Chronique de chacune des 3 nouvelles :
1e nouvelle : "Amok"
Haletant ! le rythme de la première des trois nouvelles de ce recueil : « Amok » est haletant ! Il m'a précipitée dans un maelström, dans un ouragan de sensations extrêmes, comme le héros, d'ailleurs ! Et je ne vous mens pas ! Je suis ressortie complètement « groggy » de cette lecture…
Le titre lui-même désigne un bouleversement total : un « amok » est un être qui se retrouve dans un état de folie, et même de folie meurtrière, il court, il court, il renverse tout sur son passage, il tue…Cela arrive souvent, en Malaisie. A cause du climat de touffeur épuisante, qui induit à un certain moment une rébellion du cerveau ? Peut-être.
Le héros, lui, en a fait les frais ! Il est médecin, et vit depuis de longs mois dans la campagne tropicale, entouré de « jaunes », comme il dit. Il n'a plus de contact avec la civilisation et en arrive à boire, à tomber en somnolence. C'est dans ce climat délétère qu'arrive une femme, blanche, riche, hautaine, autoritaire, qui lui demande, ou plutôt lui impose une prestation médicale. Mais jamais il ne voudra lui céder, parce qu'il veut la faire plier, et même supplier. Drôle de gars, n'est-ce pas ? Et drôle de femme, incapable de communiquer de façon simple et directe.
Ce refus entraîne une opposition totale chez la femme, qui s'en va en le rejetant, comme si elle lui lançait un anathème. Et notre médecin s'abîme dans la folie….Il devient un « amok ». Il se lance dans une course éperdue, pour son plus grand malheur…
Stefan Zweig m'a prise à la gorge, il n'a pas son pareil pour simuler à travers son style lui-même ce rythme trépidant et fatal. Et quand on croit que c'est fini, ça recommence !
Je me lance donc dans la lecture de la 2e nouvelle avec impatience !
Chronique de la 2e nouvelle : «
Lettre d'une inconnue »
Cette «
Lettre d'une inconnue » est la plus…connue et la plus appréciée des nouvelles de
Stefan Zweig, mais curieusement, je ne l'ai que moyennement aimée.
En effet, je n'ai pu ressentir qu'un malaise diffus, une sourde exaspération face à cette femme profondément asservie par amour à un homme superficiel, léger et irresponsable, qui vraisemblablement ne vit que pour lui-même et pour ses plaisirs.
Ici, c'est tout le contraire de « Amok », en cela que le rythme est très lent, répétitif, lancinant. Il est vrai qu'il sert le propos de la nouvelle, puisque c'est l'obsession de l'amour qui en est le thème. Cette femme ne pense qu'à cet homme, elle se donne à lui 2 fois en l'espace de 10 ans et il ne la « connaît » qu'au sens biblique du terme : nulle relation vraie, nul échange des coeurs…Tout se vit à sens unique.
Et cela, je ne parviens pas à l'admettre. Je ne parviens pas à accepter la résignation de la femme, son absolue abnégation et sa fidélité absurde.
Zweig probablement, aurait été satisfait de voir qu'une obscure lectrice du 21e siècle ait réagi ainsi. Son but est atteint ! de toute façon, il n'en aurait pas été autrement, avec une si grande connaissance de l'âme humaine et un style si limpide, si clair …
Dirigeons-nous maintenant vers la 3e et dernière nouvelle…
Chronique de la 3e nouvelle : «
La Ruelle au clair de lune »
Me voilà maintenant, la nuit tombée, dans une ruelle mal famée d'un port français, bordée de maisons closes et de cafés louches.
Cette ruelle silencieuse attire le narrateur par son côté paisible et ambigu. Je le suis dans une de ces maisons surmontée d'une lanterne rouge et croise un homme étrange, à la fois malheureux et haineux. C'est une femme qui l'a rendu ainsi !
Et curieusement, cela me fait penser à la 1e nouvelle, « Amok » : revoici une relation d'attirance et de rejet, une relation malsaine basée sur le désir d'asservissement de la femme, sous prétexte d'une forte fascination (mais ici, l'Amour est en jeu).
Et donc, ici, je suis sans hésitation
Stefan Zweig dans son exploration de l'âme et de ses bas-fonds. J'adhère complètement à ses descriptions subtiles et pénétrantes, autant de l'atmosphère que des pauvres êtres humains qui s'y débattent piteusement.
D'autant plus que la fin m'emporte vers des lieux inexplorés…
En conclusion, la perspicacité de Zweig, son art subtil pour peindre tous les remous, son sens inné du mot juste, reflet de mille nuances, son rythme qui colle à la vie, tout cela m'a enflammée et c'est consentante que je le suivrai dans d'autres lectures…