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Les Rougon-Macquart tome 20 sur 20

Jean-Louis Cabanès (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253161196
572 pages
Le Livre de Poche (03/11/2004)
3.96/5   643 notes
Résumé :
A Plassans, berceau provençal de sa famille, tandis que le Second Empire est tombé depuis deux ans, Pascal Rougon vit auprès de sa nièce Clotilde qu'il a élevée et qu'il adore. Ce sont moins ses patients qui l'occupent que ses recherches médicales, largement tournées vers l'hérédité, et l'histoire des Rougon-Macquart dont il a constitué l'arbre généalogique. Mais ces papiers, sa vieille mère voudrait les voir détruits pour qu'enfin disparaisse toute trace de la hont... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (68) Voir plus Ajouter une critique
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Et me voilà fermant le dernier tome des Rougon-Macquart, qui clôt magistralement la série. Durant ces vingt tomes, Zola a su dépeindre son "Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire" avec brio, minutie, précision et réalisme. D'ailleurs, dans ce dernier volet, c'est un peu s'il résume toute son oeuvre, nous la rappelle en tout cas. Et c'est par le biais de Pascal Rougon, dit le docteur Pascal, que Zola nous met une dernière fois face à celle-ci.

Car effectivement, Pascal, en plus d'être médecin, se passionne également pour la science, la vie, l'avenir, et notamment l'hérédité. Durant de longues années, il a pris sa famille comme objet d'études. Un à un, il a ajouté chacun des membres sur l'Arbre généalogique qu'il a établi, en y ajoutant toutes sortes de renseignements susceptibles d'y voir plus clair un jour (chacun d'entre eux a d'ailleurs un dossier à son nom). Sur cet Arbre : un tronc (origine de la défaillance), trois grosses branches et tout un tas de ramifications. Certains vivent, (beaucoup) d'autres ne sont plus. Et si beaucoup d'entre eux ont hérité de la "tare" de la famille, cette dernière s'est manifestée de bien des façons (ambitions et avidités, alcoolisme, névroses diverses, etc). Mais un petit nombre y a tout de même échappé. C'est d'ailleurs le cas de Pascal et de sa nièce Clotilde.

Clotilde qui, comme Jacques Lantier, a certainement été ajoutée sur l'Arbre sur le tard (en tout cas, j'ignorais son existence avant d'ouvrir ce roman), est en fait la fille de Saccard. Vous vous rappelez de Saccard ? Cet être ignominieux et sans-scrupule qui a poussé sa femme au suicide et tout son entourage à la ruine dans le seul but de devenir le plus riche ? Bref, Clotilde est la fille de Saccard donc, renvoyée avec son frère Maxime à Plassans au décès de leur mère. Placée à La Souleiade chez son oncle Pascal (Pascal est le frère de Saccard), elle est élevée et éduquée par ce dernier. Aujourd'hui, Clotilde est une jeune fille en âge de se marier, saine de corps et d'esprit. Et pourtant génétiquement parlant, c'était pas gagné... le milieu sain dans lequel elle a grandi a été un avantage pour elle, elle en prend d'ailleurs conscience au fil des pages : Saccard, en se débarrassant d'elle, a finalement fait une bonne action (il n'y a qu'à comparer avec Maxime, qu'il a repris avec lui quelques années après). Mais Clotilde, elle, est donc une jeune femme épanouie, qui aide Pascal dans ses travaux, en faisant office à la fois d'assistante et de secrétaire. Elle a pour cet oncle une véritable vénération. Et pourtant, au déplaisir de Félicité (mère de Pascal, grand-mère de Clotilde) et de Martine (servante un chouïa amoureuse de Pascal depuis trente ans), ce dernier a définitivement banni la religion de sa vie et salit quelque peu son nom de famille. Alors quand la relation de Pascal et Clotilde commence à changer de direction, quand en plus ils ne s'en cachent pas, Félicité n'a plus qu'une obsession : mettre un terme à cette relation et, par la même occasion, faire main basse sur les travaux de son fils qui pourraient compromettre le nom des Rougon s'ils étaient découverts...

