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EAN : 9782864327455
143 pages
Verdier (09/01/2014)
3.77/5   84 notes
Résumé :
Dans un pays du Proche-Orient, un enfant et sa mère occupent une maison jaune juchée sur une colline. La guerre vient d’emporter le père. Mère et fils voudraient se blottir l’un contre l’autre, s’aimer et se le dire, mais tandis que l’une arpente la terrasse en ressassant ses souvenirs, l’autre, dans le grenier où elle a cru opportun de le cacher, se plonge dans des rêveries, des jeux et des divagations que lui permet seule la complicité amicale des mots.
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Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
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Un cri, un long , un très long cri le plus souvent silencieux.
Au Proche-Orient sûrement,Jean Charbel est un enfant de la guerre . Son père est mort tué par la milice adverse, le grand-père se meurt et sa mère, désespérée, arpente la terrasse , pieds nus la nuit, la cigarette à la main en chantant Marie Keyrouz. Jean lui est confiné, assigné à résidence dans le grenier de leur maison jaune au sommet de la colline. Fou de solitude , de chagrin , il s'invente un monde imaginaire peuplé de frères de soeurs , d'amoureuse, tout pour résister , ne pas voler en morceaux .Un monde chaleureux , fraternel, amical, un monde à qui parler . La guerre reprend , s'était-elle arrêtée ,?placé dans un orphelinat, il va bientôt quitter son pays et partir en Europe pour y être adopté .Il arrive chez Sophie et Manuele . Sophie qui ne le touche pas, qui s'efforce d'aimer cet enfant , qui cherche à sortir de sa dépression ,une seconde mère à qui Jean ne va pas tarder à accorder attention et affection.
Cette lecture m'a bouleversée .J'ai découvert le talent d'Antoine Wauters .L'écriture est superbe Ce texte souvent dur voir cruel.est , malgré la noirceur de certains passages , un chant d'amour et d'espoir . La poésie affleure à chaque ligne , on n'a qu'une seule envie lire ces mots à haute voix pour en entendre la musique .Vraiment Mr Wauters de la belle ouvrage de la très belle ouvrage
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«Enfant, quand je faisais référence à toi dans les histoires que j'inventais pour me tenir compagnie, je ne disais jamais maman, ni ma mère, mais bien plutôt nos mères. Comme si j'étais plusieurs enfants et toi plusieurs mères à la fois, et comme si tout ce que je souhaitais finalement c'était ça : diluer nos souffrances en fragmentant nos vies.»

C'est au Proche-Orient, sans doute au Liban, au milieu de la guerre. le père a été tué, le grand-père dépérit, et la mère fait ce qu'elle peut, pour vivre malgré cette perte, malgré le désespoir et le chaos. Pour protéger son fils Jean, pour pouvoir travailler, au loin dans la grande ville sur les bords de la Méditerranée, elle l'enferme au grenier, dans cette maison de village au sommet d'une montagne.

Alors l'enfant se parle et se raccroche aux mots, il s'invente une fratrie pour garder la raison, se dédouble en Charbel, en Moukhtar, Tarek, Pierre et Abdel Salam, cependant que sa mère le recouvre d'amour, de baisers, de folie et de nuit noire. Et l'enfant créateur, bien plus fort que l'adulte, imagine aussi Luc, une petite fille triste et magnifique, pour surmonter la douleur et partager l'amour.

«Nos mères ont des soucis terribles, le coeur brisé en deux parties de deuil, broyé, envolé dans les odeurs pistache propres à ce pays dont les habitants disent qu'il est le plus beau du monde, et la guerre n'y change rien. Elles ont le coeur perdu, nos mères, dans les odeurs de pain au sésame et au thym, dans les essences de rose et la fleur d'oranger, écrasé leur bon coeur, en bouillie, en tas, déclassé sous le balcon de couleur des maisons de la ville.»

Finalement l'enfant sortira du grenier, et la démultiplication de la mère deviendra réelle lorsqu'il partira en Europe, pour y être adopté.

«Nos mères» est un texte qu'on a envie de lire à voix haute, au-delà de barrières, devenues sans objet, entre roman, poésie et théâtre, pour entendre cette écriture radicale d'une force incroyable, son mouvement et ses voix qui affluent comme des vagues de mots. Et d'une mère à l'autre, Antoine Wauters arrive à transmettre l'indicible, l'obsession de la guerre, la dévastation intime et la force d'un enfant.
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Il arrive que des prix littéraires mettent en lumière des romans à côté desquels nous serions passés. C'est le cas de ce premier roman d'Antoine Wauters. Sans le Prix Première, ce roman n'aurait sans doute pas été largement distribué et je n'aurais sans doute pas eu envie de le lire.

