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EAN : 9782226243942
300 pages
Albin Michel (03/10/2012)
4.1/5   54 notes
Résumé :
Corine Sombrun rencontre Enkhetuya, chamane du peuple Tsataan, au nord de la Mongolie, à l'orée des années 2000. Cette femme à la personnalité exceptionnelle, qui vit encore dans un univers autarcique où, de génération en génération, on élève des rennes et on respecte les esprits de la nature, va lui transmettre un enseignement millénaire fait de rites et de cérémonies, gardiens de l'harmonie du monde.
Tout en évoquant l'enfance d'Enkhetuya, née en 1957 en pl... >Voir plus
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Entre 2001 et 2009, Corine Sombrun s'est rendue en Mongolie pendant plusieurs mois par an, pour recevoir d'Enkhetuya, chamane du peuple Tsataan, son initiation chamanique. Celle-ci a été relatée dans Mon Initiation chez les chamanes. Cet ouvrage-ci, par contre, consiste en la biographie d'Enkhetuya relatée par elle-même, depuis sa naissance en 1957, jusqu'à un voyage à Paris que l'auteure lui organise. En ce demi-siècle, à travers une trentaine d'épisodes biographiques emblématiques qui sont interprétés par leur protagoniste comme autant d'épiphanies des Esprits guidant sa vie, on apprend aussi les avatars du chamanisme en Mongolie, des persécutions communistes à sa dévitalisation néocapitaliste.
En effet, lorsqu'à l'âge de six ans Enkhetuya reçoit le premier signe de sa « vocation » chamanique sous forme d'une mélodie de prières qu'elle chante à tue-tête involontairement sans les avoir jamais entendues, la mémoire familiale est encore fraîche de l'assassinat d'un grand-père et d'un grand-oncle par le régime pour leur état de chamane, lors des purges des années 30 ; l'ambition de la fillette est de devenir un jour institutrice, d'aller s'instruire dans cette école qui est la première institution d'éradication des « croyances arriérées » et de promotion de la « modernité socialiste » : les différents signes de l'héritage de « l'étincelle chamanique », notamment son don de prémonition, apparaissent à toute la famille comme une véritable malédiction. L'abandon de la vie ancestrale d'élevage des rennes, pour l'internat dans l'école de village où son appartenance ethnique est stigmatisée, constitue une première expérience douloureuse, à laquelle fait suite l'apparition de symptômes très graves d'une pathologie dont elle ne guérira que par son initiation chamanique, qui se déroulera dans la clandestinité.
Les premières étapes de sa vie de jeune femme, son veuvage très précoce à l'âge de vingt ans, et surtout de chamane, sont toujours caractérisées par la peur de la délation des voisins, l'angoisse de ne pas satisfaire les objectifs de production du plan quant à l'importance du troupeau de rennes « confiés aux éleveurs », l'inquiétude d'encourir le courroux des Esprits par la négligence des rituels.
Et soudain, au début des années 90, c'est la fin du communisme, le pacte maléfique d'un lointain parent fonctionnaire qui propose à sa famille de se déplacer dans une région où le gouvernement souhaite promouvoir le tourisme étranger. Un tourisme qui, en une décennie à peine, se transforme de celui de quelques rares hurluberlus épris d'aventure qui ne demandent qu'à photographier des rennes en tourisme chamanique de masse, où l'on demande toujours plus, y compris des fausses cérémonies, l'achat de tambours et de robes chamaniques consacrés, et l'initiation du premier Occidental venu. Et, tout aussi rapidement, les Mongoles perdent leur innocence, leurs croyances, leurs pratiques, le respect des Esprits : Enkhetuya la première, parmi des chamanes qui, d'environ 30 ont atteint le nombre de 30.000 en dix ans, qui ont très vite appris la cupidité du capitalisme, qui ont su anticiper les désirs des étrangers porteurs de devises en leur construisant des villages touristiques, des centres de recherche sur le chamanisme... Dans les tipis, les téléphones portables ont été suspendus près de la viande séchée et des rubans sacrés, les panneaux photovoltaïques ont remplacé les seaux pour traire les rennes, on s'est mis à rêver d'émigration en Amérique et de jeeps rutilantes. Mais Enkhetuya, l'avisée femme d'affaires de succès, a aussi enduré un mari qui, devenu alcoolique car frustré par la déchéance de ses fonctions, lui a porté des coups, elle a élevé des enfants veules, incapables, déprimés, orphelins de leur culture, de leurs valeurs et refusant l'héritage chamanique. Dans son incompréhension d'avoir été abandonnée par les Esprits, il y a eu une étonnante résignation à opiner que : « Le progrès, c'est comme la pluie, on ne peut l'empêcher de tomber » (p. 320).
Si 70 ans de communisme, avec son lot de persécutions et d'exécutions, avec sa destruction des terres et des coutumes au nom de la modernité, ont paradoxalement permis la conservation souterraine du chamanisme, le libéralisme mondialisé, en 10 ans, a donné l'impression d'une renaissance, d'un épanouissement sans précédent de celui-ci, mais il l'a folklorisé, tout en détruisant en profondeur les gens et leur environnement naturel et culturel.
Dans ce récit, la rencontre avec Corine a aussi sa place dans le dernier tiers du livre, contact précoce avec une femme, étrangère dans son approche à l'apprentissage du chamanisme, et pourtant devenue familière et amie, la dernière de la famille à porter le deel, la robe traditionnelle, alliée familière donc, grâce à sa présence prolongée et justement à cette transmission rituelle : Corine qui, de Croïcroï au prénom imprononçable sera à la fin Tchitchic Ochkonoc, « Petit trou du cul » ! Une observatrice aussi perspicace que discrète et capable de s'abstenir de jugements : une anthropologue idéale qui suit son propre chemin de réflexion avec une lucidité admirable servie par une plume qui a perdu ses aspérités mais non son argutie splendide.
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Corinne Sombrun a rencontré Enkhetuya chamane de ce peuple Tsataan du nord de la Mongolie qui vit de génération en génération dans ce pays hostile en élevant des rennes.