On suit donc parallèlement, si on peut dire, deux intrigues : les travaux (susnommés) de Pascal d'un côté et la relation qu'il entretient avec Clotilde de l'autre. Alors oui je sais : il avoisine les 60 ans et elle n'a pas 25 ans, mais ne dit-on pas qu'il n'y a pas d'âge pour l'amour ? Il nous faudra juste faire abstraction du fait qu'il est son oncle et elle évidemment sa nièce. Mais on y arrive, car ils s'aiment, vraiment, sincèrement, et respectueusement. C'en est même touchant, tellement ils sont mignons.

Et par le biais de l'Arbre généalogique, on assiste en direct à la conclusion de Zola sur sa grande fresque familiale. J'ai d'ailleurs beaucoup apprécié les clins d'oeil, les petits récapitulatifs et rappels des tomes précédents. J'ai également grandement apprécié avoir eu des nouvelles de chacun des membres et savoir ce qu'ils sont devenus (pour ceux qui s'en étaient sortis vivants, cela s'entend).

"Le docteur Pascal" a donc à la fois un côté dramatique et romantique, un autre un peu plus scientifique, se mélangeant au fil des pages. J'ai adoré cet ultime roman : alors qu'il m'a été impossible de m'attacher à la plupart des Rougon-Macquart, je suis heureuse d'avoir terminé la série avec des personnages attachants, touchants, aussi bien désintéressés que sains d'esprit. Malgré la tournure des événements, présageant une fin dramatique comme l'auteur sait si bien les faire, je suis ravie de cette conclusion.

Tantôt odieusement détestables, tantôt touchants à souhait, dépeints dans des contextes et des cadres toujours très différents, réalistes, précis et/ou envoûtants, ils vont terriblement me manquer, ces Rougon-Macquart !
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Pour ce dernier tome de la saga, Zola nous ramène à Plassans, le coeur de la famille, là où les Rougon et les Macquart se sont rencontrés pour le pire et le meilleur. le docteur Pascal, a passé la relève à un collègue plus jeune et consacre son temps ses recherches scientifiques. En l'occurence, il expérimente sur ses patients l'injection de broyats artisanaux d'organes correspondant à la maladie. Ainsi l'un d'eux atteint d'ataxie se voit injecter des extraits de cervelle de mouton!

Mais l'autre passion de Pascal, c'est la généalogie et ce qu'il peut en déduire de lois sur l'hérédité. C'est ainsi qu'avec malice, en utilisant l'arbre généalogique de Pascal, Zola peut asseoir sa théorie et faire une synthèse de l'ensemble des dix-neuf romans précédents. On revient sur les destins plus ou moins tragiques des héros de chaque histoire, qui avait permis d'explorer différents milieux sociaux, dans l'ambiance survoltée du dix-neuvième siècle en pleine mutation.

Le Docteur Pascal, c'est aussi l'histoire d'amour passionnel qui l'unit la jeune Clotilde, sa nièce, recueillie dans ses premières années. La mère de Pascal se dit outrée par cette union contre nature, qui évoque la passion tragique de Serge Mouret. Mais est encore plus angoissée à l'idée que les documents écrits de Pascal ne viennent étaler sur la place publique les aspects embarrassants de l'histoire familiale.

Si chaque roman est en soi une source de documentation et un grand plaisir de lecture, lire l'ensemble de l'oeuvre, dans l'ordre, lui donne une autre dimension. Celle du témoignage d'une époque, à la fois sur le plan historique et social, à travers les destins multiples d'une famille protéiforme. On admire aussi le soin de l'auteur d'explorer différentes facettes de la société. Même si les théories de Zola sur l'hérédité font figure de légendes d'un autre âge, elles sont le reflet des tentatives d'une époque, pour apporter une explication aux données de l'observation.


Grand bonheur de lecture que cette oeuvre classique et indispensable, que l'on soit historien sociologue ou simplement lecteur.
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Je ne peux m'expliquer pourquoi les tomes des Rougon-Macquart se déroulant à Plassans me séduisent moins que les autres mais c'est ainsi. Et ainsi en est-il encore une fois avec "Le Docteur Pascal", ce vingtième et ultime volet de la saga titanesque que nous a léguée Emile Zola.

