Lecture jeune, n°120 -
Neil Gaiman est un auteur inclassable : il touche à tout (BD, album pour enfants, roman jeunesse, roman pour adultes) et ne s'assujettit à aucun genre. Son précédent roman,
American Gods (Au diable vauvert, 2001, LJ n° 105), les mélangeait allègrement. Il recommence, mais dans un tout autre esprit avec
Anansi boys, qu'il définit comme « une épopée magicohorrifico- thrillo-fantastico-romantico-familiale, même si cela exclut son côté polar et son aspect culinaire » ! Il est question de la famille tout au long du récit, et particulièrement du lien père-fils et du lien fraternel. le héros, Gros Charlie (c'est un surnom) est un être transparent, insipide. Il mène une vie fort banale en Angleterre, loin d'un père abhorré qu'il a fui. Il s'apprête à se fiancer, lorsque le décès de son père, et l'apparition quasi magique d'un frère dont il ignorait l'existence, bouleversent la donne. D'autant que son frère, qui s'avère être son sosie, est un grand séducteur et menace de lui ravir sa fiancée, son emploi et son logement ! Gros Charlie apprend que leur père était un dieu, le dieu Araignée, dont on trouve la trace dans les anciens récits africains, et que son frère Mygal a capté tout son héritage magique ! Ainsi se tisse un conte qui part dans tous les sens comme une toile d'araignée, et cependant cohérent, où l'on navigue constamment entre comédie de moeurs et drame, satire sociale et conte animalier, et plus encore entre réalité et surnaturel ! Une pléiade de personnages drôles et caricaturaux y prend place : un notaire escroc, une enquêtrice zélée, des vieilles dames un peu sorcières, une belle-mère abusive… Les catastrophes s'enchaînent et accablent Gros Charlie, mais le ton reste léger. L'auteur ne se prend aucunement au sérieux. Cette extravagance et cet humour décapant font toute la différence avec
American Gods. le seul point commun entre les deux romans consiste en la présence de divinités et l'utilisation de la mythologie. On pense aux « délires » de
Terry Pratchett, avec lequel
Neil Gaiman collabora au début des années 90. Toutefois ce dernier fait preuve d'une finesse qui lui est propre. Ce livre atypique et drôle devrait séduire un large public lycéen, plus encore que celui d'
American Gods. Marie-Françoise Brihaye