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EAN : 9782070395880
384 pages
Gallimard (26/11/2009)
3.8/5   5 notes
Résumé :
« Je me demande depuis un certain temps, alors que j'ai
lu et relu Homère, L'Iliade et L'Odyssée, pourquoi ce
vieux texte monte de plus en plus vers moi d'une façon
fraîche, énigmatique et violente. Et pourquoi, dans le
même temps, tout ce qui peut se dire en chinois, dans
la stratégie chinoise en particulier, monte avec le même
caractère d'urgence. Serait-ce que la Grèce et la Chine
ont des choses à se dire ? »
... >Voir plus
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Athéna, la fille de Zeus qui brandit l’égide, sur le sol de son père laisse couler sa fine robe brodée, qu’elle-même a peiné à faire de ses mains. Ayant revêtu la tunique de Zeus assembleur de nuées, elle s’équipe de ses armes pour la bataille qui cause tant de larmes. Autour de ses épaules, elle met la redoutable égide toute frangée, où, dans un cercle complet en forme de couronne, il y a l’Effroi ; et s’y trouve la Querelle, s’y trouve la Vaillance ; avec son froid de glace s’y trouve la Poursuite ; et s’y trouve de Gorgo, le monstre terrible, la terrible, l’effrayante tête, le signe de Zeus qui brandit l’égide.
Nous sommes sur plusieurs choses : le sexe et l’effroi.

Elle met sur son chef le casque en or à deux cornes et quatre bossettes, où est disposée l’infanterie de cent cités. S’aidant des pieds, elle monte sur le char qui flamboie et prend sa javeline, grande, lourde, solide, avec quoi elle dompte les rangs des preux, quand, fille d’un père puissant, elle exerce contre eux sa rancune.

Nous sommes allés à Athènes et nous avons vu que Poséidon a été mis à l’écart, tout au bout dû fameux cap Sounion, puisque ces deux dieux sont en rivalité. Poséidon poursuit Ulysse d’une haine implacable. Pourquoi ? Parce qu’il a aveuglé un de ses fils, Polyphème le Cyclope. Ulysse s’appelle alors Personne. La bataille est énorme, parce que Héra, femme et soeur de Zeus — et Athéna sont alliées.

Héra du fouet vivement va frôler ses chevaux. D’elles-mêmes s’ouvrent les portes du ciel, gardées par les Heures, qui ont la charge du vaste ciel et de l’Olympe, avec celle de replier ou mettre en place l’écran d’une épaisse nuée. C’est là que, conduits par elles, les chevaux que pousse l’aiguillon passent les portes...
Rappelons-nous en passant Parménide avec ses cavales ].

Elles trouvent le fils de Cronos assis à l’écart des autres dieux, sur la plus haute cime de l’Olympe aux gorges sans nombre. Alors la déesse Héra aux bras blancs, arrêtant ses chevaux, interroge le Très-Haut, Zeus le Cronide...

Héra et Athéna. Athènes, musée de l’Acropole.

Héra et Athéna sont alliées contre les Troyens. Ces alliances de dieux, qui sont multiples, sont bien peu connues. J’évoque cela avec mon ami Marcel Detienne, avec qui je peux parler de ces choses comme si c’était de l’actualité brûlante. Il vient, nous commençons à boire, et c’est comme si les dieux étaient là. Ils sont là d’ailleurs, pourquoi pas, comme on dit, « près d’un four » ? Les dévots philosophes qui viennent aux séminaires d’Héraclite, les déjà universitaires, trouvent en effet le penseur près d’un four à pain. Je crois même qu’il était aux toilettes. Il leur dit, pas gêné pour un sou : « Entrez, ici aussi les dieux sont présents. » Le propos est outré. Il faut quand même pour les dieux des endroits convenables. Mais s’il y a un dieu qui n’a pas de temple, c’est Dionysos, nous irons le voir ensemble. Approchons-nous-en pour l’instant avec la plus extrême prudence. Certains n’en sont pas revenus, ne l’oublions pas. C’est pour cela qu’il faut commencer par Ulysse. Je souhaitais, tout d’abord, aborder l’érotique de la guerre. On n’y fait jamais attention. Je voulais aussi évoquer la façon dont Athéna favorise Ulysse, le guide et le protège. Je reste un peu dans L’Iliade. Sautons à la fin du poème, au chant XXIII. Ce sont les funérailles de Patrocle, qui font verser tant de larmes au vaillant Achille. Autour du bûcher s’organisent de nombreux jeux. Les plus valeureux Achéens rivalisent d’adresse, en hommage à leur compagnon mort. Il y a donc une course entre Ajax et Ulysse. On va voir qui emporte le prix. Comment Homère nous dit-il cela ?

Ainsi Ulysse court tout près d’Ajax, et de ses pieds il frappe derrière lui ses traces, avant que la poussière n’ait coulé tout autour. Sur sa tête, le divin Ulysse, toujours rapide et vif, fait couler son souffle. Et là-dessus, tous les Achéens de pousser des cris, soutenant son désir de victoire, encourageant grandement ses efforts. À l’instant même où ils accomplissent la dernière partie de la course, Ulysse, dans le fond de son coeur, prie Athéna à face de chouette...
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Athéna, la chouette... La chouette de Minerve... Bonjour Hegel ! La transformation des dieux grecs en dieux latins fait toujours mon amusement : voir Hermès en Mercure, Athéna en Minerve, sans parler de Zeus, rabaissé au rang de Jupiter. Il n’y a que Bacchus qui s’en tire, en somme. Pour des raisons que nous devons élucider. Les autres dieux s’éteignent. La latinisation du grec est un phénomène qui ne trouble pas grand monde. C’est pourtant le signe d’une surdité incroyable, un des ravages opérés par le « monotonothéisme ». Je ne nie pas que le latin ait joué un rôle grandiose en tant que langue sacramentelle. Mais c’est l’univers chrétien, qui n’est pas l’univers grec. Je reprends :

