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Il faut déjà bien connaître les romans de Tanguy Viel pour apprécier cet essai sur la littérature. En quelques articles, il fait le point sur le travail de l'écrivain : de l'idée, pensée fugace ou obsessionnelle, à la forme - libre et "oisive" à la Montaigne ou corsetée dans une rigueur dramatique. Il nous livre son rapport aux citations, à Virginia Woolf, Proust, Dante .... etc
Un tournant sans doute dans son oeuvre, une occasion pour le lecteur de découvrir son cheminement.
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« Iceberg », Tanguy Viel (Editions de Minuit 120p)
Voici donc un essai sur la littérature, sur l'écriture, sujets a priori qui ont tout pour m'intéresser. Visites chez les grands auteurs appréciés de TV, dans leurs oeuvres comme dans leurs bibliothèques, c'est le chemin auquel il nous invite. Il s'interroge par exemple sur la pertinence du journal intime (publié), celui du moins qui suit le fil des jours. Ainsi nous dit-il « Je me retrouve plus volontiers dans cette déclaration d'Anaïs Nin disant :'Si j'étais un véritable auteur de journal comme Pepys ou Amiel, je me contenterais de consigner, mais ce n'est pas le cas, je veux remplir les intervalles, transformer, étendre, approfondir, je veux cette floraison ultime qui vient de la création.' » Et de reprendre à son compte la formule de Robert Pinget : "S'il y avait moins de paresseux, il y aurait moins de journaux intimes". J'ai pourtant regretté à ce propos qu'il ne questionne guère de manière plus illustrée cette tendance majeure de la littérature contemporaine du récit autofictionnel, tellement auto et si peu fictionnel, à la lecture d'auteurs vivants.
Et je relève quelques phrases, citations ou passages qui m'ont touché, fait réfléchir. Citations de Viel ou qu'il reprend d'autres écrivains. Dans le désordre, au fil de mes coups de crayons ou de pages cornées :
« (…) Il est si difficile (…) de séparer la vie psychique (de l'auteur NDR) de l'oeuvre. »
Ou cette autre, qu'il emprunte à Michel de M'Uzan : « Car s'exprimer sans plaire — disait le texte — expose l'écrivain à être rejeté dans sa solitude et son impuissance, (…) mais d'un autre côté plaire sans s'exprimer, c'est-à-dire renoncer à sa vérité au nom d'une satisfaction narcissique immédiate, c'est s'infliger à coup sûr une blessure narcissique autrement plus profonde puisqu'elle touche aux racines mêmes de l'être. »
J'avais beaucoup aimé « Article 353 du code pénal », tant au niveau de l'intrigue que de la langue choisie pour en rendre compte. J'avais aussi apprécié « La fille qu'on appelle », mais avec déjà une réserve certaine par rapport à son écriture, que j'avais trouvée alambiquée. Là, c'est encore plus difficile à lire. Il n'y a pas le fil de l'intrigue (ce qu'on ne reprochera pas à un tel texte, quoique), mais la lourdeur de la prose se fait ici vite indigeste. Les phrases de moins d'une demi-page sont rares, celles d'une page ou plus assez fréquentes, et comprenant régulièrement trois ou quatre idées différentes. Il y a tant d'auteurs de romans (Milan Kundera, Daniele Sallenave, Erri de Luca, Lydie Salvayre, Belinda Cannone …), qui savent « essayer » (tiens, ne manque-t-il pas un mot pour dire ‘écrire des essais'), sans nous imposer une telle lourdeur, nous donnant accès plus clairement à leur pensée. Ici, malgré quelques apports intéressants, c'est ce qu'il m'aura manqué, même s'il est possible que ma lecture ait été trop superficielle et/ou fragmentée (Est mea culpa).
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Ce n'est pas parce que Tanguy Viel fait une pause au roman qu'il faille le laisser tomber quand il se met à penser.
C'est tout à l'honneur de cet auteur qui a tout pour nous surprendre et nous séduire, lui quand il écrit un roman, c'est dans le genre, et quand il écrit un essai, c'est dans le genre. Dans la bonne tradition littéraire en quelque sorte et j'aime ça plutôt que ces textes fourre tout sans queue ni tête que l'on retrouve trop souvent (deux fois sur trois) chez les auteurs contemporains.
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J'ai aimé tous ses livres. J'ai hâte !
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Posté là sur son « belvédère spéculatif », Tanguy Viel relève avec "Icebergs" le pari fou de suivre la pensée, cette « éblouissante réverbération de la vie en nous », jusque dans les formes qu'elle se donne, «ces incarnations d'une violence sublime ».

Saisir la pensée à l'instant fugace où elle se trouve un « abri provisoire pour consister », c'est ce que l'auteur réussit avec un brio qui force le respect.

« Fort d'une justesse de ton qui fraye avec le sortilège », l'auteur s'offre, entre deux romans, une respiration à couper le souffle pour « bâtir les ponts possibles entre la pensée, l'image, la réalité ».

Prenant avec une nonchalance libératrice la roue de grands astreignants - Montaigne, Dante, Woolf, Artaud, Blanchot... - Viel montre au final d'une plume exquise et enrobante que « toutes les grandes oeuvres racontent le parcours qui les mènent à elles mêmes ».