Dans la première partie, nous découvrons Jean.
Solitaire, Jean s'invente une vie dans le grenier où sa mère le cache, dans un Liban en guerre. Son imaginaire nourrit le silence de jeux, d'amis et de tendresse. Une tendresse qu'il voudrait offrir à sa mère, veuve, seule elle aussi, mais que la pudeur retient.
Quand il arrive en Europe où il a été adopté, déboussolé, Jean met du temps à trouver sa place. D'autant que Sophie, sa mère adoptive célibataire, est fantasque et dépressive. Une nouvelle fois, il se réfugie dans l'imaginaire de ses silences. Peu à peu pourtant, Jean se reconstruit auprès de cette femme qui a besoin de lui autant qu'il a besoin d'elle et d'Alice, une jeune fille de son âge.
Les images de l'enfance peuplent encore nos vies d'adultes. Les senteurs, les sensations, les saveurs restent à jamais en nous, souvenirs infimes et nostalgiques d'une autre vie. Pour Jean, ce sont les saveurs de la cuisine orientale qui agacent ses papilles et la musique de Verdi et de Bach qui emplit sa mémoire de douceur. Il y puisse la lumière et la chaleur qui lui manquent désormais.
Alors son silence se peuple de mots. Ceux qu'Alice et lui s'échangent, et ceux que monsieur D., son professeur de français, lui fait découvrir. Des mots qui résonnent en lui comme des évidences. Des mots qui lui ouvrent de nouvelles perspectives.
Et c'est ainsi, qu'il raconte l'histoire de Sophie, l'aidant à affronter son enfance traumatisante.

Si les mères de ce roman sont lasses, absentes, dépressives, les hommes sont inexistants ou d'une rare violence. Certains culpabilisent mais aucun ne parvient finalement à remplir son rôle de parents. C'est par bribes et à l'aide d'une grande force de caractère que cet enfant trouvera en chacun, de quoi nourrir son besoin de reconnaissance et d'amour.

Un livre d'une rare intensité que l'écriture hachée et poétique d'Antoine Wauters exalte encore. Une histoire puissante qui ne se donne pas sans combattre, tant la lecture en est parfois ardue. Une densité qui ne la rend que plus belle.
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Beau roman d'un jeune auteur belge, qui est un long cri d'étouffement et de non-reconnaissance d'un fils envers sa mère biologique puis sa mère adoptive.

Jean est un jeune enfant vivant dans une zone de conflit au Moyen-Orient, sa mère tente de le protéger, après la mort du père, en l'enfermant à la maison et il s'invente des frères et une amie. Cette mère est tellement étouffante que le narrateur parle aux pluriel de 'nos mères', à moins que cela ne soit une volonté de généralisation. Sa mère l'envoie ensuite à l'orphelinat et il aboutira chez une mère adoptive chez nous.

Et là est le bémol sérieux de l'histoire, qui aurait pu sinon constituer un coup de coeur. L'auteur a choisi une mère adoptive totalement névrosée et empêtrée dans des problèmes psychologiques personnels, là où la seule adoption et à nouveau l'étouffement de certaines mères aurait suffi. Cela m'a paru excessif.

Mais l'écriture est très belle, le récit nous est jeté comme par un même souffle et il vaut mieux, si c'est possible, pour ne pas interrompre ce rythme, lire ce livre, bref, en une seule respiration.
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Attention chef d'oeuvre