Ainsi c'est là la fin, l'issue de la belle épopée sociale d'une famille emblématique portant en elle autant de tares que de talents. L'auteur prend plaisir à expliquer sa démarche encyclopédique par le truchement du médecin de la famille ; le savant, le scientifique, le chercheur, le génie peut-être, celui qui observe, analyse et interprète chaque pion sur l'échiquier et qui, un peu poète quand même, brûle du désir de pouvoir anticiper la suite, de posséder le don de divination, à l'instar de ces confrères qui voudraient percer une fois bonne pour toutes le voile opaque qui couvre la vérité et dévoiler au monde son cortège de solutions, de soulagements, de guérissons.

Mais au-delà du panégyrique de son oeuvre, Zola plante également dans ce dernier tome la graine du futur, humanisée en l'enfant vigoureux de Pascal et de sa nièce Clotilde, un enfant présenté tour à tour comme un Rédempteur ou un Antéchrist, dans cette tenace incertitude qui soutient toute son oeuvre : l'homme apporte-t-il le bien ou le mal à la société qui l'accueille ?

J'ai commencé ce billet en expliquant que ce tome ne m'avait pas totalement séduite ; c'est parce que j'ai souvent tremblé, au détour d'un paragraphe, d'y retrouver toute l'emphase et tout le déplaisant lyrisme du "Rêve" ou de "La faute de l'abbé Mouret". J'apprécie Zola dans ce qu'il faut de mieux, c'est-à-dire dans le naturalisme ; j'appréhende ses ardeurs incontrôlables quand il se mêle de mysticisme et de poésie.


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À Plassans, le docteur Pascal Rougon a mené une vie heureuse, loin des ambitions de ses frères Eugène et Aristide. Entièrement dévoué à la médecine, à la recherche et à la science, il rêvait d'éradiquer la douleur et la maladie avec « l'espoir noble et fou de régénérer l'humanité. » (p. 57) À presque 60 ans, il se passionne pour ses travaux sur l'hérédité dont il appuie la démonstration sur sa propre famille, depuis l'ancêtre commune, Adélaïde dite Tante Dide, jusqu'aux derniers enfants en passant par tous les rejetons des deux branches Rougon et Macquart. « Il s'était trouvé conduit à prendre sa propre famille en exemple, frappé des cas typiques qu'il y constatait et qui venaient à l'appui des lois découvertes par lui. » (p. 28 & 29)

Quelque vingt années auparavant, le bon docteur Pascal a recueilli, Clotilde, fille du premier mariage de son frère Aristide. Patiemment et tendrement, il a élevé cette enfant librement, déterminé à la sauver de l'atavisme familial. La fillette a grandi et, devenue femme, elle s'est faite l'assistante dévouée du docteur, copiant des notes pour lui et illustrant ses recherches. Entre l'oncle et la nièce, l'harmonie serait complète si la seconde n'essayait pas de ramener le premier dans le giron de l'Église, aidée en cela par Martine, la bonne du docteur depuis des décennies. Mais rien y fait, Pascal est un athée convaincu dont la seule foi est la science. Son plus grand bonheur serait de convaincre sa nièce de l'importance de ses travaux. La lutte sera longue, mais fructueuse et l'adhésion de Clotilde à Pascal sera consommée quand chacun reconnaîtra dans l'autre l'unique objet de son affection, en se moquant bien des 35 ans qui les séparent.

L'Empire est tombé et la République triomphante étale ses ors en lieu et place des anciennes suprématies impériales. Superbe et inflexible, Félicité Rougon, la mère de Pascal garde l'attitude d'une impératrice déchue et est bien résolue à s'imposer une troisième fois dans Plassans. Mais avant cela, elle veut arracher à son fils tous ses travaux sur la famille Rougon-Macquart et faire disparaître toutes les preuves des ignominies familiales. « S'il venait à mourir et qu'on trouvât les affreuses choses qu'il y a là-dedans, nous serions tous déshonorés ! » (p. 28) Contrairement à son fils, Félicité n'a que faire de l'Arbre généalogique de la famille et ne souhaite que préserver l'honneur des Rougon, en souhaitant tout bas la mort de ses indignes représentants.

