Les parisiennes : Leur vies, leurs amours, leurs combats 1939-1949

L'auteure britannique, Anne Sebba-Rubinstein, m'avait déjà favorablement impressionné par son récit de l'exécution sur la chaise électrique de l'innocente Ethel Rosenberg en 1953 (voir mon billet du 28 juillet dernier), avec "Les Parisiennes" de 2016 (2018 pour la version française) elle "récidive", si je peux m'exprimer ainsi.

Cet ouvrage est un véritable monument sur le sort des femmes en temps de tuerie générale, comme en 1940-1945. Elle commence par une liste de 85 femmes, parmi lesquelles des actrices (Arletty, Corinne Luchaire, Simone Signoret) ; des écrivaines (Colette, Simone de Beauvoir, Violette Leduc, Irène Némirovsky) ; des chanteuses (Édith Piaf) ; des couturières et femmes de la mode (Coco Chanel, Catherine Dior, Jeanne Lanvin, Elsa Schiaparelli, Rachel van Cleef) ; des figures du Tout-Paris (Lisette de Brinon, Béatrice de Camondo, Dora Maar, Élisabeth de Rothschild) ; des réfugiées (Rosa Liwarrak) ; des collaboratrices avec l'ennemi (Josée Laval, Violette Morris, Hélène de Portes), et des résistantes (Lucie Aubrac, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Noor Inayat Khan, Violette Szabo, Rose Valland). Parmi cette dernière catégorie, j'ai pu relever exactement 28 noms, dont la plupart figurent également dans ma longue liste "Hommage aux héroïnes de guerre".
Cette énumération de ma part n'est ni exhaustive, ni objective. J'avoue qu'en mentionnant le nom de certaines "Parisiennes" j'ai voulu stimuler la curiosité des lectrices et lecteurs.

Cet ouvrage ambitieux, mais solidement documenté avec ses 19 pages de notes, et qui couvre la période de 1939 à 1949, constitue en fait une oeuvre de référence à garder près de la main, pour consultation et vérification de faits et événements précis pendant cette époque terrible de notre histoire.

Pour celles et ceux curieux d'en apprendre davantage, l'auteure ajoute, en fin de volume, une bibliographie de 7 pages de titres d'ouvrages et d'articles spécifiques.

En plus, le nombre de personnes avec qui elle a eu des entretiens est vraiment considérable. À peu près 4 pages de noms, que l'on retrouve dans ses remerciements, également en fin de volume. Des critiques professionnells ont baptisé cette façon intensive de préparation : la "Méthode Sebba".

Toutes mes énumérations des qualités de l'ouvrage, ne devraient surtout pas donner l'impression qu'il s'agit d'un ouvrage académique ennuyeux à lire. Au contraire, le style direct et relativement simple ensemble avec les événements racontés et les Parisiennes retenues en font un livre émouvant et captivant.

Déjà la toute première phrase du prologue, à la page 19 (dans l'édition de poche), marque le ton : "N'écrivez pas qu'on nous a < donné > le droit de vote après la guerre... Nous nous sommes battues pour l'obtenir."
Un sage conseil de la résistante Cécile Rol-Tanguy (1919-2020), Grand-croix de l'ordre national du Mérite et Grand officier de la Légion d'honneur, dans un entretien avec l'auteure du 20 janvier 2014.

Il marque le ton pour les 450 pages qui suivent : un fait historique précis, un témoignage tout aussi précis et le tout dans un contexte rigoureusement correct et vérifié.

La conclusion finale d'Anne Sebba, à la page 472, va d'ailleurs dans le même sens : "Afin de survivre dans le Paris occupé, beaucoup de femmes durent prendre des décisions et statuer sur la manière dont elle pouvait s'accommoder de la présence des Allemands. Ce n'est pas à nous de les juger, au moins, avec un peu d'imagination, peut-on essayer de comprendre les choix que nous aurions pu faire, tout en rendant hommage à celles qui ont refusé le moindre accommodement."

Du début de la seconde guerre mondiale aux premières années après celle-ci, le portait de plusieurs parisiennes sont dressé : connues ou inconnues, juives ou catholiques, résistantes ou collabos, courageuses ou lâches.
C'est intéressant de voir comment toutes ses femmes ont traversé cette période. Tout y est retracé et selon le milieu auquel elles appartenaient, elles mangeaient dans les meilleurs restaurants et s'habillaient chez les plus grands couturiers comme si de rien était ou elles faisaient la queue pendant des heures pour faire quelques grammes de sucre ou utilisaient les rideaux du salon pour se faire une nouvelle tenue.
C'était un peu la grande débrouille et la grande débâcle.
Juste petit bémol, c'est qu'au travers des années, chaque chapitre est une longue énumération d'histoire de vie et j'ai trouvé ce style un peu rébarbatif. Mais pour s'y reconnaître, une liste y répertorie par ordre alphabétique le nom de chaque parisienne avec leur date de naissance et de mort ainsi que leur destin en 2-3 lignes.

L'auteur, journaliste et historienne, a tenté de comprendre ce que la guerre 39-45 avait changé pour les femmes françaises, et plus particulièrement les parisiennes, quelque soit leur catégorie sociale. Pendant l'occupation, de nombreuses femmes jouèrent un rôle clé dans la résistance. Il fallut cependant de nombreuses années encore pour que leur place soit reconnue et légitimée par le droit de vote et la participation à la vie politique. En racontant de façon chronologique la vie des parisiennes de 1939 à 1949, Anne Sebba dresse un portrait des femmes de l'époque et montre à quel point ces années marquent une rupture dans l'évolution des mentalités. Elle restitue au total le parcours de près d'une centaine d'entre elles : Simone Signoret, Coco Chanel, Simone de Beauvoir, Arletty, Germaine Tillon, Edith Piaf, Colette pour ne citer que les plus célèbres mais elle s'intéresse aussi aux anonymes quelles soient infirmières, couturières, intellectuelles ou femmes au foyer.
Grande fresque humaine, ce livre se concentre sur le point de vue des femmes et donne à voir la vie quotidienne des françaises durant des années clés de l'histoire de France.

L'éditeur parle de "fresque humaine" et oui, il s'agit de cela : une fresque humaine, féminine, parisienne, de celles qui ont vécu entre 1939 et 1949 (début et fin de la guerre, puis la reconstruction).
Les portraits se suivent en fonction des dates, des "thèmes" (ex : la terrible influence de surveillants sur les déportés, les enfants après la guerre, le suicide des déportés après la Libération...).
C'est un livre grave, tout en nuances. de très nombreux sujets sont abordés, sans tabou, sans fausse bienveillance, d'un regard presque neutre.
Il s'agit d'un livre éminemment bouleversant où, pour certaines parties, les mots de chaque phrase ont un sens et sont lourds d'horreurs.

Bref, comme on aurait pu s'en douter, un livre poignant, émouvant, de portraits de femmes pendant la seconde guerre mondiale et qui mériterait sans doute d'être mis entre toutes les mains.

Mais ce n'est que mon avis...