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Critiques de Alberto Moravia (264)
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Les Indifférents

Réunissons en quasi-huis clos cinq personnages : Leo, Mariagrazia, Carla, Michel et Lisa. Tissons entre ces personnages des liens officiels : Mariagrazia est l’amie proche de Lisa et l’amante de Leo tandis que Carla et Michel sont ses enfants. Emberlificotons-les dans des liens officieux qui sauront créer la discorde : Leo est attiré par Carla tandis que Lisa, l’ancienne maîtresse de Leo, essaie de mettre le grappin sur Michel. Entourons ce marivaudage de quiproquos qui sauront semer la discorde et laissons la naïve Mariagrazia s’imaginer que l’éloignement progressif de son Leo est une conséquence de la perfidie de son amie Lisa, et nous pourrons obtenir une image ressemblante du casse-tête que sont capables d’imaginer des Indifférents.





Mais au fait, tous ces personnages sont-ils vraiment indifférents ? Il semblerait plutôt qu’ils ne soient que deux et qu’il s’agisse des enfants de Mariagrazia : Carla et Michel. Lancés sur leur vingtaine, ceux-ci vivent encore aux crochets d’une mère fantasque et excentrique qui les domine et contrôle la plupart de leurs choix de vie. En résulte une certaine apathie, cause de leur indifférence, et une quête d’identité qui les poussera à mettre en jeu leur existence au petit bonheur la chance, le masochisme semblant être l’explication la plus pertinente de leurs choix aberrants. Toute la durée du livre est censée nous maintenir dans un suspense insoutenable jusqu’à ce que nous sachions si, oui ou non, Carla se forcera à coucher avec Leo et si, oui ou non, Michel réussira à surpasser son dégoût pour Lisa et à se mettre en couple avec elle. Malheureusement, même si l’on comprend les ressorts grossiers qui poussent ces jeunes personnages à l’autodestruction, il sera difficile de se passionner pour leurs intrigues amoureuses et de se prendre d’intérêt pour leurs failles psychologiques. La classe bourgeoise a ses problèmes, si dérisoires qu’ils n’intéressent même pas les autres bourgeois.





A la manière de Knut Hamsun, Alberto Moravia a créé des personnages qui se jettent d’eux-mêmes dans l’humiliation ou la douleur en y prenant une certaine forme de plaisir qui n’ose pas se revendiquer comme tel. Toutefois, à la différence de cet autre écrivain, Alberto Moravia n’induit aucune subtilité de réflexion et ne se distancie pas une seconde de ses personnages, transformant leurs petites embrouilles en tragédies.





« Mais ces visions ne le tourmentaient pas, n’éveillaient en lui nul sentiment. Il aurait aimé être tout autre : indigné, plein de rancune et de haine. Il souffrait de se retrouver à ce point indifférent. »





On comprend le désespoir d’un jeune homme si indifférent. Peut-être même a-t-on déjà connu cette insensibilité apparente. Pourtant, aucune compassion ni intérêt n’est possible. Alberto Moravia nous a transmis l’indifférence de ses personnages. On comprend que c’est embêtant, mais on ne va pas s’apitoyer…
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Le Mépris

Nous sommes quelque part en Italie; Molteni et Emilie forment un jeune couple, ils sont mariés depuis deux à peine, ils ont un avenir prometteur. Jusqu'au jour où le malheur arrive. Elle n'aime plus son mari, elle le méprise. Elle n'en sait pas vraiment la raison, elle ne se donnera plus à lui. Le château de carte s'écroule. Très bonnes descriptions des personnages et des caractères.

Jean-Luc Godard en a fait un film en 1963.
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La Désobéissance

La désobéissance, un roman de l'enfance aux sulfureux secrets ? Pas vraiment. Ce n'est pas le registre de Moravia. On est très loin des innocentes transgressions enfantines.

L'auteur commence et termine son récit par un voyage en train. Entre ces 2 trajets Luca, 15 ans, va vivre un long épisode de distanciation de la réalité. Il se convainc que le normal est abject. Rien que ça ! Sa résolution est sans faille. De façon délibérée il refuse -en ce sens il désobéit- la normalité. Luca cherche à se persuader et à nous prouver que son attitude est le fruit d'une décision réfléchie et parfaitement cohérente. On retrouve la démarche existentialiste avant l'heure. Allant crescendo, d'un vague malaise à la perte d'appétit de vivre, le dépouillement va conduire Luca à la maladie au délire. Il va jusqu'à tutoyer la mort.