Mais le collectivisme de l'URSS qui a obligé ce peuple à se sédentariser, a réussi à faire diminuer le nombre de rennes de manière dramatique et à obliger les Tsataans à émigrer vers les villes ou à survivre à peine en gardant leurs coutumes.

Enkhetuya raconte son enfance , vivant de manière traditionnelle avec ses parents, ses frères et soeurs dans l'urtz habitat de la famille, la découverte de son don, l'enseignement qu'elle a reçu en secret et qui fera d'elle un chaman puissant.

Survivre avec seulement une petite vingtaine de rennes devient impossible et Enkhetuya trouvera sa solution en accueillant le modernisme à sa façon.

Un livre qui apprend beaucoup sur ce mode de vie exceptionnel que notre mondialisation fait disparaître.

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Il s'agit du second ouvrage que je lis de cette auteure française. C'est un récit. Elle retrace la vie d'Enkhetuya de son enfance dans une Mongolie socialiste jusqu'à son ouverture à la modernité et la mondialisation. Dans les années 60 et 70, les anciennes traditions, le chamanisme sont persécutés. La narration permet de rendre compte de la discrimination dont sont victimes les nomades de Mongolie. Ils sont soumis à la sédentarité et au quotas de rennes. Enkhetuya est une femme chamane de l'ethnie des Tsaatans. Elle vit avec ses parents et sa fratrie dans une urtz en peau de renne. Elle quitte sa famille pour aller à l'école de la toute nouvelle République de Mongolie. Heureuse, elle déchante rapidement, témoin de la violence avec laquelle les traditions animistes sont combattues. Dans les années 70, La jeune femme est initiée secrètement au chamanisme. Cette transmission se poursuit aujourd'hui. Dans les années 80, la Mongolie s'est ouverte au monde et au tourisme. Ce tourisme n'a pas épargné la nature encore préservée. La steppe recouvre une grande partie du pays qui fait environ 3 fois la France.
J'ai découvert des termes spécifiques liés au chamanisme. L'ongod est un esprit que l'on appelle avec des chants accompagnés d'offrande et du son du tambour. « Partir au sel », c'est être passé de l'autre côté, être mort. Entre autre.
La lecture de ce récit dévoile aussi le déséquilibre entre un mode de vie ancestral et le mode de vie contemporain où la consommation à outrance et un tourisme non régulé exercent une pression sur la nature et la population. C'est une vraie prise de conscience.
Enkhetuya est le mentor de Corine Sombrun qui a été révélée Chaman lors d'un premier voyage en Mongolie.
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Nous entrons dans une famille ou la mère est chamane, la fille a également la racine chamanique et doit faire son apprentissage, durant la période soviétique ou le chamanisme est interdit. On suit l'histoire de cette famille, et de la Mongolie jusqu'au début du 21ème siècle; il y aura une transformation profonde des moeurs avec le changement politique et l'arrivée des touristes dans cette région, on part d'un mode de vie basée sur la transhumance à une utilisation maximum de la manne touristique. On commence le voyage avec des rennes, et on le termine avec des 4x4, avec des tambours pour le finir avec un radio cassette ou l'on écoute BAD.
Il y a aussi un intérêt réel et des observations scientifiques nouvelles pour étudier les modifications d'une pratique de la transe sur le cerveau.
La trame de cette histoire est tenue par une journaliste française qui a est entrée en transe en entendant le son d'un tambour et qui se formera à la pratique chamanique, avec son regard différent et ses propres questions.
Intéressant.
Merci pour cette approche.
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Après un passage aux États-Unis pour y faire la rencontre d'un descendant de Géronimo, Corine Sombrun revient avec un ouvrage sur le chamanisme mongol, centré sur la vie de celle qui l'a initiée à cette spiritualité, Enkhetuya, chamane du peuple Tsataan. A travers une trentaine de chapitres, cette dernière revient sur des épisodes de sa vie, de sa naissance dans un pays interdisant le chamanisme jusqu'au « tourisme spirituel » d'aujourd'hui.


