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EAN : 9782373050899
Aux forges de Vulcain (28/08/2020)
3.84/5   70 notes
Résumé :
Willis est un Américain d'origine asiatique qui tente de percer à Hollywood. Dans un monde qui voit tout en noir et blanc, qui se pense comme un affrontement entre Noirs et Blancs, Willis a-t-il sa place ?

Mêlant le petit et le grand écran, la série policière, le film de kung-fu, la comédie romantique, le film de procès, Charles Yu nous offre un grand roman américain, émouvant, tendre et parfois amer, un récit d'odyssée personnelle et de conquête soc... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (37) Voir plus Ajouter une critique
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Lorsqu'on évoque le racisme aux Etats-Unis, on a tendance à voir les choses en noir et blanc, oubliant que d'autres peuples en ont été victimes, en l'occurence les Asiatiques, présents sur le territoire américain depuis la conquête de l'Ouest au XIXème, participant notamment à la construction des chemins de fer et des ponts, travaillant dans les mines pour des salaires de misère. Sujet longtemps peu évoqué en littérature, mais qui est apparu récemment avec des ouvrages forts comme le Sympathisant ( Viet Thanh Nguyen  ) ou de l'Or dans les collines ( C Pam Zhang ) ou encore Certaines n'avaient jamais vu la mer ( Julie Otsuka ).

Charles Yu choisit une approche inattendue pour traiter l'épineuse question de l'intégration des citoyens américains d'origine asiatique, frappés du syndrome du perpétuel étranger malgré des décennies sur le sol américain.
Son roman se présente sous la forme d'un script de scénario avec les titres des scènes, des dialogues avec les noms des personnages centrés, et écrit avec la police courrier qui ressemble à l'écriture d'une machine à écrire. Willis Wu, le « tu » du roman, veut réussir à Hollywood mais son parcours est ardu du fait des clichés qui entourent les Asiatiques.

Ce qui frappe d'emblée, c'est le ton humoristique décapant qui innerve tout le texte. A commencer par la série policière Noir & Blanc dans laquelle Willis joue comme figurant, parodie hilarante mettant en scène un duo de policiers, une Blanche et un Noir, cherchant à se séduire tout en résolvant des enquêtes stupides. Willis se rêve Mister King Fu ( Bruce Lee comme modèle ) mais il lui faut gravir les échelons : « Oriental à l'arrière-plan », puis « Asiat' mort », « Asiat' de service 3-2-1 » pour espérer peut-être devenir Guest star. Mais lorsqu'on a été tué dans une série, il faut attendre 45 jours avant de pouvoir tourner à nouveau …

On est très vite embarqué dans cette satire sardonique d'Hollywood même s'il faut s'accrocher tant la construction est,certes brillante, mais complexe. Jamais l'auteur ne rompt la forme du scénario. Au contraire, il parvient à la plier pour aller plus loin, intégrant la vie personnelle de Willis dans sa vie professionnelle. Willis l'acteur semble interagir directement avec le Willis fils, mari et père. Souvent, on ne sait plus où s'arrête la scène du monde du spectacle et celle de la vie réelle.

Une fois qu'on a intégré les rouages et la dynamique créée par ce double scénario, on goûte l'acuité de l'auteur à nous faire comprendre l'expérience que vivent les Asiatiques, exotisés et sous-représentés. Willis et sa famille ont intériorisé un sentiment d'infériorité par rapport aux Blancs mais aussi aux Afro-Américains qui eux ont connu l'esclavage et la ségrégation. le racisme à leur égard n'est pas une version diluée de ce qui arrive aux Noirs, il a ses propres dynamiques avec un impact différent sur les victimes.

Les plus beaux passages sont ceux consacrés aux parents de Willis, la mère qui a été « Jolie fleur d'Orient », le père désormais «  Vieil asiat' ». Leur histoire est racontée comme des quasi nouvelles incisées dans le scénario général. Eux aussi ont été piégés dans leur Chinatown intérieur, matérialisé dans le roman sous la forme de l'immeuble où vivent les immigrés, avec le restaurant Pavillon d'or qui sert aussi de décor à la série policière.