Sa lente descente aux enfers est troublante et réussie. L'abandon par Luca de tout ce qui a constitué une enfance heureuse et choyée est douloureuse pour le lecteur. La société bourgeoise étriquée représentée par ses parents est présentée comme l'élément déclencheur.

Par deux fois dans cette spirale d'autodestruction il croisera deux femmes mures qui éveilleront, mystérieusement, son désir sexuel et un appétit de vivre. La première relation sera un acte manqué, la seconde, une infirmière obligeante, lui apportera la lumière dont il avait besoin.

Moravia excelle à évoquer le passé paisible, le bonheur serein passé et par opposition la cruauté et le nihilisme de l'acte de rupture actuel.

En revanche je reste un peu sur ma faim, moyennement convaincue par la résurrection soudaine liée à un rapport sexuel avec une infirmière. Le texte lui-même montre quelques faiblesses dans cette dernière partie, je pense à la symbolique plutôt facile de l'arbre.

C'est un roman de l'intime, de l'émancipation. C'est aussi avant tout un roman d'une personnalité profondément en souffrance.

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La Désobéissance

Un jeune homme rentre de vacances en train. Le voyage est long et ses parents décident du repas, sans lui demander son avis. A partir de là, le jeune homme sera habité d’une colère sourde et puissante. Peu à peu, il va découvrir petit à petit les raisons de cette colère. Et réaliser que ses parents ne sont pas des demi-dieux puissants et vénérables, mais des adultes tristement normaux.

Le héros va alors se rebeller contre ce que les autres, parents, amis et professeurs, attendent de lui. Son unique but sera alors de désobéir aux diktats sociaux et de se défaire de tout ce qui l’entrave dans sa quête morbide vers le détachement extrême, la liberté absolue.

Ce roman m’a fait étrangement penser à l’étranger de Camus, peut-être de par le détachement, ici progressif, du héros avec tout ce qui fait la vie, autant dans sa médiocrité, dans sa quotidienneté que dans sa beauté et sa grandeur.

Difficile de critiquer ce genre de livre qui traite de l’expérience de l’absurde. L’auteur écrit sur un ton dégagé, en pur observateur, presque clinique. Mais je trouve que si Moravia décrit très bien le décalage du héros et sa perte d’appétit de vivre, il excelle aussi dans son retour vers le plaisir de vivre.

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L'ennui

On ne s'ennuie jamais à lire Moravia. Ce roman se déploie à deux niveaux, conceptuel et érotique. Le niveau conceptuel, c'est une réflexion sur le rapport de l'homme avec la réalité, sur l'incommunicabilité et l'incomplétude, sur l'incapacité à posséder l'autre (ce que Moravia appelle l'ennui). Le niveau érotique se développe avec la métaphore de l'ennui, son symbole : c'est l'histoire d'amour.

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Agostino

Du jour au lendemain, Agostino va quitter son petit paradis originel comme nous l’avons tous quitté. Cet espace sécurisant et chaud où, protégés par notre mère, rien ne pouvait nous atteindre, nous l’avons tous laissé pour courir la grande aventure de la vie.

Et comme les yeux d’Adam et d’Eve se sont décillés à la rudesse du monde lorsqu’ils furent chassés du jardin d’Eden, nous n’arrêtons pas de nous effarer devant la brutalité et l’incohérente bêtise de nos existences sur terre.

C’est un apprentissage absurde qui a commencé ce jour de la grande rupture et que tente de décrire Alberto Moravia. C’est aussi la découverte que tous, loin de là, n’ont pas eu la chance d’apercevoir même la lisière de ce vert paradis.

Mais, c’est surtout l’écartèlement du désir et du devoir sur une âme au sortir de l’enfance. Désir qui cherche sans savoir vraiment comment à s’affranchir, à devenir autonome à se libérer de son seul sujet, sa mère.

C’est un court et beau récit à l’acuité psychologique très proustienne et qu’a mis en image autrefois Bolognini dans un film vu, il y a très longtemps et malheureusement oublié.
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L'Amour conjugal

Avec L'amour conjugal, Alberto Moravia nous offre une réflexion sur la création littéraire et la relation amoureuse, les deux thèmes étant traités en parallèle.



