. J'ai choisi ce livre de poche par son titre et sa première de couverture, sans oublier cette fameuse quatrième de couverture, cette porte ouverte souvent flatteuse, ce triptyque a su me conquérir facilement.
Sous le compost interroge, par le sens propre ou figuré de ce titre, sans y répondre, je m'invite à ce roman comme une balade dans la nature qui environne notre monde rural, arpentant les sentiers qui se perdent dans une végétation sauvage, une flânerie dans un terrain inconnu, c'est cette attraction qui anime ma curiosité littéraire dans cette lecture, disparaitre dans les fissures d'une écriture et d'une intrigue qui réveillent mes sens. Je ne connais pas du tout cet auteur français,
Nicolas Maleski, avec ce premier roman,
Sous le compost, finissant finaliste du prix RTL-Lire, il poursuivra par un second roman en 2020,
La Science de l'esquive, puis dernièrement en 2021, son troisième sous le titre
La Force décuplée des perdants.
L'histoire semble être banale, une satire conjugale moderne d'un couple perdu dans la campagne où la montagne domine le relief, cette famille fraichement installée dans cette ruralité sauvage, s'intègre facilement dans la simplicité de cette région, dans une dualité subsistante, celle de sa femme, vétérinaire dans une clinique, et de son mari s'occupant des trois jeunes filles, de son potager et gravitant avec deux ou trois autochtones ruraux. Franck et Gisèle sont un couple moderne, ils se sont connus très jeunes, pour fonder une famille très tôt, Franck est un écrivain qui se cache derrière la carrière de sa femme, il végète ce souvenir des mots, se laissant aspirer dans la valse des écrits pour ces filles, sa femme est happée par ce groupe vétérinaire, n'étant qu'associée à vingt pour cent, ces heures ne sont pas comptées, son mari lui en fait la réflexion dès le début, d'arrêter de travailler soixante-dix heures par semaine, le couple s'entend fort bien, une libido encore en éveil, comme ce coït brutal lorsque le couple s'éprend l'un de l'autre dans la fougue de la passion. Cette façon de vivre est un compromis qui ne gangrène pas la vie du couple, une légère liberté s'en dégage, Franck ruisselle dans le terroir avec son jardin, il a cette main verte qu'il a façonnée au fil du temps et de l'aide de son curieux voisin, Francis Condac souvent absent, presque misanthrope, étant un ancien scientifique, vivant dans ce capharnaüm constaté par certaines langues villageoises. La vie est un long fleuve tranquille pour cette famille, Gisèle a une notoriété avec la classe bourgeoise, en faveur de son statut sociale de vétérinaire et de sa relation avec ces associés de la clinique, se réunissant régulièrement, Franck est hermétique à ce clivage sociétal, il va sympathiser facilement avec la simplicité de la famille Fumard, de la « grosse" Christine et son marin Denis à l'humour graveleux, puis
Bruno et sa femme Malika, une amitié qui se façonne surtout entre les hommes, se retrouvant pour des balades sportives à vélo. Dans ce décor assez simple, une lettre va déséquilibrer cette vie, un corbeau va ouvrir la porte vers un nouvel horizon, Franck reçoit une lettre anonyme, dénonçant l'adultère de sa femme, sa réaction est d'un pragmatisme surréaliste, il accepte cette éventualité sans confrontation brutale avec sa femme, il flotte sur la vague de cette dénonciation, une calomnie qui doit trouver son auteur.
Ce que j'aime dans ce roman, c'est cet humour qui transpire, c'est une bouffée d'air pur qui gonfle mes poumons,
Nicolas Maleski, sous le personnage de Franck, nous invite dans un univers décalé sans contrainte, se moquant de lui par cette formule croustillante, « C'est difficile à admettre et les gens devaient se dire tout bas que Franck van Penitas s'y prenait vraiment comme un manche. », le roman est au style direct, le « je », simplifie l'écriture, j'ai aimé m'identifier à ce mari, homme au foyer, pratiquant « la micro-agriculture-vivrière-intensive », s'amusant de son inertie face à la situation, voguant au gré des autres et de leurs actions, n'aimant pas les soirées avec la haute sociétale du côté de sa femme, comme celle organisée par les Richard-Schmitt, s'ennuyant, ayant toujours un humour noir, voir sarcastique avec les hôtes, s'isolant de ces mondanités, étouffant de ces discussions stériles, un petit misanthrope de cette caste, même son style vestimentaire est hors code, Franck fuit la complexité abrutissante de cet univers, il aime au fond de lui la présence de ces nouveaux amis ceux avec qui, il boit des bières, il va en boite, il fait du vélo, il partage les douleurs passées et les aléas de la vie. Franck concentre en lui une forme de révolte envers notre monde où le clivage est ce prisme des différences.