Bien que régulièrement perdu dans un afflux de vocabulaire et de coutumes dont je ne suis pas familier, cette lecture fut enrichissante à la fois sur le peuple Tsataan, sur la Mongolie en général mais surtout ses croyances et traditions.
La vie d' Enkhetuya, qui a traversé de nombreuses crises, est à la fois passionnante et enrichissante tout comme l'est l'apport du témoignage de Corine Sombrun sur son intronisation (dans le dernier tiers de l'ouvrage).


Une belle escapade à la fois géographique et folklorique.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
J'effectuais un reportage en Mongolie pour la BBC quand le chamane Balgir m'a reconnue comme l'une des leurs. Il a alors confié mon apprentissage à Enkhetuya, une chamane de l'ethnie des Tsaatans.
Ce «peuple des rennes», originaire de la région de Touva en Sibérie et dont l'habitation est le tipi, a perpétué jusqu'au milieu du XXe siècle un mode de vie nomade remontant à l'âge du bronze. Sédentarisé en 1957 par le gouvernement de la République populaire mongole, il a été regroupé sur le site de Tsagaannuur, à la frontière nord-ouest de la Mongolie. Leurs rennes sont devenus la propriété de l'État et des quotas de productivité ont été imposés. En quelques années, les troupeaux, confinés dans des fermes, ont été décimés par les maladies. La plupart des Tsaatans ont dû renoncer à l'élevage et ont sombré dans l'alcoolisme. Face à ce constat, le gouvernement les a de nouveau autorisés à nomadiser dans la taïga. À la seule condition que leurs bêtes soient numérotées et les quotas d'élevage maintenus.
En 1992, après l'adoption d'une nouvelle Constitution et le retrait des troupes de l'ancienne Union soviétique de Mongolie, les rennes ont été restitués aux Tsaatans.
Enkhetuya vivait sur la rive ouest du lac Khovsgol, à cent quatre-vingt-quinze kilomètres au sud-ouest du lac Baïkal, quand je l'ai rencontrée en 2001. Les Tsaatans ne comptaient plus alors qu'une trentaine de familles, réparties de part et d'autre de la rivière Shishged. Une population et une culture en voie de disparition, m'avait-on dit. Mais j'étais loin d'imaginer qu'en seulement dix ans, j'allais être le témoin d'un effacement bien plus rapide que celui annoncé par les prévisions les plus pessimistes.
Avant que ce peuple des rennes ne disparaisse à jamais, il m'a donc semblé important de transmettre son quotidien, ses traditions et leur transformation. Conséquence d'une mondialisation qui allait bouleverser la mémoire et l'équilibre d'un mode de vie ancestral.
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Autrefois il accompagnait son père à la chasse à l'ours. Une proie de choix, devenue rare. Autant que les arbres autour du lac. Les rives se transformaient peu à peu en de vastes étendues d'herbes, parsemées de centaines de cadavres de troncs sciés à leur base. Il y avait bien longtemps que le bois mort avait été épuisé. Les forces vives de la forêt servaient désormais à fournir le combustible pour les camps de touristes. Pour chauffer l'eau des douches, des ger. Pour nourrir ces milliers de visiteurs.
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1. « Tous les matins la Française attendait, son cahier à la main. Tellement pressée d'apprendre. Mais un chamane n'avait rien d'autre à apprendre qu'à écouter son ongod guide. Lui seul pouvait lui montrer le chemin, à force de pratique, de voyages dans le Monde Noir et de rencontres avec les esprits. Tout ce qu'Enkhetuya pouvait lui enseigner était les rituels. Mais pas avant qu'elle ait son tambour et son costume, des protections absolument nécessaires. Son élève avait posé des dizaines de questions en les attendant. Elle-même n'avait jamais osé en poser à son maître. Il disait, elle exécutait, c'était comme ça. D'ailleurs elle n'avait pas de réponse à donner à Croïcroï. Sinon : Les esprits t'enseigneront. » (pp. 216-217)
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2. [Intertexte en italique daté : « Paris, octobre 2005 »] :
« Question : si l'accès à la transe est bien une capacité du cerveau, ne serions-nous pas tous "désignés", contrairement à ce qu'en dit la tradition mongole ? L'important alors ne serait plus de se demander si nous le sommes, mais de prendre conscience que nous le sommes. Et du chemin à parcourir pour retrouver cette part de l'humain que la société occidentale s'est obstinée à ignorer. Reste à le démontrer. Et je ne vois qu'une option. Confronter la transe au seul langage que les Occidentaux voudront bien entendre, celui de la science. » (p. 268)
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Comment éliminer si vite une tradition remontant à des centaines de générations? Elle-même l'avait hérité de son père et ses ancêtres chamanes se comptaient sur les doigts de cinq personnes réunies, tellement la lignée était longue. Elle avait réussi à le cacher. Mais son grand-père et son père , toujours sollicités malgré l'interdiction, avaient continué de faire des rituels. Jusqu'à ce que de "bons révolutionnaires" les dénoncent comme étant des böö, des hommes chamanes. La police était venue les arrêter. Ils avaient été exécutés quelques jours après.
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