Un petit garçon caché dans un grenier, quelque part dans un pays du Moyen Orient en guerre. Entre son grand-père qui se meurt dans la chambre du dessous et sa mère qui a perdu son mari et craint maintenant de perdre son fils, il faut continuer à vivre. Alors, l'enfant se remémore la caresse du khamsin sur la peau, la plantation de bananiers que l'on admire de la terrasse, les gâteaux au miel et au thym, … Et il s'invente des frères « tout le jour, tout le temps et plus encore si les souvenirs frappent à la porte avec leur voix scélérate de bourreaux aux mains sanguinolentes ».
Quelques mois plus tard, l'enfant arrive en Europe, adopté par une femme blessée par un père brutal, « tout le monde meurt quand il crie », et indifférent, parce que « c'est une fille, tout ce qu'elle fait ne compte pas ».
C'est un hommage à l'enfance, bafouée par la violence des guerres là-bas, par la violence des pères ici. C'est un hommage aux mères, « ces femmes qui se doutent que nous cachons mille choses au fond de nous, totalement dérobées à leur regard, dans une sorte de caisson fragile scellé par un cadenas ». Sans mièvrerie, sans sentimentalisme, « et nous les aimons et les haïssons et elles nous aiment, non elles nous adorent ». C'est un hommage aux mots, ces mots, qui «quand ils ne sont pas dits, nous tuent à petit feu. »
C'est un roman tendre et violent. Ecrit dans une langue sensuelle, magnifique. Déroutant au début mais on se laisse charmer après 20 pages …
Un grand écrivain est né. Dommage qu'on n'en ait pratiquement pas parlé dans les médias francophones, dommage que ce roman ne soit connu que dans notre petite Belgique francophone.
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Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
Voilà ce qu'elles disent. L'orphelinat. Un point c'est tout.
Et, disant ça, d'éviter soigneusement de regarder dans la direction des falaises, qui semble les attendre avec, à l'arrivée, quelque chose qu'elles doivent prendre pour les bras grands ouverts de papa et des promesses de retrouvailles. Oui, d'en détourner soigneusement la tête, de ces falaises pourries, de surtout ne pas montrer comme - PAN ! - comme elles les rejoindront dès après notre départ.
Mon enfant, mon amour.
Elles osent encore crier malgré tout ça.
Ma brebis, mon hibou, Jean.
Elles ont, sur la terrasse, des larmes sincères sous leurs pieds nus.
Mon amour, mon fardeau d'amour.
Elles font état de leur tristesse, de leur folie, de tout ça qui les mine aussi.
Jean, ma brebis.
Tout ça qu'elles font rouler à notre endroit, sur nous, sans le vouloir. Tout ça dont elles nous couvrent, brûlant nos coeurs.
Ma fleur. Mon carnage.
Vraiment, pense-t-on alors pour la toute première fois, ces femmes sont irrécupérables. Et plus elles parlent, plus on se dit qu'elles sont séparées en deux, carrément, avec d'un côté l'amour qu'elles ont pour nous et de l'autre, le désespoir.
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Par conséquence, plutôt que de parler des animaux tués dans des conflits humains, ou des cadavres offerts à la vermine et entassés sur le rebord des routes, en pile, en tas, sous un soleil de plomb, Charbel préfère parler de notre grotte, évoquer son climat et sourire tout doucement.
Mona, en revanche, préfère citer les espèces d'arbres les plus caractéristiques. Elle pense que dire les mots manguier, citronnier, bananier, voire même éventuellement abricotier, n'exclut pas de localiser un jour le bonheur.
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Vivre vite.
Dans ce pays c'est comme ça. Les voitures roulent vite, tellement d'ailleurs qu'on ne peut pas traverser les rues sans risquer de se faire couper en deux - ce qui ne nous empêchait pas, mais avant, de traverser quand même. Les gens parlent vite, de peur que le ciel et son lot de ferraille leur tombe sur la tête avant d'avoir rien eu le temps de dire. Vite, de nouveaux quartiers poussent. Vite, ils s'effondrent. Mais on mange lentement, des figues, de la purée de pois chiches et des dattes et du mloukhiyé et on en passe et des meilleures, on prend des forces pour le combat et pour l'éternité, on a beau dire, ça n'est pas rien.
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Mon enfant, mon amour.
Elles osent encore crier malgré tout ça
Ma brebis, mon hibou Jean
Elles ont, sur la terrasse, des larmes sincères sous leurs pieds nus.
Mon amour, mon fardeau d'amour.
Elles font état de leur tristesse de leur folie, de tout ça qui les mine et nous mine aussi
Jean, Ma brebis.
Tout ça qu'elles font rouler à nos endroit, sur nous, sans le vouloir. Tout ça, dont elles nous couvrent, brûlant nos cœurs.
Ma fleur. Mon carnage.
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Nous demeurons.Nous disons nous mordons, et nous mordons. Aveugles. Nos pieds nus caressés par les crocs de bêtes noires.Des araignées peut-être. Nous portons des pelisses, des gilets de fine laine, mais le plus souvent nous allons nus. Nos mères, elles nous aiment, c'est évident. Orteils nus sur la terrasse, face à la Méditerranée, elles racontent l'épisode de l'homme de leur vie mais entre leurs dents, tout bas, toujours entre leurs dents.
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Videos de Antoine Wauters (21) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Antoine Wauters
À l'occasion de la 25ème éditions des correspondances de Manosque, Antoine Wauters vous présente son ouvrage "Le plus court chemin" aux éditions Verdier. Rentrée littéraire automne 2023.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2887254/antoine-wauters-le-plus-court-chemin
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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