J'ai passionnément aimé cet ultime volume des Rougon-Macquart et me suis vraiment attachée à ce bon docteur Pascal, si proche d'Émile Zola dans sa façon de présenter l'hérédité. L'auteur place son dernier volume à Plassans, là où tout a commencé avec La fortune des Rougon. Émile Zola fait la somme de son oeuvre et convoque une dernière fois tous les membres de la famille qu'il a créée. Comment ne pas sentir l'infinie tendresse de l'auteur pour ses personnages, surtout pour ceux qu'il a le plus malmenés ? Quel apaisement de lire qu'il réserve un destin finalement heureux à Jean, si malheureux à la fin de la terre et de la débâcle ! Et quel espoir de refermer le dernier volume de cette somme littéraire sur le sourire d'un enfant, dernière bouture d'un arbre gigantesque et fabuleux !
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Cette histoire d'une famille sous le Second Empire se clôt en deux temps, un volume pour la fin de la période historique, La débâcle et un autre pour finir l'étude de la transmission génétique dans la famille, le docteur Pascal.
Pascal Rougon est un des enfants du couple Pierre Rougon-Félicité Puech. Mais loin de vouloir réussir à tout prix comme ses frères Eugène et Aristide, son goût le pousse à l'étude. Il a choisi de rester dans une petite ville de Provence où il peut vivre assez retiré. Tout en soignant quelques malades, il étudie l'hérédité et envoie des mémoires dans les milieux scientifiques où il est reconnu. Sa famille est un parfait sujet de recherches, il a accumulé des notes. C'est dire s'il y a une certaine identité entre ce personnage et son auteur. Ces travaux font le désespoir de Félicité qui ne veut aucune tache sur l'image familiale qu'elle a réussi à créer.
Par ailleurs le docteur Pascal a recueilli pour lui tenir compagnie et la soustraire à sa famille à fin d'étude sur l'influence du milieu, la fille de son frère Aristide, Clotilde. Celle-ci le révère, l'appelle « maitre », et bientôt arrive le presque inévitable, l'amour entre le vieil oncle et sa nièce. Chacun a noté que quelques années avant la publication de ce tome, Zola avait lui-même succombé à l'amour pour une femme beaucoup plus jeune. Si Zola s'était mis en scène en écrivain discret dans Pot-Bouille, ici il habite son personnage. Et lorsque je lis ce passage évoquant un rêve récurrent de Pascal, je m'interroge sur la façon dont Zola se voyait et vivait cet amour avec Jeanne Rozerot : « Lui était le vieux roi, et elle l'adorait, elle faisait ce miracle, avec ses vingt ans, de lui donner de sa jeunesse. Il sortait triomphant de ses bras, il avait retrouvé la foi, le courage en la vie. Dans une Bible du XVème siècle qu'il possédait, ornée de naïves gravures sur bois, une image surtout l'intéressait, le vieux roi David rentrant dans sa chambre, la main posée sur l'épaule nue d'Abisaïg, la jeune Sunamite. » D'autant que ce terme de vieux roi revient à plusieurs reprises dans le texte. Zola a, me semble-t-il, une conception du rôle de la femme conforme à celle de l'époque. Elle peut être le sel de la vie, mais elle existe pour soutenir, aimer l'homme et non pour elle-même.

Lorsque j'avais une première fois vers vingt ans, lu l'ensemble des Rougon-Macquart, j'avais par la suite retenu l'image de la combustion spontanée sans me souvenir d'ailleurs qui brûlait et dans quel tome. Si l'on trouve encore aujourd'hui des témoignages en faveur de ce phénomène, la description de Zola, avec une combustion totale, presque sans déchets, les dents elles-mêmes disparues, me paraît étonnamment naïve. Mais je trouve que cela fait partie du charme de cet auteur, ces contradictions, cette foi en la science.

Si Dieu me prête vie encore quelques décennies, il est tout à fait possible que je fasse une troisième lecture de cette étude d'une famille. Alors respect, Monsieur Zola, pour l'auteur et pour l'homme, imparfait bien sûr mais si touchant, si humain.

