs et croient qu'il faut toujours les consommer quand ils sont frais »), dont un premier narrateur restitue l'histoire, et dans un même mouvement celle de la RDA, dans la grande tradition de la prose classique allemande que restitue une traduction particulièrement juste et précise.
Si Norbert Paulini, seulement occupé de ses livres, vivait dans une sorte d'univers intemporel, le temps historique allait brutalement le rattraper. Très précisément en novembre 1989. Paradoxalement pour lui le début des difficultés. L'humanisme d'une activité désintéressée et le marché ne font pas nécessairement bon ménage. Les grands classiques ne sont plus au goût du jour, le libraire n'a plus la cote : « Il fallait faire de la place dans les rayonnages pour les livres de cuisine, les livres de conseils en tous genres et les guides touristiques ». En pleine déconfiture, lâché par sa banque, il perd en même temps sa maison (les anciens propriétaires partis à l'Ouest la récupèrent) et son épouse (une collaboratrice que la Stasi avait placée auprès de lui). Son ancien prestige s'en est allé. Soudain on l'entend tenir des propos inattendus de sa part, en une manière de rancoeur qui emprunte au discours d'une extrême droite en pleine expansion. Son esprit conservateur, qui au temps de la RDA passait pour de l'insoumission, a trouvé là une nouvelle possibilité d'expression. C'est ce que révèle la deuxième partie du roman, dont le narrateur est un écrivain du nom de…Schultze, qui avait connu Paulini au temps de sa splendeur et rétrospectivement pointe ses potentielles dérives : ce à quoi le prédestinait ce qu'il admirait en lui. N'était le « t » intercalé, ce Schultze apparaît tel le double romanesque d'Ingo Schulze. On découvrira bientôt qu'il est l'auteur des 191 premières pages du livre. Et si la facture classique du début n'était qu'un trompe l'oeil ? La brève troisième partie, 29 pages seulement, donne la parole à une lectrice d'une maison d'édition de l'ouest qui doit publier le texte de Schultze. Nouveau jeu de miroir, nouvelle réévaluation des points de vue, dans une sorte de permanente révision critique. Un exercice de haute dialectique qui donne au roman, à sa richesse documentaire, à la multiplicité de ses références comme à sa puissance évocatrice, une formidable dimension littéraire.
Dans les dernières pages l'on voit Paulini, dans les environs de Dresde, debout sur une falaise de la Suisse saxonne, tel le personnage du célèbre tableau de Caspar David Friedrich. Encore le XIXème siècle, mais cette fois pour sa part obscure et tourmentée. A n'en pas douter, l'on n'est pas loin ici du chef d'oeuvre.
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Un titre intrigant…
Le titre du dernier roman d'Ingo Schulze m'a laissée perplexe. L'illustration de couverture, deux énormes blocs de béton avec des rayonnages de bibliothèques évoquant une gigantesque prison, fait froid dans le dos. Les livres, au lieu d'ouvrir sur le monde, enferment et séparent les univers. Quel paradoxe ! Puisque l'histoire se déroule en ex-RDA, avant et après la chute du Mur, je n'ai pu penser qu'à la Stasi et à une bande de criminels « bien sous tous rapports » en son sein. Fausse piste… on n'est pas chez David Young (Stasi Block, Ed. 10/18) !
Le roman est intéressant, quoique curieusement construit en trois sections inégales. Un narrateur et une narratrice se succèdent dans la conduite du récit. La première partie s'achève au milieu d'une phrase. J'ai cru à un défaut d'impression. Je ne dois pas être la seule à avoir pensé à retourner l'opus à son distributeur. Cette interruption brutale est volontaire — et sommaire comme procédé. Agacée, j'ai failli laisser tomber ma lecture.
Finalement, l'auteur moqueur a réussi à me captiver. Il faut lire le livre comme un roman psychologique, non comme un roman historique. On n'apprend quasiment rien sur la RDA, décrite par petites touches ironiques et « ostalgiques ». L'histoire se déroule dans une librairie d'ouvrages rares et anciens, coupée du monde et de ses réalités. Des passionnés de lecture trouvent chez le libraire Paulini un havre de culture hors du temps. Pas de politique, pas de contestation, pas de dissidence, hormis la mention d'un nom ou deux, faisant figure d'alibis (Ernst Bloch, Rudolf Bahro). le narrateur avoue en passant avoir connu une jeunesse heureuse en RDA, ce qui explique ses ambiguïtés dans l'évocation d'un régime qualifié par d'autres de dictature. L'inévitable surveillance politique de la Stasi, imperceptible dans la première partie n'est révélée qu'après coup, dans une banalisation qui est un parti pris.
Bien plus redoutables semblent être les dérives ultérieures de l'extrême droite gagnant une partie de la population. Mais ce n'est pas non plus de cette fange qu'émergent les « braves et honnêtes meurtriers ». Qui sont-ils ? D'ailleurs, pourquoi ce pluriel qui parait désigner une organisation ou un groupe d'assassins ? de quelle mafia s'agit-il ? Rien n'est élucidé. le titre serait-il une promesse non tenue ? L'ellipse dans laquelle se complaît le narrateur laisse le lecteur, parvenu sans ennui au bout d'un récit alambiqué, songeur et indécis… À lui de décider. C'était peut-être le but ?
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Il était une fois la RDA et Norbert Paulini, né parmi les livres rares et anciens, élevé parmi ces mêmes livres rares et anciens et pour lesquels il reprit le flambeau de sa mère trop tôt morte : bouquiniste à Dresde ! Sa renommée s'étendit et sa boutique considérée comme un espace de liberté subversive !