Silvio, le narrateur s'est isolé dans une villa de Toscane, avec sa femme Leda.

Silvio, critique littéraire, s'est donné pour ambition d'écrire une œuvre.

Malgré le cadre idyllique de la villa toscane, il ne trouve pas l'inspiration.

Partageant tout avec sa femme, ils se mettent d'accord pour cesser leurs ébats amoureux le temps de la création artistique.

Une période de chasteté nécessaire et qui a été profitable aux plus grands auteurs, selon Silvio. Leda accepte cette condition sans sourciller.

Si le couple semble heureux en apparence, cette abstinence va faire naître les soupçons de jalousie chez le narrateur.

Et Leda, même si elle semble feindre le contraire, ne peut réprimer son désir.

Elle va se livrer à un homme à la fois rustre et laid pour assouvir son appétence sexuelle.

Parallèlement, Silvio parvient à créer un roman et son projet aboutit, pour son plus grand plaisir.



Mais, sur le point de partager son plaisir avec sa femme, le temps de la désillusion le frappe de plein fouet.

En effet, il va découvrir l'infidélité de sa femme, aussi improbable cela lui peut-il lui paraître.

Et surtout, il s'attache à relire lui-même son œuvre pour la passer au filtre de la critique, comme il le fait au quotidien. Et le résultat n'est guère satisfaisant.



Que sait-on vraiment de la personne avec qui l'on partage sa vie ? La réponse est donnée à Silvio par Leda elle-même, lors de l'épilogue.
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Le Mépris

J'avais lu le livre de Moravia dans les années 60 et vu le film de Jean Luc Godard avec B.B, Michel Piccoli, Jack Palance et même Fritz Lang !

Je préparais une critique à son sujet quand j'ai découvert hier au soir sur France 5 la rediffusion de ce film qui a fait beaucoup parlé de lui !..Il faut dire que tous les "ingrédients " pour faire un succès étaient réunis : une île paradisiaque, la maison Malaparte, le soleil, le ciel bleu et la sublime musique de Delerue ! avec Godard, la nouvelle vague du ciné arrivait...et avec lui " Dieu ( re ) créa la femme " ! ! !

Mais pour en revenir au livre : Riccardo est un écrivain en mal d"inspiration qui, pour payer les traites d'un appartement qu'il partage avec sa femme Emilia va être obligé de participer en qualité de scénariste à un film " L'Odyssée ".

Riccardo est en crise car il ne supporte pas l'idée de son aliénation à la société de consommation, pas non plus celle de dépendre d'un Battista qui pour lui est un " primaire" inculte et argenté !

Il finit par accepter d'aller à Capri pour le tournage, mais comprend peu à peu qu'Emilia ne l'aime plus, il cherche en vain les motifs de ce désamour après 2 ans de vie commune et simple avec elle. Et, finalement après de nombreux questionnements , Emilia va lui avouer qu'elle le méprise !

Le séjour à Capri n'arrange rien d'autant quelle va se laisser séduire par le metteur en scène Battista !

Une comparaison s'établit entre l'attitude d'Ulysse et celle de Riccardo et, entre celle de Pénélope et d' Emilia..

Ulysse représente la civilisation, l'adaptation à la vie et Pénélope reste une " barbare" , une intuitive qui n'a pas la même culture, les mêmes valeurs que son époux....cet antagonisme semble être celui qui sépare Riccardo et Emilia mais en fait Moravia se sert de son héros pour nous révéler sa nostalgie, son désespoir d'avoir perdu sa jeunesse, son inspiration à une époque ou le cinéma devenait un art majeur, une époque ou l'aliénation aux biens de consommation faisaient loi et "ringardisait " les intellectuels, les obligeait à céder aux besoins d'une ère nouvelle !
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La Désobéissance

Récit assez prenant mais qui pâtit parfois de quelques longueurs. J'ai trouvé parfois une finesse dans l'analyse pyschologique des personnages qui rappelle Zweig. En revanche je ne comprends pas le choix de l'éditeur pour la dernière de couverture. L'extrait choisi fait parti des toutes dernières pages et laisse donc penser au lecteur au début d'une intrigue alors que s'en est la conclusion...
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Désidéria

Desideria est un roman atypique dans sa construction puisque Alberto Moravia affirme être l'interviewer. Il se nomme Moi, auquel Desideria raconte son histoire. Desideria se confie en expliquant qu'elle est guidée dans ses actions par une voix qui lui parle.