Le dernier acte , plein de panache, vise particulièrement juste avec son tribunal de l'Amérique qui juge Willis d'être devenu l' « Asiat » qui disparaît » lorsqu'il a essayé de se fondre dans le creuset américain. Coupable d'avoir voulu de faire partie de quelque chose qui n'a pas voulu de lui. Coupable de vouloir être traité comme américain et non d'être obligé de s'inventer un accent asiatique qu'il n'a pas pour être pris sur certains rôles. Coupable de jouer le rôle de l'asiat' de service, de le laisser le définir, de l'intégrer au point de rêver d'être un homme blanc.

Il est rare de lire un roman aussi incisif et inventif pour mettre en accusation les stéréotypes et lacérer la répétition des clichés qui fracture une vie. Exigeant mais vaut vraiment le coup.








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C'est l'histoire de Willis Wu et de sa famille américaine d'origine chinoise racontée à travers un scénario de série télévisée. Wu est coincé à Hollywood comme figurant dans le rôle d'homme asiatique, « Generic Asian man » , dans la série policière "Noir et Blanc", alors qu'il aspire à être mondialement célèbre en "Kung Fu Guy", symbole optimum du chinois qui a réussi chez les Blancs. Les parents Wu ayant été eux aussi toute une vie dans Hollywood-off, coincés dans des rôles d'asiatiques stéréotypés, imposés par les Blancs, la mère qui en a bavé et sait de quoi elle parle fait promettre à Willis de ne jamais devenir un " Kung Fu Guy", alors que pour lui c'est l'apothéose du succès, en est-elle vraiment ?

La structure narrative, donc ici un scénario de série télévisée, semble être au premier abord original, mais rend la lecture difficile. Dés le début il faut s'accrocher, mais après un moment on s'aperçoit que ça n'en vaut pas la peine, vu le contenu, mais on s'accroche quand même car la tentation d'abandonner le livre est très forte. On insiste uniquement pour comprendre pourquoi ce bouquin a gagné le prestigieux National Book Award 2020, pour finalement en arriver à la réflexion, Tout ça pour ça ? Un grand bazar où se mêlent "réalité" et fiction pour tout simplement raconter la difficulté d'être un immigrant chinois aux États Unis, le racisme des Blancs envers les Jaunes, l'Asiatique, l'américain ne faisant aucune. différence entre japonais, chinois, taïwanais, coréen ou vietnamien ....
Une histoire patchwork superficielle, que ni la prose fluide (v.o), ni l'humour n'arrivent à sauver. Quand à la forme dont je viens d'en dire tout le bien, j'y ajouterais que l'utilisation de la deuxième personne du singulier qu'emploie l'auteur pour Willis, rend le texte impersonnel et renforce sa superficialité . Pourtant il y a de bonnes idées, surtout lorsque Willis fait sa propre plaidoirie devant le juge et accepte le fait que se sentir inférieur au Blanc, aspirer à être Blanc ne lui facilite pas la tâche pour se défendre face au racisme du Blanc. Paradoxalement il voudrait être reconnu comme américain et non comme l'homme asiatique. Dommage car nier ses origines ou en avoir honte complique encore plus le problème d'identité et rend la personne plus fragile face au racisme.
Malheureusement je m'en rends compte une fois encore qu' entre moi et la Littérature chinoise même déguisée en américain, ça passe pas 😆! Un livre personnellement que je ne pourrais vraiment conseiller vu que je n'ai pas pris plaisir à sa lecture, mais si vous le receviez jamais comme cadeau de Noël, courage 😁!


