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Marion Graf (Traducteur)Peter Utz (Éditeur scientifique)
EAN : 9782881824715
394 pages
Editions Zoé (26/02/2003)
4.21/5   21 notes
Résumé :
La bohème à Berlin au début du siècle, quelques succès suivis d'années d'errance, de solitude, de travail harassant dans les mansardes de Bienne et de Berne, puis vingt-six années d'internement, dont vingt-trois ans de silence littéraire, avant de mourir dans la neige un jour de Noël : le tragique destin de Robert Walser (1878-1956), à la fois choisi et subi, est mystérieusement relié à son œuvre, reconnue aujourd'hui comme l'une des plus importantes de la modernité... >Voir plus
Que lire après Le territoire du crayon : MicrogrammesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce recueil regroupe des "microgrammes" composé par Robert Walser dans les années 1920, ce qu'il appelait son territoire du crayon. Ils n'avaient pas pour fonction d'être publiés, ils ont été trouvés bien après la mort de l'écrivain, ils couvraient les marges et les interstices de papiers à lettre et d'enveloppes postales, des sortes d'esquisses, d'exercices d'écriture, d'étapes de travail pour un auteur qui, à l'époque, se voyait refuser ses projets d'édition et n'écrivait plus que des "feuilletons" pour des revues et des journaux.
Et cet ensemble de courtes proses est terriblement drôle. On ne se plie pas en quatre en se tenant les côtes, mais on a toujours le sourire. Robert Walser s'amuse, par un ton décalé, à peindre un narrateur (Robert Walser?) quelque peu étrange qui cherche à embrouiller son lecteur en passant sans logique apparente d'un sujet à un autre, n'hésitant pas à le laisser seul face à des récits incomplets ou en s'aventurant dans des longs discours volontairement incohérents (on pense souvent à la phrase proustienne).
Et si nous ne pouvons pas parler de poésie pure, ces textes dessinent un univers précieux et délicat, où la beauté transparaît dans chaque phrase, dans les sujets les plus triviaux. C'est peut-être ça la grande littérature, nous présenter la beauté comme une évidence.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
La contemplation du paysage
à la fenêtre me permet de noter
    
La contemplation du paysage à la fenêtre me permet de noter que ce qui fuit peut dépasser en grâce, en beauté, en noblesse, ce qui est fixé, ou qui résiste. En cet instant, par exemple, les arbres et les arbustes sont secoués par le vent pour la seule raison, immédiatement perceptible, qu’ils sont persévérants. Dans la mesure où ils se relâchent, par moments, le secouement peut naître. S’ils n’étaient pas enracinés, on ne pourrait pas parler d’un murmure de leur feuillage, et par conséquent, plus question de rien entendre. Qui dit entendre, dit murmure, qui dit murmure, dit remuement et qui dit remuement dit cette concrétude qui est plantée quelque part et qui prend son essor à partir d’un point précis. Les beaux nuages, fuyants, grandioses, sont sans attaches, et ne produisent de ce fait aucun secouement. Il y a des montagnes de nuées et des forteresses de nuages dont la pose rappelle presque la nonchalance des cygnes qui nagent ...
  
Dans un silence inaudible, la plus majestueuse des notions s’éloigne, soufflée par la bouche archaïque du vent. En attendant, l’immobile, le tenace, tout ce qui offre ou oppose une résistance à ce vivant, le palpable comme l’impalpable, tous sont là, semblant se connaître et se compléter de la plus exquise façon.
    