Dès cet instant le lecteur est en droit de se poser cette question :

Est-ce que Desideria est schizophrène ou bien, comme l'accusé aux assises, devant la monstruosité de ses crimes, invente-t-elle "Une voix" pour s'absoudre de ses agissements ?

Les deux postulat sont possible.

Alberto Moravia laisse planer le doute, mais j'aime aussi l'hypothèse que ce soit une position radicalement stoïcienne affirmant ainsi qu’il faut distinguer les choses qui dépendent de nous et les autres.

"La voix" prend la forme du tentateur (nous sommes en Italie où le catholicisme règne) qui incite Desideria à franchir le pas pour entrer en possession du désirable qui devrait la conduire à l'apaisement.

Mais c'est un leurre.

Le mouvement du désir ne trouve jamais de repos. La chose désirée une fois possédée n'a plus aucun attrait. Sans manque, le désir s’éteindrait et Desideria aussi.

Alberto Moravia va ainsi construire une fuite en avant vers la transgression de tous les tabous sexuels et moraux.

Le roman se termine par ces mots de Desideria qui s'adresse à L'auteur : " ton imagination m'a brûlée, consumée. Un jour je n'existerai plus, sinon dans ce que tu viens d'écrire, comme une empreinte, comme un personnage.

En effet le désir ne s’éteint qu’avec la mort.

Desideria est morte un 26 septembre 1990, en même temps qu'Alberto Moravia...
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Le Mépris

Avant de lire ce livre, je connaissais pas du tout l’histoire n’ayant pas vu le film, pourtant célèbre.

Ce livre, écrit en 1953, met en scène l’évolution d’un jeune couple Riccardo et Emilia, mariés depuis deux ans. Entre eux, les deux premières années furent idylliques, selon Ricardo, car c’est lui le seul narrateur.



On se sait pas ce que pense Emilia, et son avis n’est « audible » que par ce que Riccardo veut bien nous dire, déformé par un certain manque de réalisme (selon moi). Car le dénommé Riccardo, bien que passionnément amoureux d’Emilia, ne la comprend guère et n’est pas très psychologue. Pour lui faire plaisir, il achète un appartement et accepte un travail de scénariste bien payé, mettant sa carrière d’auteur de théâtre entre parenthèses. Riccardo essaie d’analyser le soudain éloignement d’Emilia, sa froideur…..

Sur un malentendu, les choses entre les jeunes gens (Riccardo a 27 ans, Emilia à peu près autant) se détériorent avec l’arrivée dans leur entourage de Battista, le metteur en scène du prochain film où Riccardo sera scénariste.



J’ai beaucoup aimé cette histoire entre Emilia et Riccardo, le parrallèle entre le film que Riccardo doit préparer (un film sur l’Odyssée d’Ulysse et ses relations conjugales avec Pénéloppe) et sa propre analyse de ses relations avec sa femme.

Un couple qui part à vau l’eau : manque de dialogues entre les deux concernés ? place du travail entre un homme qui prend un emploi qui ne lui plaît pas pour faire « plaisir » à sa femme ? inconsistance d’une jeune femme « peu cultivée » (c’est Riccardo qui le dit), ravissante mais ne réfléchissant pas beaucoup et qui finit par mépriser son mari ….? Tout cela et bien plus encore…..





https://lajumentverte.wordpress.com/2015/10/10/le-mepris-alberto-moravia/
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La Ciociara

Cesira est née à la campagne. Mais cette ciociara, cette paysanne, marche la tête haute. « J’ai toujours été fière et il m’en faut peu pour que le sang me monte à la tête. » (p. 7) Après son mariage, elle suit son époux à Rome et s’occupe avec lui de leur magasin. Voilà toute sa fierté : son petit commerce, la propreté de sa maison et la beauté de sa fille Rosetta. La belle Cesira devient veuve assez tôt, mais l’amour ne l’intéresse pas : elle se consacre exclusivement à sa fille. Hélas, la Seconde Guerre mondiale fait éclater le quotidien tranquille des deux femmes. Pour se mettre en sécurité, elles quittent Rome pour la campagne, ne sachant pas alors qu’elles vont tout perdre et même ce qui n’a pas de prix. « Nous étions comme ces montres arrêtées depuis longtemps qu’on n’en finit plus de remonter, car le ressort est tout à fait détendu et n’a plus la force de se remettre en mouvement. » (p. 306)