Intransigeant sur la question de la littérature et des livres anciens, les temps modernes ne figuraient pas dans son échelle d'intérêt et la chute du Mur de Berlin ne fit que le repousser dans ses extrêmes !

La réunification vida sa boutique, exacerba son rejet de toutes les nouveautés mais aussi de remise en question et le poussa à la radicalisation.

Une première partie en biographie de Paulini, la seconde fait apparaître l'auteur de cette biographie et une éditrice de l'ouest et c'est à partir de là que j'ai un peu perdue car je n'ai pas saisi où celui-ci voulait nous emmener ! Même si l'écriture m'a beaucoup plu, je suis passée à côté d'une bonne partie du livre et même en lisant les chroniques de celles et ceux qui ont beaucoup aimé, je n'ai toujours pas saisi le voeu d'Ingo Schulze.

Il y a des moments et des thèmes propices et d'autres pas !

#Debravesethonnêtesmeurtriers #NetGalleyFrance

Challenge ABC des titres 2023/2024
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Contrairement à ce que peut faire penser le titre, ce n'est pas du tout un thriller. le sens de ce titre ne peut se comprendre avant la fin du livre.
Que dire de ce livre ? Sa lecture se fait à plusieurs niveaux. D'abord on découvre la vie en Allemagne de l'Est depuis la fin de la 2e Guerre mondiale jusqu'à nos jours, avec ce fabuleux et irrémédiable événement qu'est la chute du Mur. Ensuite c'est un hommage aux livres, à la lecture et à l'écriture, aux lecteurs mais aussi aux libraires.
Mais ce livre c'est surtout une chausse-trappe, non, un guet-apens, non, un traquenard, oui c'est ça un traquenard littéraire ! A la fin de la première partie, sur les derniers mots, je me suis écriée, intérieurement, non, non, c'est pas vrai, y a un problème là ! cela ne se peut pas, il n'a pas osé ! ? J'ai repris ma lecture, incrédule, sur mes gardes, guettant le moindre faux pas, le moindre indice. de ce fait je me suis même demandé si l'erreur typographique (inversion de deux mots dans une phrase, « ce soit ne », un truc comme ça) n'était pas là exprès. Deuxième partie, plus courte, on passe à uen deuxième niveau de narration, mais pas forcément de point de vue, et de Norbert Paulini on passe de plus en plus souvent à Paulini. de ce narrateur, un auteur qui a connu le libraire Norbert Paulini à l'adolescence, on ressent l'agressivité, la jalousie, un certain sentiment d'infériorité. Et puis, la troisième partie, encore plus courte, rapide et efficace pour jeter le doute, et là c'est l'agente littéraire de l'auteur qui raconte. Et à la fin, je me suis dit ah ! Mais oui, donc j'ai mon explication pour la première partie, mais aussi mais en fait, que s'est-il vraiment passé ?, et ce, à plusieurs niveaux. Il est clair que l'auteur a profité de son livre pour se jouer de ses lecteurs, tout en racontant des choses très profondes sur la construction de l'Allemagne contemporaine et surtout la déconstruction des Allemands de l'Est, tout en distillant un discours de tolérance en montrant l'opposé, le tragique, le honteux, en sacrifiant un de ses personnages, en faisant réfléchir car ce personnage, lettré, est au-dessus de tout soupçon.
Le style peut apparaître très carré, le stéréotype allemand en puissance, très torturé, mais, tout en nuances, en essayant de les contenir, on sent la passion, l'engouement, l'engagement, et de l'humour. Et le désespoir, la honte larvée des Allemands de l'Est, sentiment propre à ce peuple dont personne d'autre ne peut comprendre la complexité et les rouages.
Ce n'est pas une lecture légère ni facile, mais au contraire, elle est agréable et riche, riche en réflexion, humaniste. J'ai adoré. J'ai l'impression d'avoir accompli un long voyage intérieur sur ces trois cent pages.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
«  Les rayonnages de la librairie ne cessaient de se remplir, bien que ce Don Pedro appelait «  : chiffre d’affaires » augmentait chaque trimestre.

Comme Norbert Paulini avait toute la journée des livres en main, il arrivait souvent qu’au soir il avait lu la moitié ou la totalité d’un livre dont le matin même le titre , parfois même l’auteur lui étaient encore inconnus .

C’était son orgueil de lecteur et de libraire d’ancien de ne pas être pris en défaut devant ses clients » .
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«  L’amour use de patience et de bonté, l’amour n’est pas envieux , l’amour ne se vante pas, il ne pense pas le mal, il ne se réjouit pas de l’injustice , mais il se réjouit de la vérité , l’amour supporte tout , croit tout, espère tout, endure tout , l’amour ne cesse jamais » .
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«  La plupart des lecteurs confondent dans un délire enfantin les livres et les œufs et croient qu’il faut toujours les consommer quand ils sont frais » .
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De livre en livre grandit en Norbert Paulini la conviction que les écrivains se réjouissaient d'avoir enfin trouvé en lui leur lecteur ...
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La plupart des lecteurs confondent dans un délire enfantin les livres et les œufs et croient qu'il faut toujours les consommer quand ils sont frais. ( p 39 )
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