Challenge pavés 2014-2015
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Citations et extraits (266) Voir plus Ajouter une citation
Ah ! ces dossiers abominables, elle les voyait, la nuit, dans ses cauchemars, étaler en lettres de feu les histoires vraies, les tares physiologiques de la famille, tout cet envers de sa gloire qu'elle aurait voulu à jamais enfouir, avec les ancêtres déjà morts ! Elle savait comment le docteur avait eu l'idée de réunir ces documents, dès le début de ses grandes études sur l'hérédité, comment il s'était trouvé conduit à prendre sa propre famille en exemple, frappé des cas typiques qu'il y constatait et qui venaient à l'appui des lois découvertes par lui. N'était-ce pas un champ tout naturel d'observation, à portée de sa main, qu'il connaissait à fond ? Et, avec une belle carrure insoucieuse de savant, il accumulait sur les siens, depuis trente années, les renseignements les plus intimes, recueillant et classant tout, dressant cet Arbre généalogique des Rougon-Macquart, dont les volumineux dossiers n'étaient que le commentaire, bourré de preuves.
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- Prends-moi donc, puisque je me donne !
Ce ne fut pas une chute, la vie glorieuse les soulevait, ils s’appartinrent au milieu d’une allégresse. La grande chambre complice, avec son antique mobilier, s’en trouva comme emplie de lumière. Et il n’y avait plus ni peur, ni souffrances, ni scrupules : ils étaient libres, elle se donnait, en le sachant, en le voulant, et il acceptait le don souverain de son corps, ainsi qu’un bien inestimable que la force de son amour avait gagné. Le lieu, le temps, les âges avaient disparu. Il ne restait que l’immortelle nature, la passion qui possède et qui crée, le bonheur qui veut être. Elle, éblouie et délicieuse, n’eut que le doux cri de sa virginité perdue ; et lui, dans un sanglot de ravissement, l’étreignait toute, la remerciait, sans qu’elle pût comprendre, d’avoir refait de lui un homme.
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Et il triomphait, d'aplomb sur les reins, la face comme bouillie et flambante, d'un rouge ardent de brasier. Depuis longtemps, l'eau-de-vie ordinaire lui semblait de l'eau pure ; seul, le trois-six chatouillait encore son gosier durci ; il en buvait de tels coups, qu'il en restait plein, la chair baignée, imbibée ainsi qu'une éponge. L'alcool suintait de sa peau. Au moindre souffle, quand il parlait, une vapeur d'alcool s'exhalait de sa bouche.

[Trois-six = alcool de plus de 85°]
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- Ah ! reprit-il, en montrant encore d’un geste les dossiers, c’est un monde, une société et une civilisation, et la vie entière est là, avec ses manifestations bonnes et mauvaises, dans le feu et le travail de forge qui emporte tout… Oui, notre famille pourrait, aujourd’hui, suffire d’exemple à la science, dont l’espoir est de fixer un jour, mathématiquement, les lois des accidents nerveux et sanguins qui se déclarent dans une race, à la suite d’une première lésion organique, et qui déterminent, selon les milieux, chez chacun des individus de cette race, les sentiments, les désirs, les passions, toutes les manifestations humaines, naturelles et instinctives, dont les produits prennent les noms de vertus et de vices. Et elle est aussi un document d’histoire, elle raconte le second empire, du coup d’État à Sedan, car les nôtres sont partis du peuple, se sont répandus parmi toute la société contemporaine, ont envahi toutes les situations, emportés par le débordement des appétits, par cette impulsion essentiellement moderne, ce coup de fouet qui jette aux jouissances les basses classes, en marche à travers le corps social… Les origines, je te les ai dites : elles sont parties de Plassans ; et nous voici à Plassans encore, au point d’arrivée.
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« Pourtant, il doutait de l’atavisme, son opinion était, malgré un exemple singulier pris dans sa propre famille, que la ressemblance, au bout de deux ou trois générations, doit sombrer, en raison des accidents, des interventions, des mille combinaisons possibles. Il y avait donc là un perpétuel devenir, une transformation constante dans cet effort communiqué, cette puissance transmise, cet ébranlement qui souffle la vie à la matière et qui est toute la vie. Et des questions multiples se posaient. Existait-il un progrès physique et intellectuel à travers les âges ? Le cerveau, au contact des sciences grandissantes, s’amplifiait-il ? Pouvait-on espérer, à la longue, une plus grande somme de raison et de bonheur ?
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