Les malheurs de la ciociara et de sa fille ne m’ont pas vraiment intéressée. C’est très certainement dû au style et à la narration : le récit fait par Cesira semble ininterrompu et se déroule au fil de ses pensées, ce qui en fait parfois un ensemble indigeste. Quant à lire un autre roman au sujet de la Seconde Guerre mondiale, celui-ci ne me marquera pas bien longtemps.

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La Désobéissance

C'est avec talent que Moravia nous dépeint la "psychologie" d'un adolescent qui se laisse aller au désespoir et à la mort...

Luca connaît la tension entre l'envie et le dégoût, dans laquelle la destruction l'emporte.

J'avoue que la fin m'a plutôt déçue... Après le renoncement total et la maladie, la guérison s'opère comme par enchantement, par la simple apparition d'une infirmière...

Heureusement, seules les dernières pages relatent un "sur-optimisme" assez peu crédible...
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Le Conformiste

Il Conformista


Traduction : Claude Poncet





Marcello est un enfant solitaire et intelligent, issu de l'union mal assortie d'un riche quinquagénaire et d'une jolie femme beaucoup trop superficielle et bien peu maternelle. Il n'a pas encore dix ans lorsque se pose pour lui, dans cette Italie pré-fasciste et sur laquelle pèse depuis des siècles la chape plombée de la Sainte Eglise Romaine & Apostolique, l'antique et éternelle question du Bien et du Mal


Comme nous tous, à un moment ou à un autre de notre âge tendre, quand nous cherchions nos repères, Marcello a envie de faire le mal pour le mal et même de tuer. Son problème, qui décidera de son existence tout entière aussi sûrement que les angoisses sexuelles de l'enfance et de l'adolescence peuvent décider d'une perversion fatidique de l'instinct de vie, c'est que, devant ses doutes et ses interrogations, il n'y a personne pour éclaircir les premiers et répondre aux secondes.


Marcello en conclut donc qu'il est foncièrement anormal - et mauvais - et qu'il est de son devoir, s'il veut survivre, de faire coïncider du mieux qu'il peut cet instinct de mort avec une vie de routine où faire le mal et tuer seront sanctifiés par les autorités en place.


Ce piège dans lequel il va s'enfermer sans en avoir conscience va se trouver renforcé par deux événements extérieurs :


1) la folie violente dans laquelle son père va sombrer


2) et le meurtre d'un chauffeur pédophile et prêtre défroqué, Lino, que Marcello se voit plus ou moins contraint d'accomplir.


Avec de telles références, Marcello est prêt à devenir un agent de renseignements impeccable, auquel, un jour, le gouvernement mussolinien confie une mission de confiance.


Ce qu'il y a de proprement admirable dans ce roman au style dense et hautement littéraire, c'est la réflexion à laquelle Moravia, pourtant très orienté à gauche, se livre sur tous les petits, tous les humbles, qui succombèrent aux attraits du fascisme.


Si Moravia ne les excuse évidemment pas, lui qui fut pourtant traqué par les agents du Duce ne les condamne pas pour autant. Avec la froideur voulue et l'habileté d'un très grand chirurgien, il dissèque au scalpel non pas un régime, pas même des individus bien précis comme Mussolini et son premier cercle de favoris, mais un peuple tout entier et, au-delà ce peuple - celui de Moravia - l'Humanité telle qu'en elle-même.


Un livre fascinant, tout à la fois pudique et cynique, une analyse unique de ce moment où, tous tant que nous sommes, nous sommes prêts à basculer dans le Mal et où, pourtant, certains trouvent la force de ne pas céder au vertige. Y a-t-il un facteur "chance" ? n'y en a-t-il pas ? Pour Marcello, en tous cas, le lecteur finit par penser que, quelque part, non, il n'a pas eu de chance ... ;o)
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Agostino



~ L'entre deux ~



Toute souffrance, comme toute joie, s’accroit & s’avive par l’attention qu’on lui donne.