Allen was Wu and Park and Kim and Nakamoto, and they were all Allen. Japan, China, Taiwan, Korea, Vietnam. Whatever. Anywhere over there. Slope. Jap. Nip. Chink. Towelhead. Whatever......Asian Man.
(Allen était Wu et Park et Kim et Nakamoto, et ils étaient tous Allen. Japon, Chine, Taïwan, Corée, Vietnam. Peu importe. N'importe où par là-bas. Slope.Jap.Nip.Chink.
Tête de serviette. Peu importe.....L'Asiatique.)
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Américain d'origine asiatique né à Taïwan, Willis tente désespérément de percer au cinéma et dans les séries télévisées. Tirant le diable par la queue, il fait de la figuration et cumule les petits rôles, dans l'espoir de devenir un jour la vedette de films de kung-fu. Il réalise peu à peu que ces rôles souvent insignifiants et toujours stéréotypés réservés aux « Asiats » par Hollywood ne sont que l'exact reflet de la place accordée aux « ni Noirs, ni Blancs » aux Etats-Unis.


Ecrivain mais aussi scénariste pour la télévision américaine, Charles Yu a choisi d'écrire ce livre à la manière d'un script, tutoyant le lecteur pour mieux le faire entrer dans le rôle du personnage asiatique, et confondant sans cesse fiction et réalité dans l'idée que l'image renvoyée par les productions audiovisuelles en dit long sur les représentations et les interactions sociales qui régissent le pays tout entier. Sous couvert d'un texte aux allures de farce souvent loufoque, l'auteur se livre en fait à une sorte d'analyse sociologique des films et séries produits par Hollywood, y retrouvant en condensé les modes de pensée, les rapports sociaux et les clichés raciaux qui prévalent ordinairement aux Etats-Unis. Il rappelle ainsi, qu'éclipsée par la forte et historique confrontation entre le « noir » et le « blanc » en Amérique du Nord, la discrète et calme communauté asiatique n'en souffre pas moins de préjugés d'autant plus pernicieux, qu'ils font partie d'un inconscient collectif intériorisé par les premiers concernés eux-mêmes.


Audacieux dans sa construction, brillant dans sa démonstration, ce livre plein de dérision est un véritable tour de force expérimental. Sa lecture n'en est toutefois pas vraiment une promenade de santé. Souvent sans repères dans ce texte labyrinthique où l'on ne sait plus où s'arrête la scène et où commence la ville, le lecteur devra accepter de se laisser déstabiliser et de voguer à vue dans un univers déstructuré aux apparences absurdes. J'en ressors admirative de l'exploit littéraire et de son intelligence, mais assez soulagée d'en être venue à bout.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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C'est grâce à l'acharnement des éditions Aux Forges de Vulcain que l'on connaît en France l'oeuvre de Charles Yu.
Et si ce nom ne vous dit rien, sachez qu'il nous a non seulement gratifié de deux excellents recueils de nouvelles (Pardon, S'il te plaît, Merci et Super-Héros de Troisième Division), d'un roman de science-fiction (Guide de survie pour le voyageur du temps amateur) mais qu'il est scénariste/producteur pour certaines des plus brillantes séries TV modernes telles que Westworld ou Legion.
Et pour cette rentrée littéraire, Charles Yu revient en langue française avec son second roman : Chinatown, Intérieur.