Jules Supervielle écrit « ne touchez pas l'épaule du cavalier qui passe, il se retournerait et ce serait la nuit », ici le cavalier c'est Viel, regardez le écrire en silence et vous entendrez peut-être dans la nuit un écho: celui de cette « grande fraternité du chuchotement »
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Un auteur peut avoir le talent de raconter des histoires qui nous agréent – des romans noirs à suspense, dirons-nous, on serait mal à l'aise d'associer à cet écrivain le terme "polar" qui peut connoter roman de gare – par la trame, la forme, le ton, sans que nous ayons avec lui de communs ressorts et convictions plus particuliers, plus intimes. Cette proximité de nature et de prédilections m'apparaît ici avec l'introspectif "Icebergs" de Tanguy Viel. le titre est adéquat, car ces textes très personnels sont des illuminations, polies et facettées, cueillies dans le flux d'une pensée dont l'immense part demeure, en chacun de nous, évanescente, informe, sous la surface du dire, évanouie dans les abysses obscurs de l'inconscient. Alors qu'iceberg dit glace, on trouvera dans ces réflexions, si on la veut les suivre et si on aime la littérature, une chaleur tangible, nonobstant leur degré d'abstraction.


C'est le genre de livre à relire, je viens de le faire avec le même intérêt et le sentiment de croiser des préoccupations familières. Parmi ses visées, la part indicible autour de laquelle gravitent bien des littérateurs, cette part "que nos livres, nos chants, nos gestes reflètent", un secret peut-être, qu'aucune raison n'explique et que l'on effleure à peine : "un ou plusieurs fils nous tirent vers l'avant et comme narrativisent notre existence, abstraction suffisamment magnétique pour nous faire avancer, en dessous de quoi nous irions errant sans but, pas même amarrés au temps qui passe".

Une légère mélancolie sourd de ces lignes, on la perçoit dans la citation de Charles du Bos qui émeut tant l'auteur d'"Icebergs" :"Si l'homme n'était soutenu dans l'effort d'écrire par le voile d'illusions que tisse autour de sa pensée le travail même qu'il déploie pour l'exprimer, il verrait sa pensée nue et grelottante et il ne pourrait en supporter le vide et la vanité." Viel évoque une ”nuit mentale éclairée par la grande confrérie du vide” qui jaillit des livres lorsqu'il les ouvre dans sa bibliothèque, consolation de croiser d'autres errances. Il conçoit aussi la nécessité personnelle d'écrire sur la mélancolie.

Il ne s'inclut toutefois pas dans les "psychostatiques", dont la pensée se retourne sans cesse sur elle-même, rumination d'un « je pense donc je suis », autocentrisme quotidien générateur de journaux-fleuves – Maurice de Guérin, Amiel, Robert Shields. Et de citer Robert Pinget, sévère : "S'il y avait moins de paresseux, il y aurait moins de journaux intimes".

Le livre explore des flux de pensée remarquables et insolites, depuis ces incroyables journaux où l'homme "se perd et s'enfonce dans la brume épaisse et sombre, comme une route qui sort de la ville et se dissout dans l'obscur" jusqu'au fil déroulé au-dehors par Virginia Woolf, qui a "dans ses romans l'élégance de confier à la matière, aux ciels de mer comme aux trottoirs des villes, tous les discours de l'âme, [...] hors des seuls filets de l'introspection, et comme dissoute dans le coeur des fleurs". Et les mouvements de l'âme intuitive d'Aby Warburg ont engendré l'organisation par associations d'idées de la fameuse bibliothèque ; ses exégètes s'accordent à y voir du génie.


Tanguy Viel trouve les échos réconfortants de ses spéculations dans la littérature, non du côté des paquebots regardés "à distance, entre admiration et indifférence" (Hugo, Tolstoï), mais plutôt du côté des bateaux qui n'ont jamais navigué, ce qui touche justement, où l'absence d'oeuvre est à soi seule une aventure : "je me glisse si joyeusement et amicalement dans les circuits fragmentés de Valéry, de Perros, de Montaigne ou de Pétrarque" .

Cet ouvrage qui s'attache à "la difficulté aussi intime qu'infinie de négocier avec les puissances mentales" ne saurait faire l'impasse sur Montaigne qui, selon Viel, est peut-être le seul qui y soit parvenu. Nous le savons dompteur des mille cinq cents pages des essais, mais il a aussi "cette manière de se jouer de l'esprit en une pensée flottante et volatile, au point qu'on sente la phrase elle-même élargie à ses rêves, promesses et inaccomplissements divers, comme se tenant infiniment sur la ligne de son caprice et de sa nonchalance [...]".

Discret opuscule (121 pages format Minuit), "Icebergs" convie à une promenade confidentielle, fleurie de citations et bonnes pages, comme chuchotées, qui lui procurent une griffe.

Clôturons en donnant les mots de Christine de Pisan, qui offrent à ces dix textes un lignage distingué : "Considérant le monde tout plein de lacs périlleux et qu'il n'est qu'un seul bien qui est la voie de la vérité, je me tournai au chemin où ma propre nature incline, c'est à savoir l'amour de l'étude." ("Le chemin de longue étude" - 1402)
Lien : https://christianwery.blogsp..
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Des pensées. Sur la lecture, l'écriture, sur le fait de penser...
Intéressant. Mais pas forcément très facile d'accès.
Je préfère de beaucoup les fictions de Tanguy Viel...
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Dans Icebergs (2019), Tanguy Viel convie son lecteur dans une plaisante déambulation en forme d'essai, à la manière de Gracq ou de Valéry, navigant entre ses auteurs, lectures, citations ou idées préférées. On y croise, entre autres, Christine de Pisan, Descartes, Hegel, Amiel, Robert Shields (le recordman du journal intime, 6 fois plus prolixe qu'Amiel), la bibliothèque aléatoire d'Aby Warburg, Dante, le facteur Cheval, et Montaigne en sa tour. Un intéressant cabinet de curiosités littéraire, en même temps qu'une manière de mieux deviner l'auteur derrière ses fictions !
Plutôt q"Icebergs", titre un peu réfrigérant , "Archipels" aurait peut-être mieux décrit cette navigation sans périls dans une grande variété des mondes à découvrir.
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