Dans ce roman, la dévotion innocente d'un môme de treize ans pour sa mère cesse quand un homme entre dans la vie de cette dernière

De mère, brutalement, il l'a découvre femme. Agostino attend, patiente, espère retrouver sa maman. Une mère qui n'avait jusque là d'yeux que pour lui. Une mère qui se trouve être ce centre vers lequel il tend sans cesse.

Seulement, la révélation est tant violente & silencieuse, qu'il s'en détourne en entamant un parcours initiatique abrupt auprès d'une bande d'enfants croisé à la mer, pour qui le sexe, le vol, la violence & la pauvreté sont une réalité quotidienne.

Avec eux, il se confronte au clivage social & découvre la sexualité, fuyant ce mal-être causé par la difficulté du passage à l'âge adulte.



Une écriture puissante où l'évolution des choses en cet âge sont bien décrites & analysées, puis il y a la plage, la chaleur, le soleil assourdissant & la retenue typique des romans d’après guerre, assurément, incomparable face à la subtilité & l’envergure du « Mépris », mais un ouvrage empreint du charme de cette classe d’écrivains influents, dont Moravia fait partie !



Cela me laisse songeuse, finalement peu importe sa nature, peu importe l'âge, la perte foudroie, même quand on la voit venir, même quand elle est prévue. Ce n’est jamais un aboutissement, c’est toujours une chute, la précipitation d’une réalité vers une autre. Et combien même ce nouveau monde soit meilleur, la tristesse exige son dû. Et la solitude n'est souvent que le parfum de l'autre.

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Le Mépris

Le Mépris me fait penser avant tout au film de Jean-Luc Godard avec Brigitte Bardot, film ayant eu un succès retentissant. J’avais 17 ans lorsque je l’ai vu. L’histoire à proprement parler, ne m’a pas laissé de souvenir.



Dans « Le Mépris » version livre, je trouve le style de l’auteur confus. Pour le comprendre, j’ai été voir ce qu’il a écrit d’autres et constate que le sexe et les relations homme femme, sous différents aspects, prennent une place importante.



Il est question de la relation de couple Richard Emilie. Je remarque dans le texte que Richard ressent un malaise dans son couple et qu’à de multiples reprises, il dit à Emilie : « Il faut qu’on se parle », et Emilie renvoie toujours cette entrevue à plus tard. Elle reste évasive quant aux raisons. Pourtant on sent que Richard cherche à dénouer les nœuds de la situation. Il cherche à faire plaisir à son épouse, bien qu’il la trompe avec la secrétaire qui doit dactylographie son projet de scénariste. Mais en fait, Emilie ne trompe-t-elle pas Richard ?



Le producteur Rheingold, soumet à Richard le projet d’un film qui s’inspire de l’Odyssée d’Homère ou Ulysse après la guerre de Troie met dix ans pour retrouver son épouse Pénélope.



La discussion entre producteur et scénariste dénature le beau récit d’Homère, ce qui ne me plait pas, tant j’affectionne l’Odyssée. Le producteur cherche une transposition du couple Richard Emilie ou Emilie méprise Richard alors que Penelope aime Ulysse et est reconnue comme épouse fidèle.



Je n’ai pu adhérer à l’état d’esprit d’Alberto Moravia tout au long de ma lecture.



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Histoires de guerre et d'intimité

La Feuille Volante n° 1257

Histoires de guerre et d'intimité – Alberto Moravia – Flammarion.

Traduit de l'italien par Simone Casini et Francesca qui en ont également établi l'édition.



Ce que j'aime chez Moravia, outre son style fluide et agréable à lire, ce qui est toujours un plaisir, c'est l'observation des choses de la vie et l'analyse pertinente qu'il en fait. Ces nouvelles, écrites par l'auteur entre 1928 et 1951 en sont une preuve supplémentaire et nous concernent tous. Elle sont, selon les éditeurs, des « Nouvelles dispersées » dont beaucoup avaient déjà été publiées dans la presse avant de l'être sous forme de recueil.

