Un livre en attente depuis longtemps. Je le saisis enfin, d'abord par sa couverture. Cet enfant aux portes de la puberté sérieux, nu, qui fixe un crâne Comprend-il le sens de la vie. Un titre à la fois piquant et austère, un voleur... de Bible. Un pavé aux tons anciens qui laisse deviner le classique plein de philosophie, ardu, long mais instructif. On va de surprise en surprise.
Surprise d'abord l'écriture: le ton est léger, assez sarcastique - plein d'humour pour décrire la tragédie, la déchéance, la violence, la perdition - des êtres agglutinés dans la saleté qui souffrent et se haïssent avec ces quelques perles d'amour pur - Ida par exemple. La vie dans son insignifiante simplicité, les sentiments, les passions, toute cette bouillabaisse comique et si triste. On plonge, on en rit, on devrait en pleurer. On en sort pas indemne face aux miroirs tendus.
Le narrateur ensuite assez indéfinissable jusqu'à ce qu'on comprenne (mieux vaut éviter la 4eme de couverture - spoiler) et celui à qui il s'adresse.
On arrive au bout avec ce vide étrange: pourquoi? Que viens-je de lire?
Tout ça pour ça? Et n'est-ce pas cela, la vie? Tout ça, pour ça?
Je ne peux m'empêcher de retourner vers cet adolescent contemplant la mort - que se passe-t-il sous ce crâne. Et si ce ton décalé n'était que le reflet de cette prise de conscience adolescente pas encore mûre et qui nécessite tout ce voyage?
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Le résumé donné ne correspond pas au "Voleur de Bible"
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Ida mit au monde douze enfants, ils avaient tous cinq doigts aux mains, comme Johan : ce qui faisait cent trente doigts tendus au-dessus de la table au moment des repas. Tous avaient un nez, soit treize nez qui reniflaient au-dessus des marmites, et ils possédaient des oreilles et des lèvres - une multitude de sens qui sans cesse pompaient l'obscurité et le désespoir du monde. Ils auraient par conséquent dû avoir cent trente orteils, qui la nuit glissaient vers le seau à pipi, mais il n'y en avait que cent vingt-huit, car Hedvig ne possédait que quatre orteils à chaque pied.
Nous possédons tous en nous une lumière. Chez certains elle est si forte qu'elle traverse la peau et arrive à éclairer ceux qui sont proches. Chez d'autres elle est si faible qu'elle suffit à peine à éclairer leur propre corps. Chez d'autres encore elle a si peu d'existence que l'on s'étonne que leurs corps soient debout et vivants.
Aussi peu qu'il comprenait les fleurs de la terre, aussi peu comprenait-il tout ce qu'il lisait. Il mangeait devait-il dire plus tard. Il mangeait la connaissance.
Nous possédons tous en nous une lumière. Chez certains, elle est si forte qu'elle traverse la peau et arrive à éclairer ceux qui sont proches.
L'une après l'autre, les lettres interprétées sortaient de la masse confuse du texte, formaient des mots, des mots telles des îles dans un océan tourbillonnant, des îles stériles tout d'abord dépourvues de sens; puis un sens prit racine, et celui-ci poussa comme des arbres sous les feuillages desquels des ombres s'assemblaient. Elévation des terres, gazouillis des oiseaux: un paysage surgit, une époque, un homme, une vie.
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