Le script de ta vie
Si deux éléments sont très importants avant de commencer à parler de Chinatown, Intérieur, c'est de rappeler que Charles Yu est un auteur américain d'origine Taïwanaise mais qu'il est aussi un scénariste qui connaît ainsi très bien l'envers du décor Hollywoodien et les subtilités des séries américaines.
[Alors, allons-y, moteur !]
Voici Willis Wu, un Asiat' comme un autre, une face de citron. Willis Wu rêve d'une seule chose : devenir Maître Kung-Fu. Mais avant cela, Willis doit gravir les échelons de la réussite à Chinatown : Asiat' Mort, Asiat' de Service n°3, Asiat' de Service n°2, Asiat' de Service n°1… Bref, ce n'est pas demain la veille qu'il va pouvoir rendre fier son père, vénérable maître Sifu et ex-star de Chinatown ou sa mère, Vieille Asiat' (Femme) dont la gloire et la beauté semblent avoir fané en même temps.
Willis a pourtant la chance de bosser dans une série incontournable : Noir et Blanc. Avec Green, l'inspectrice blanche avec une queue de cheval (car c'est plus sexy et plus viril à la fois, allez comprendre) et Turner, l'inspecteur noir un peu rentre-dedans. Bon, bien sûr, Willis n'est pas devant avec eux, il n'est même pas sur la banquette arrière de leur voiture de service mais plutôt là-bas, quelque part au fond, à gauche, dans la pénombre d'une ruelle en train de passer le balais.
Willis n'est qu'un Asiat' de Service après tout, parmi tant d'autres comme lui à Chinatown. Comment peut-il se faire une place entre Noir et Blanc ?
Comme il faut bien nourrir la famille, Willis et les autres Asiat' vivent au dessus d'un restaurant (asiatique, forcément) appelé le Pavillon d'Or. Et quand tu ne peux pas être une Incroyable Guest-Star ou un Maître Kung-Fu, ni même un Asiat' de Service n°3, alors tu peux faire la plonge ou être serveur au Pavillon d'Or. C'est déjà ça.
[Coupez !]
Ce monde bizarre, à mi-chemin entre le réel et la série TV, c'est l'idée principale de Charles Yu pour causer du sort des asiatiques (et l'on inclut ici pas mal d'ethnies, de Taïwan à la Chine en passant par le Japon et le Vietnam) dans une Amérique qui n'a fait de la place que pour Le Blanc et le Noir (enfin… #Teasing). Willis, c'est l'exemple de l'américain d'origine asiatique qui a grandit dans le monde où Bruce Lee était une icône, une légende, un Dieu vivant… qui était une illusion cruelle à l'arrivée pour tout un tas de raisons. Dans Chinatown, Intérieur, Charles Yu s'appuie sur les théories du sociologue canadien Erving Goffman qui envisage la vie sociale comme un théâtre avec des acteurs, des coulisses, une scène. Yu transpose cette théorie à un milieu qu'il connaît par coeur, celui de la série TV et d'Hollywood.
Le monde qui en résulte est un hybride où notre monde réel entre en collision et fusionne avec une série télé grandeur nature où les personnages sont aussi des acteurs et où les acteurs sont aussi des personnages.
En adoptant la forme d'un script télévisuel, Charles Yu fait le choix de l'audace narrative. le lecteur recompose le monde à l'aune de l'image culturelle et sociale renvoyée par Hollywood et revoit notre vie en mode cinéma avec tous les stéréotypes et les cases que cela implique, toutes les larmes, les rires, les tragédies, les morts et les amoureux d'une vie ou d'un jour qui se cachent derrière.
Pour capturer davantage son lecteur, Charles Yu décide de s'adresser à lui en « tu », une façon discrète, mais brillante, de casser le quatrième mur et de faire de son lecteur un acteur-lecteur, une contraction à l'image du monde qu'il a créé.
[Pause… bon, on y est ? Tu me suis ?
Tout le monde à sa place !]

Comprendre l'Amérique et l'Asiat' de Service
Chinatown, Intérieur adopte donc la forme d'un script. Mais pas que.
Dans les creux, tu vas trouver, toi lecteur impatient, des monologues et des histoires. Celle de Willis, bien sûr, mais aussi celle de Grand Frère, de Maitre Sifu ou de Dorothy, de gens qui ont des noms ou qui n'en ont pas, qui ont des rôles et qui n'en ont plus. Au milieu de tout ça, tu découvres la vie et les brimades d'un peuple qui, finalement, ne peut pas être Américain. Par la loi, par les clichés, par le racisme. La supercherie là-dedans, c'est que derrière Noir et Blanc, l'Asiat' touche systématiquement un plafond de verre qu'il ne peut pas briser. Même en étant père, on devient Papa Kung-Fu. Et si, par bonheur, on va un peu plus loin, on retombe dans un autre rôle de la société américaine : Monsieur Tout-Le-Monde.
Bien sûr, Monsieur Tout-Le-Monde doit être discret, il n'a plus l'accent de l'asiatique, ni sa couleur de peau (ou alors pas grand chose) ni son Chinatown empilé encore et encore sur la misère et l'oppression.
Le roman de Charles Yu pourrait ne parler que du racisme envers les américains d'origine asiatique mais non. Non, car même si Charles Yu nous fait vivre à Chinatown à hauteur de son personnage principal, il tient à vous montrer que le reste dehors, c'est miné de cases. le noir s'en sort-il vraiment mieux que l'Asiatique ? La femme blanche n'est-elle pas un autre cliché sur pattes ? Dans cette société du paraître, on ne sait plus vraiment si le cinéma a créé le monde ou si le monde a créé le cinéma. Prisonnier d'un univers régit par des rôles, tout le monde perd, tout le monde échoue à un moment ou un autre.
Chinatown, Intérieur comprend non seulement que le monde piège et enferme tout le monde dans diverses cases, mais il explique aussi qu'à force, même ceux qui sont dans des cases finissent par se convaincre qu'ils correspondent et doivent coller aux stéréotypes. C'est en refusant et en parvenant à retrouver qui l'on est que l'on devient enfin quelqu'un qui n'est pas défini par un rôle aliénant et culpabilisant.
Dans le fond, Charles Yu explique que l'on ne grade pas la souffrance et l'expérience, que l'humiliation et le racisme même sans esclavage même sans torture, c'est toujours du racisme et de l'humiliation.