À l’instant même où ils accomplissent la dernière partie de la course, Ulysse, dans le fond de son coeur, prie Athéna à face de chouette : « Entends-moi, déesse, sois bonne pour moi et viens en aide à mes jambes ! » Telle est sa prière, et Pallas Athéna l’entend. Elle rend ses membres légers : ses jambes et, au-dessus, ses bras. Au moment où ils vont bientôt bondir sur le prix, Ajax glisse, en pleine course. Athéna l’a fait s’empêtrer, à l’endroit où est étalée une bouse laissée par les boeufs...
Voilà l’adversaire qui tombe dans la merde ! Il n’y a pas d’autre mot.

Sa bouche et son nez s’emplissent de la bouse des boeufs. Et le divin Ulysse [...] enlève le cratère, ayant devancé Ajax à l’arrivée. L’illustre Ajax [...] recrachant la bouse [...] dit : « Ah ! elle a empêtré mes pieds, la déesse qui, jusqu’à ce jour, assiste Ulysse comme une mère et lui apporte son secours ! » Ainsi parle-t-il et tous les autres se mettent à rire gaiement de lui.
Voilà ce qui arrive à Ajax. Athéna, qui n’est pas du tout une mère, va faire beaucoup d’autres choses dans le genre. Le hasard, la providence, l’incongru, l’accident, la force qu’on n’attendait pas, le secours. Le secours vient toujours, pour Ulysse, à la suite d’une très forte concentration intérieure, d’une prière. En son nom, adressé à la déesse qu’il a choisie, et qui l’a choisi, pour le tirer de tas de situations extraordinairement périlleuses, l’aider dans sa guerre.
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« Oscillation » : René Girard n’aime pas l’oscillation : c’est une « torture », elle est « terrible ». Il utilise plusieurs fois le terme (qu’il identifie finalement à « l’hésitation ») dans son analyse de la « Tristesse de Hölderlin » (p.197-237 de son livre. Je souligne.) :

« L’âme hölderlinienne oscille entre la nostalgie et l’effroi, l’interrogation d’un ciel désormais vide et le saut dans le volcan »,— « oscillations qu’il a vécues avec une intensité terrible »,— « le regard que le Christ nous apprend à poser sur l’autre, en nous identifiant à lui, nous évite d’osciller... »,— « toutes ses phrases sur l’oscillation de ses rapports avec ses proches sont impressionnantes »,— « il dit lui-même à Suzanne Gontard que cette oscillation est liée à une "ambition inassouvie" »,— « Hölderlin a trouvé dans sa retraite finale le seul moyen de cesser d’osciller entre la glorification et la dénégation de soi, la seule façon de surmonter cette torture »,— « il suffit d’aller aux poèmes, et d’entendre la façon dont ils témoignent d’un effort pour sortir de l’oscillation. Hölderlin hésite entre la Grèce et le christianisme. » , etc.
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« Roland Barthes a fait en 1978 une improvisation à mon sujet, qui s’appelle « L’oscillation ». Il y fait un parallèle entre l’hésitation gidienne et l’oscillation incessante dont je semble être possédé. Il rapporte en passant que l’hésitation, voie initiatique de compréhension progressive, est très bien tolérée socialement, comme si c’était un modèle parrainé d’une certaine façon par la vision intellectuelle. C’est une voie progressive, je dirais même progressiste, qui implique des retours, des autocritiques, des mises au point. Il part donc d’une phrase de Kafka : « Je n’ai rien de définitif », et il dit que mon axe d’action est d’empêcher l’image de prendre. Il prophétise que nous allons vivre de plus en plus dans une civilisation de l’image, et que celui qui s’attaque à la non-fixation de l’image commet là un acte grave. J’allais dire dionysien. Le terme choisi là est l’oscillation, très mal tolérée .
Ce dieu [Dionysos] oscille entre présence et absence, et sa nature est éminemment épiphanique ou "théophanique". » (p.171)
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« Roland Barthes a fait en 1978 une improvisation à mon sujet, qui s’appelle « L’oscillation ». Il y fait un parallèle entre l’hésitation gidienne et l’oscillation incessante dont je semble être possédé. Il rapporte en passant que l’hésitation, voie initiatique de compréhension progressive, est très bien tolérée socialement, comme si c’était un modèle parrainé d’une certaine façon par la vision intellectuelle. C’est une voie progressive, je dirais même progressiste, qui implique des retours, des autocritiques, des mises au point. Il part donc d’une phrase de Kafka : « Je n’ai rien de définitif », et il dit que mon axe d’action est d’empêcher l’image de prendre. Il prophétise que nous allons vivre de plus en plus dans une civilisation de l’image, et que celui qui s’attaque à la non-fixation de l’image commet là un acte grave. J’allais dire dionysien. Le terme choisi là est l’oscillation, très mal tolérée.
Ce dieu [Dionysos] oscille entre présence et absence, et sa nature est éminemment épiphanique ou "théophanique". »
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Dialogue autour de l'oeuvre de Philippe Sollers (1936-2023). Pour lire des extraits et se procurer l'essai SOLLERS EN SPIRALE : https://laggg2020.wordpress.com/sollers-en-spirale/ 00:04:45 Début
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