Nous avons avec cette lettre, une trame qui se tisse comme une forme d'enquête policière, Franck tente de trouver l'auteur, ce corbeau arpente ces pensées et le paysage, il y a comme un prolongement entre ces oiseaux noirs et la lettre reçue, « Les corbeaux semblaient frappés de maladies mentales, bravant la mort pour becqueter des charognes, ou chancelant dans l'air comme des ivrognes. ». Franck est aspiré par des nouvelles pensées, une simple lettre bouscule les regards que l'on peut avoir sur les autres, Franck se trouble des femmes qui l'entourent pour avoir soudainement sur certaines celui d'un homme célibataire, s'ouvrant une voix vers le désir d'une autre, comme celles des femmes des associées de sa femme, il devient Don Juan malgré lui, osant charmer, juste pour évacuer l'idée d'être cocufié par l'un des associés de sa femme. La femme de Carlos Richard-Schmitt, Valérie, une femme qu'il n'avait jamais regardée, elle était insignifiante, un peu coconne, deviendra sa maitresse, comme une évidence sur un mal entendu, Valérie pensant que son mari et la femme de Franck avaient une relation extraconjugale, ayant mal compris un message écrit téléphonique entre eux, comme on dit souvent, nous voyons ce que l'on désire comprendre. Avec beaucoup d'humour
Nicolas Maleski, nous narre les tribulations sexuelles de Franck avec Valérie et aussi Nadjesda Guzman, la femme du troisième associé, qu'il va oser aller charmer dans son cabinet dentaire, juste peu de temps après la partie mondaine des Richard-Schmitt, qu'ils organisaient tous les ans pour des raisons obscurs qu'échappent à Franck, pour fêter l'arrivée de l'été, le début des vacances ou bien pour paraitre surement, Valérie brulant des cierges pour être sûr d'avoir du beau temps, c'est savoureux cette façon d'être, une femme qui n'aime pas la solitude, elle désire être aimée, elle est un peu coincée, une nunuche bourgeoise écrasée par sa fonction, habitant un quartier résidentiel, elle ressemble au rôle de Sabine Azéma dans le bonheur est dans le pré, un film français réalisé par Étienne Chatiliez.
Nicolas Maleski, dans ce roman, entrouvre une intrigue, bien ancrée dans le passé, celle de la petite Cindy Fumard disparue en allant au collège, jamais retrouvée, l'enquête piétinant pour la laisser disparue, son père Denis est marqué au fer rouge, ces années sans sa fille creusent un peu plus en lui une maladie qui sortira un jour , avec cet infarctus lors d'une sortie entre hommes en vélos. Sans être un roman policier,
Sous le compost est surtout une satire, sociétale et du couple, avec un soupçon d'intrigue policière, l'adultère est traité de façon légère, Franck trompe sa femme sans le désirer en soi, comme un malentendu, avec une facilité déconcertante. Avec Valérie, il usera du choc d'apprendre l'adultère de sa femme avec son mari Carlos, de sa bouche, pour lui faire des avances sexuelles, lui enlevant sa culotte pour ensuite vouloir la prendre sur la table de chez lui, elle refuse, mais par la suite, le cheminement faisant, elle succombera, devenant accro à Franck, l'appelant régulièrement, Franck va rejoindre régulièrement sa maitresse Valérie chez elle, pour se baigner nu dans sa piscine et écoutant ce moulin à parole qui ne cesse jamais, sauf pendant l'acte, on se demande pourquoi Franck aime cette situation, comme s'il aimait prendre sur revanche ces deux associés qui abusent de sa femme par le biais de cette clinique, même si Franck pense que sa femme couche vraiment avec Carlos, s'apercevant de trace suspecte sur les fesses de Gisèle lors d'un acte charnel, il a même cette réflexion qui me fait encore sourire, « Mais pourquoi avec lui plus qu'avec moi », cette histoire de fessée prendra une ampleur folle dans le cerveau de Franck. Comme avec Nadjesda Guzman, la dentiste, la charmant, la possédant, la désirant, elle sera cette petite cerise sur le gâteau, la friandise ultime, il aime sa femme, même après la deuxième lettre, son anniversaire surprise, le retour de ces trois filles parties en vacances ces grands-parents, Gisèle reste l'amour de sa vie, et petit à petit les lettres anonymes auront la réponse de la vérité comme celui du message écrit de Carlos pour Gisèle surpris par Valérie, l'annonçant à Franck, provoquant cet adultère stupide, mais amusant, je n'oublie pas la venue à l'improviste d'un ami de fac de Franck et Gisèle avec sa compagne du moment, Marc et Rhoda, lui un écrivain à succès d'une littérature malade, on pourrait presque croire à une caricature de notre
Beigbeder Frédéric, j'ai pensé à lui toute suite, un écrivain branché, cocaïnomane, qui fait partie de la jet set parisienne et d'une pensée consanguine biseauteuse, décrivant son milieu à travers ces romans, que j'ai lu bien sûr.
L'écho de Cindy Fumard tintera à la fin du roman, comme une révélation, le couple, Marc et Rhoda sera le catalyseur de cette chute, ces parasites stéréotypes parisien seront le vecteur du mal malgré eux, pour un final surprenant. Un roman qui pour ma part fut un moment de plaisir et de sourire, je vous le conseille pour un pur moment de détente.