Et puis…là…tu pleures !
Mais cette structure et ce message aussi fort et subtilement charpentés soit-ils permettent-ils vraiment autre chose qu'un exercice formel et politico-social ?
Charles Yu, avant de nous parler du racisme, de l'oppression de l'injustice et de tout ce qui ronge les asiatiques aux États-Unis, Charles Yu pense d'abord à ses personnages comme dans une bonne série ou dans un bon roman.
Comme dans une grande histoire américaine.
La force immense de Chinatown, Intérieur c'est de ne jamais négliger l'intime de ses personnages devant l'importance du message et de parvenir à fondre les deux en un.
Willis Wu devient un protagoniste d'une justesse exceptionnelle grâce à l'écriture enlevée et formidable de l'auteur américain.
Mieux encore, malgré l'absurde des situations, malgré l'horreur et la gravité de ce qui est décrit dans ces pages, Charles Yu arrive à être aussi drôle [Rires, Applause !!] que déchirant [Larmes, Cry me a river !!!].
La description minutieuse de la vie de Willis mais aussi de ceux qui l'entourent, les anonymes de Chinatown qui retrouvent un nom et une famille, les parents qui ont pour leur enfant le rêve autre chose que du Kung-Fu, la femme qui veut enfin quitter ce ghetto d'opérette, c'est cette description qui fait toute la différence et qui déchire littéralement le coeur du lecteur.
Car c'est une chose de discourir sur le racisme et c'en est une autre que de l'incarner dans le réel, avec les acteurs et les victimes, les seconds rôles et les complices.
Charles Yu fait tout ça, il fait passer du rire aux larmes, du kung-fu au premier rendez-vous, de Taïwan à Chinatown, des rêves d'un gamin à la conscience émouvante d'un père.

Chinatown, Intérieur est un chef d'oeuvre.
Que peut-on en dire de plus ?
Que c'est un grand roman américain sur l'Amérique et le fait d'être Asiatique en Amérique hier et aujourd'hui ?
Que c'est une audace narrative et formelle qui confine au génie ?
Que c'est un entrelacement d'histoires et de destins drôles et tragiques ?
On pourrait te le dire, mais si tu n'as pas déjà ouvert le livre alors, c'est que tu n'as pas du lire comme il faut !
Lien : https://justaword.fr/chinato..
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Willis , un américain d'origine asiatique qui tente de percer à Hollywood dans un monde qui voit tout en noir et blanc.


Un roman d'une très grande originalité tant dans le fond, l'impossible place des asiatiques dans la société américaine, que dans la forme, la réécriture d'un scénario de cinéma.

Une satire drôle et noire sur Hollywood qui fait parfois penser à certains films de Cronenberg ( Cosmopolis, “Maps to the Stars”) ou à la série Master of oe utilise la distanciation pour traiter la réalité quotidienne des Américains d'origine asiatique, qui ont souvent collés au corps cette impression de ne jamais etre totalement chez eux.

