Dans "
Destination Tchoungking", sa première oeuvre, sortie en 1942, (dont elle conte la genèse dans le présent ouvrage),
Han Suyin évoque "à chaud" les premières années de la seconde guerre sino-japonaise, à chaud, puisque ce conflit ayant duré de 1937 à 1945, elle n'a pu avoir pour ce récit le nécessaire recul du temps.
Dans "
un été sans oiseaux", sorti en 1968, par contre, outre une passionnante description de l'histoire chinoise depuis la révolution de 1911, elle offre une vision complète et globale de ce même conflit.
Et surtout elle analyse avec acuité les rapports complexes entretenus entre l'Armée rouge de
Mao-tsé-Toung, le Kuomintang de Tchan-Kaï-chek et le Japon, signalant le fait que Tchan-Kaï-chek avait plus envie de battre les troupes de Mao que l'armée japonaise, allant même à une certaine période jusqu'à souhaiter une alliance avec le Japon !
S'il ne le fit pas, c'est à cause de la résolution du peuple chinois à se battre contre l'ennemi, soit le Japon ! Pour autant, bien des officiers de l'armée communiste furent exécutés par les services secrets du Kuomintang, car il fallait à tout prix détruire l'hydre communiste,
D'un côté donc, une véritable résistance à l'invasion japonaise ; et de l'autre une politique de compromis avec le Japon avec l'espoir d'une aide occidentale, dans l'optique à long terme de détruire le communisme.
Le régime de Tchan-Kaï-chek apparaît comme une détestable dictature fasciste, avec des mouvements "les Chemises bleues" largement inspirés des sections d'assaut de Hitler et une idéologie calquée de "Mein Kampf".
Sa très sévère critique du régime de Tchan-Kaï-chek, étayée par nombre d'exemples, largement ignorés par nous, occidentaux, - étant rarement sinologues - se double d'une admiration pour le régime de
Mao-Tsé-Toung, dont elle loue (le livre est écrit en 68) sans réserve la révolution culturelle, qui pour elle constitue un sain rejet du mandarinat !
Dans quelle mesure
Han Suyin reste-t-elle parfaitement objective en nous décrivant ces événements ?
L'époux chinois de
Han Suyin, quant à lui, est un jeune officier, pilier du régime, et le texte comportant une large dimension autobiographique, elle n'hésite pas à conter son malheureux mariage avec Pao, cet être violent et parfaitement odieux, sous un vernis d'aimable courtoisie destinée au public, que ce soit en Chine puis plus tard en Angleterre, lors de sa nomination en tant qu'attaché militaire. Il veut faire d'elle une "vraie" épouse chinoise, entièrement soumise, en la battant pour un oui ou un non, lui reproche d'être eurasienne, et va jusqu'à se demander si elle n'a pas des racines juives !!!
Outre les très nombreux éléments autobiographiques qui parsèment ce récit, la relation de cette très dure existence en temps de guerre, le travail hospitalier que
Han Suyin est amenée à accomplir, cet "été sans oiseaux" nous plonge avec stupéfaction dans les arcanes de l'existence d'une famille aisée chinoise, qui laissent le lecteur européen totalement ébahi, tant les us et coutumes pratiqués sont différents et nous paraissent quasiment incompréhensibles ! Seul élément léger qui donne un parfum d'exotisme bienvenu à cet ouvrage au propos par ailleurs si parfaitement sombre !
Un ouvrage très instructif qui s'achève par la fin de la guerre civile en Chine "dans la tornade d'une triomphale révolution" par les victoires de
Mao Tsé-Toung, n'importe quoi étant mieux que le Kuomintang, même si, dit
Han Suyin "j'étais un peu inquiète, car personne ne savait ce qui allait arriver ensuite." !