Il y a du style dans ces pages, une écriture rythmée, un vocabulaire choisi, un sens de la formule indéniable. Qu'il s'appuie sur des références historiques ou culturelles ou des expressions courantes plus prosaïques,
Weyergans sait transformer des termes et des idées connues par tous en manifestations personnalisées des états d'âmes de son narrateur. Mais il les utilise aussi pour enluminer les aléas de sa petite vie de descriptions joliment troussées et souvent amusantes : des décors urbains, des paysages industriels ou ruraux traversés par un train allemand ; des physionomies, féminines ou masculines ; des manifestations de mai 68, des journées mornes dans un bureau, des nuits d'amour, des matins de disputes, des errances, des livres et des librairies ou encore une amitié que l'homme solitaire tisse avec une allumette brûlée découverte sur le sol de sa cuisine. Et beaucoup de questionnements sur les décisions que devrait prendre ce séducteur sans envergure, balloté entre deux femmes, aussi exceptionnelles l'une que l'autre, aussi exceptionnelles qu'il est minable.
Les péripéties amoureuses dans lesquelles se noie (de son plein gré) ce personnage ne sont pas le point fort de ce livre (qui serait bien vide s'il n'y avait que cela).
Heureusement, il y a ce style vif et original, et une vision désuète d'une
France et d'une Allemagne des années 60 et 70, reconstituées dans les moindres détails, de la même manière qu'un homme amoureux et indécis reconstitue chaque ligne du corps, du rire, de la voix des femmes aimées et chaque millimètres des méandres de ses tergiversations.
Entre les femmes et les tergiversations, je vous laisse deviner qui aura le dessus.