L'auteur a collaboré pour plusieurs séries Westworld ou Legion. et visiblement son roman est tiré de son expérience personnelle .

UN roman ludique brillant et vraiment singulier., OVNI- OLNI plutôt inclassable et sidérant
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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critiques presse (2)
LeSoir
28 décembre 2020
Ce « Chinatown, intérieur » est un plat aigre-doux. Drôle et accusateur à la fois. C’est le racisme américain envers les Asiatiques que Yu dénonce.
Lire la critique sur le site : LeSoir
LesInrocks
20 octobre 2020
Véritable condensé de l’humour destructeur de son auteur, le nouveau roman de l’Américain Charles Yu déconstruit les clichés qui collent à la communauté asiatique et les illusions du rêve américain.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (39) Voir plus Ajouter une citation
Parce qu’on n’a pas notre place. Pas dans cette histoire. Si quelqu’un dans la rue vous montrait ma photo, vous diriez quoi ? Ah ouais, un mec Asiat’, un type Asiat’, un Asiat’. Combien diraient : c’est un Américain ? Qu’est-ce qui fait qu’un Asiat’ est si difficile à intégrer ? (...)
Pourquoi n’a-t-il pas de rôle dans Noir et Blanc ? La vraie question c’est : qui a le droit d’être américain ? À quoi ressemble un Américain ? On se retrouve piégés dans des rôles de guest-stars au sein d’un petit ghetto dans un épisode spécial. Des personnages mineurs enfermés au cœur d’une histoire qui ne sait pas trop quoi faire de nous. Après deux siècles passés ici, pourquoi ne sommes-nous toujours pas des Américains ? Pourquoi est-ce qu’on se fait toujours virer de l’histoire ?
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C’est là que se trouve l’origine de tout, la véritable histoire du peuple jaune en Amérique : deux cents ans à être de perpétuels étrangers. (…)
On nous a parqués, maintenus à l’écart de tous les autres. Piégés à l’intérieur. Coupés de nos familles, de notre histoire. Alors, on s’est fabriqué un endroit : Chinatown. Un lieu de mémoire et d’auto-préservation. Donnez-leur ce qui leur plaît, ce qui les sécurise. Conformez-vous à leur idée de ce qu’on y trouve. Rien de menaçant. Chinatown, et le fait d’être chinois aussi, ça a toujours été, depuis le début, un artefact, une mise en scène de traits, de gestes, de culture et d’exotisme. Une invention, une réinvention, une stylisation. Comprendre le spectacle, y trouver notre place dans le décor, être le décor, des personnages muets. Comprendre ce qu’on a le droit de dire. Surtout, essayer de ne jamais, jamais froisser qui ce que soit. Regarder la société, comprendre le genre d’histoire qu’ils se racontent, et y trouver un petit rôle. Être attirant et acceptable, être ce qu’ils veulent voir.
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(…) tout mène à cela : une famille. Ils te ramènent à la maison en sortant de l’hôpital, et là tout s’accélère. C’est un montage des premiers moments, les étapes majeures et mineures : premiers pas, premiers mots, première nuit complète. Il y a quelques années dans la vie d’une famille où, si tout va bien, les parents ne sont plus seuls, ils sont en train d’élever leur propre compagnon. Le gamin qui les sortira de la solitude, et pendant ces quelques années, ils sortent effectivement de la solitude.
C’est un brouillard – dense, rauque, épuisant – des sentiments, des pensées sens dessus dessous qui forment des jours, puis des semestres. Le train-train, les premières fois, ça roule, plus ou moins, les nuits d’été la fenêtre ouverte, allongé sur les couvertures ; et les sombres matins d’automne quand personne n’a envie de sortir du lit ; on se prépare, on s’améliore ; on gagne, on perd, les jours où rien ne va, et puis, juste quand le chaos commence à prendre forme, n’a plus l’air d’une suite désordonnée d’urgences et de choses qu’on aurait pu mieux faire, le calendrier, les mois et les années, le fil des ans, tout s’empile jusqu’à ce que le tas se mette à faire sens, la douceur de tout ça, juste à ce moment-là, les premières fois se muent en dernières fois : dernière rentrée, dernière fois qu’il vient dans notre lit, dernière fois qu’on dort tous ensemble, tous les trois. Les souvenirs les plus importants se construisent juste sur l’espace de quelques années. Puis on passe les décennies suivantes à les revivre.