Dans une vie où tout est terne, n'avons nous pas, n'avons nous pas la tentation d'avoir recours à notre imagination pour lui donner plus d'éclat ? Même si le résultat est bien souvent nul ! L'auteur excelle dans l'évocation qu'il fait des relations amoureuses, l'analyse de la faute, de l'adultère qu'on commence par regretter quand il est découvert, qu'on justifie ensuite pour se donner bonne conscience avec la volupté d'être en tort, coupable d'avoir transgresser un interdit, au point qu'on se promet de renouveler l'expérience à la première occasion, le moment d'orage passé. Les relations intimes entre les hommes et les femmes l'intéressent donc plus particulièrement. Elles sont faites d'amour, de sexe, d'érotisme mais aussi de silences, de non-dits, de mensonges, de trahisons, d'adultères. Il les analyse avec l’œil aiguisé d'un observateur de la condition humaine qu'il porte spécialement sur les femmes à cause peut-être du fait qu'une littérature complaisante les a longtemps parées de la vertu artificielle que confère le rôle de donner la vie et d'être le garant de la stabilité de la famille, le rôle de l'infidélité étant traditionnellement réservé aux hommes. Il y a sans doute quelque plaisir à tromper ceux qui sont autour de nous et qui nous font confiance et personne ne peut raisonnablement jurer qu'on n'en sera pas capable parce qu'ainsi on aura l'impression d'être différent, peut-être plus malin, plus désirable que le commun des mortels et on se sent autorisé à prendre ce genre de liberté en jetant par dessus les moulins l'amour qu'on vous porte.

Un peu selon son habitude Moravia met en scène des décors et des personnages bourgeois avec des femmes qu'il aime à présenter comme belles, sensuelles et parfois érotiques, ce qui, dit-on lui coûtât un prix Nobel pourtant largement mérité.

Ce recueil cède aussi à la réalité, celle que l'auteur a vécu pendant cette période de guerre où il dût, pour échapper au fascisme, parce qu'ils était un opposant à ce régime mais aussi parce qu'il était juif, se réfugier dans les montagnes près de Naples, avec son épouse. Ce fut une période de neuf mois où il mena une vie rustique, dépouillée, parmi les paysans, dans la crainte des Allemands qui se battaient avec un certain désespoir et les Alliés attendus impatiemment. Là il abandonne la fiction pour évoquer cette période mouvementée où il est plus question de la peur de mourir, de la faim, des bombardements… Il n'oublie pas son traditionnel regard critique porté sur l'espèce humaine, capable du pire comme du meilleur, mais surtout du pire avec hypocrisies, mensonges et fourberies parce que ce genre de période où la vie est en jeu réveille des valeurs parfois enfouies de solidarité, d'hospitalité mais aussi de recherche du profit, de trahison ou pire encore. Il y a chez lui une manière d'angoisse existentielle, de pessimisme que n'auraient pas désavoué Sartes et Camus, une sorte d'ennui de vivre mais aussi, peut-être en réaction et illustration à celle-ci, un univers créatif fait de manipulations, de perversions, de voyeurisme.



Je suis assez partagé après cette lecture qui me laisse une impression inégale. Certes, comme je l'ai déjà dit dans cette chronique, sélectionner des nouvelles pour en faire un recueil est une chose difficile et délicate mais, à titre personnel, lire Moravia correspond toujours à un bon moment .



© Hervé-Lionel – Juin 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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Le Mépris

"Et mes fesses, tu les aimes mes fesses ?" Voilà en peu de mots un peu près tout ce que je connaissais du Mépris avant cette lecture. Je n’ai même pas vu le film, je l’avoue sans problème, mais cette réplique a tellement été diffusée, détournée et tout ce que vous voulez qu’on ne peut pas passer à côté.

Je suppose que Michel Piccoli répond “oui” à la question de Brigitte Bardot, l’histoire ne le dit pas mais le contraire serait étonnant.

J’ai fini par me décider à lire ce petit bouquin attrapé il y a fort longtemps via le bookcrossing et autant cracher ma valda tout de suite : je n’ai pas été charmée. Du tout. Je savais que de toutes manières ça allait être difficile de passer après ma précédente lecture (qui envoyait du bois c’est le moins qu’on puisse dire) du coup j’ai pensé que changer résolument de genre, de pays, d’époque et de style allait m’aider à passer le cap. Échec du plan.