[Paysages, promenades]
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Notre époque hâtive, fébrile, accorde beaucoup trop de considération à ce qui est passé, et nous nous imaginons tous beaucoup trop vivement et trop rapidement que nous n’avons pas grand-chose à offrir. Ainsi, par exemple, je considère tous les salons comme sentimentaux, c’est-à-dire comme maladifs, au sens qu’ils regardent toujours en arrière, en direction de grandeurs passées. Qui en retire quoi que ce soit ? N’avons-nous donc tous que mépris à notre propre endroit ? Pourquoi n’avons-nous pas le courage de croire en l’époque dans laquelle nous vivons ? Tout ce que nous exhumons, béants d’admiration, chez les grands créateurs d’antan, il me semble que cela nous fait du tort. Et si maintenant notre époque était devenue plus petite, ne ferions-nous pas mieux de nous résoudre à ces choses minuscules ? J’ai l’impression que nous sommes devenus tellement littéraires parce que nous sommes aujourd’hui si ambitieux. Un ton spontané et sincère, une façon de s’exprimer originale nous fait peur. Tout geste original, nous sommes portés à le qualifier de fou. N’y-a-t-il pas là une faiblesse tout ce qu’il y a de plus douteuse ? Comment l’esprit, la vie sociale, pourraient-ils s’épanouir entre nous si nous opposons à notre talent, à nos forces, à notre goût, etc., une telle quantité de méfiance ? Et je parle ici de façon tout à fait générale, je parle de nous tous
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Je découvris un jour que cela me rendait nerveux de commencer par la plume ; pour me rassurer, je préférai avoir recours à la méthode du crayon, ce qui certes représentait un détour, une peine supplémentaire. Mais du moment que pour moi, en un sens, cette peine était un plaisir, il me sembla que par là, je recouvrais la santé. Chaque fois, un sourire de satisfaction naissait dans mon âme, quelque chose aussi comme un sourire d’autodérision intime à m’observer en train d’entourer mes gribouillages de tant de soin, de précaution. Entre autres, il me semblait que je pouvais travailler au crayon de manière plus rêveuse, plus calme, plus paisible, plus contemplative, je pensais que cette méthode de travail se transformerait en un singulier bonheur.
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Tous ces gens si extraordinairement lettrés sont entièrement dépourvus d'un rapport heureux au quotidien, ils sont absents, en un sens, ils vivent dans une rêverie continuelle, ils expriment des choses peut-être très vraies, très justes, mais qui, loin de leur servir à quoi que ce soit, ni à eux ni aux autres, leur nuisent au contraire, essentiellement, à eux et à notre temps, et du moment qu'il y a quelque chose d'aussi impuissant, d'aussi pitoyable qui est tapi comme une ombre auprès des gens de cette sorte, je n'aime pas les fréquenter, ils veulent entendre mon bavardage, et puis se sentir supérieur, ils veulent voir mon visage et se repaître de sa spontanéité, "n'est-ce pas", disent-ils alors, "il n'y comprend rien", mais c'est bien eux, qui n'y comprennent rien, et ils sont toujours à mener une guerre secrète contre ce qui vit là, et du moment qu'ils mènent cette guerre tout en jouant en public les pacifiques, les doux, les aimants et les débonnaires, ils sont divisés, déchirés, partagés, et se haïssent, ruminant sans cesse une haine dont les turpitudes ne leur laissent aucune trêve, ils n'osent être ni vertueux, ni vicieux, ils sont l'un et l'autre et aucun des deux, et peut-être en ces quelques lignes vous ai-je fait le portrait des meilleurs acteurs de notre époque actuelle, si flottante.
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Je dispose d’une vie intérieure riche, merveilleuse, que je puis ouvrir ou fermer à volonté, et grâce à laquelle je suis, à ce que je crois, capable de me mettre dans la meilleure humeur d’un instant à l’autre. (…) Oh, combien elles peuvent accabler, les libertés, combien elles peuvent peser, tandis que des contraintes, en un clin d’œil, peuvent nous rendre heureux, nous libérer. (Le Territoire du crayon, p. 44-45).
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Marion Graf présente le premier roman de Thilo Krause, "Presque étranger pourtant", qu'elle a traduit de l'allemand. Parution le 6 janvier 2022.
Un homme hanté par son enfance rentre au pays. Il y retrouve ses souvenirs intacts, les meilleurs comme les pires. Les allées de pommiers. le ciel immense. Les falaises de grès. Et Vito, l'ami d'enfance qui fut, dans un système asphyxiant, son compagnon d'apesanteur. Mais avec lui ressurgit le spectre de l'accident originel. Bientôt, la présence aimante de sa femme et de sa petite fille ne suffit plus à chasser le vertige. Des néo-nazis rôdent, une sourde menace plane, diffuse mais persistante. La nature échappe, se déchaîne. Quelle force pourra lever la chape de silence et d'hostilité ? le suspense subtil de ce roman place le lecteur au plus près du narrateur.
Thilo Krause est né à Dresde, en ex-Allemagne de l'Est, en 1977. Il est l'auteur de trois recueils de poèmes, tous primés. Presque étranger pourtant est son premier roman, lauréat du prix Robert Walser. Thilo Krause a l'art de traduire physiquement les émotions avec une précision et des images à couper le souffle.
https://editionszoe.ch/livre/presque-etranger-pourtant
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