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Et puis un matin tu t’es réveillé et c’est terminé. Le rêve avait pris fin. Grand Frère n’était plus Mister Kung-Fu. Les détails sont restés secrets, la version officielle est simplement que ça n’a pas marché. Le résultat pour vous tous : plus de Mister Kung-Fu. Tout à coup, l’âge d’or de Grand Frère avait pris fin, sans tambour ni trompette, sans raison en fait. Officieusement, on comprenait. Il y avait un plafond de verre. Il y en a toujours eu un, et il y en aurait toujours un. Même pour lui. Même pour notre héros, il y avait des limites au rêve d’assimilation, des limites au-delà desquelles aucun d’entre nous ne pouvait prétendre aller dans le monde de Noir et Blanc.
C’était peut-être mieux ainsi. En tout cas pour lui, d’un point de vue personnel. Malgré tous ses succès, Grand Frère n’avait jamais semblé totalement à l’aise à sa place attitrée dans la hiérarchie, il n’avait jamais été vraiment à fond à la poursuite d’une carrière. Il ne se percevait pas comme Mister Kung-Fu. Et il n’avait pas tort. Son Kung-Fu était trop pur, trop parfait pour être exploité comme chacun savait qu’il le serait : des trucs clinquants, débiles, les mêmes mouvements vus des millions de fois mais qu’on lui redemandait encore et encore à chaque mariage et à chaque nouvel an lunaire. Mieux valait qu’il ne connaisse pas la gloire pour connaître la postérité. Mieux vaut être une légende qu’une star.
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Des fois que tu sois pas au courant leg vioques de la campaqne taiwanaise assurent grave au karaoké, et lorsqu'ils font du karaoké pour une bonne raison, celui qu'ils kiffent à mort, c'est John Denver.
Est-ce le rêve des grands espaces? Le mythe romantique de l'Ouest? Est-ce que tu prends conscience que ces petits Orientaux rigolos sont en fait américains depuis plus longtemps que toi? Qu'ils ont découvert sur ce pays des choses que tu n'as pas même encore comprises ? Si vous ne me croyez pas, allez faire un tour au karaoké du coin, un soir où il y a du monde. Attendez la troisième heure, quand les étudiantts et les serveuses de resto en ont fini avec les Backstreet Boys et Alicia Keys, et trouvez l'homme d'affaires asiatique d'âge mûr, qui attend patiemment son tour, un peu rougeaud à cause de la Crown ou de la bière japonaise, et quand il s'avance et entonne "Country Road", essayez de ne pas rire, ou d'échanger des clins d'oeil complices, ou de taper dans vos mains exprès trop fort, parce que d'ici à ce qu'il prononce les mots "West Viriginia, mountain mama", vous serez en train de l'accompagner, et d'ici à ce qu'il ait fini, vous aurez compris pourquoi un septuagénaire venu d'une île minuscule du détroit de Taiwan qui a passé les deux tiers de sa vie dans ce pays est capable de chanter cette chanson aussi bien, à la perfection : parce qu'elle parle de rentrer à la maison.
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Vidéo de Charles Yu
Le 24 novembre 2020, Gorian Delpâture, dans le cadre de l'émission Entrez Sans Frapper (RTBF) nous présente CHINATOWN, INTERIEUR" de Charles Yu, traduit par Aurélie Thiria-Meulemans aux éditions Aux forges de Vulcain, et lauréat du National Book Award 2020.
"De l'humour, de l'intelligence, qui méritait bien le National Book Award!"
Pour en savoir plus sur ce livre : https://www.auxforgesdevulcain.fr/collections/fiction/chinatown-interieur/
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