Premièrement, tous les personnages de ce roman m’ont agacée. Et souvent, quand je n’aime personne, je n’aime pas le livre. C’est comme ça. On a tous envie de les secouer là dedans, c’est pas possible franchement ! Riccardo, un mou du genoux long à la comprenette en prime. Emilia la desperate housewife un peu quiche, un peu cucul, pas très loin encore des jupes de sa mère. Et pour finir Battista le cliché du gros beauf, riche et libidineux. Yeah, et voilà tous les ingrédients pour une triangulaire d’enfer ! (façon de parler, l’enfer ça doit être bien plus funky que ça à mon avis, enfin j’espère, enfin on verra bien).



Deuxièmement, je n’ai pas apprécié le style de Moravia, ampoulé, laborieux et surtout, hautement ennuyeux. A tel point que je suis bien tentée de changer le titre du roman : L’ennui et non pas Le mépris. En effet, le mépris a pour moi une toute autre dimension, bien plus envoûtante ou alors inquiétante ou au moins intrigante.



A mon avis, le film ne peut qu’être mieux, au moins on voit les beaux paysages Italiens et les fesses de BB… mais bon, ça ne suffira pas, le roman m’a tout sauf donné envie de poursuivre l’expérience.



Bref, pour moi Capri c’est fini.
Lien : http://tracesdelire.blogspot..
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Lettres du Sahara

Les journaux de voyage sont un pari risqué : il est difficile de susciter et de garder constant l'intérêt du lecteur. Soit ils sont trop longs et ennuyeux, soit ils sont démodés (au niveau du style ou au niveau des idées), soit ils font preuve d'un égocentrisme à tout épreuve qui enlève au propos le peu d'objectivité qui est celui de ce genre. Bref, on bâille énormément avant de se précipiter sur un bon documentaire télévisé sur le pays concerné. Et bien ce livre est tout le contraire : les descriptions concises et efficaces ouvrent la porte aux réflexions brèves et pertinentes d'un européen ouvert à des moeurs tout à fait opposées aux siennes mais curieux de tout, et qui en profite pour nous livrer sa propre vision de la vie, fruit d'une longue méditation sur la différence et le respect que l'on doit à chacun. Philosophique plus qu'anthropologique ("ce sera en somme le journal d'un touriste" nous prévient-il dès le début) ce livre où l'on retrouve le style à la fois concis, pragmatique et profond qui est celui de Moravia accroche dès les premières pages et suscite un intérêt qui ne se dément pas. A lire paisiblement page après page, comme un journal intime où l'auteur riche d'une expérience parfois très pittoresque, nous confie ce qui le relie au monde et aux autres.
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Le Mépris

Richard Molteni a toujours caressé le rêve d'être un homme de théâtre. Il a pu compter sur le soutien de son épouse, Émilie, qui ne s'est jamais plainte de leur vie modeste, s'ingéniant, en épouse aimante, à créer un petit cocon  du simple garni dans lequel ils végétaient. Mais alors que leur situation matérielle semble prendre un nouveau cours, les sirènes du cinéma appelant Richard, qu'un appartement et une voiture, gages du bonheur petit-bourgeois, on été achetés à crédit, sa femme lui fait soudainement faux bond, faisant montre d'une certaine indifférence, lui battant froid, pour finalement avouer devant l'insistance de son époux quelle ne l'aime plus,  qu'elle le méprise carrément. Tandis que lui ai confié un scénario d'un metteur en scène allemand, qui ambitionne de revisiter l'Odyssée du point de vue d'une analyse psychologique absconse tendant à interpréter les pérégrinations Ulysse sous le prisme d'une mésentente conjugale avec Pénélope, ce qui a des échos naturellement douloureux pour Richard, ce denier n'a de cesse de quémander l'amour d'Émilie, de remonter le cours du temps à la recherche de la faute originelle, des malentendus, motifs et raisons qui ont conduit à cette impasse.



Le Mépris, confessions d'un homme délaissé qui n'a pas vu venir la rupture, trop occupé des considérations matérielles du bonheur conjugal, est de ces livres, peut-être pas universels, mais du moins qui ne sauraient manquer d'éveiller des échos, chez les lecteurs  qui, au moins une fois dans leur vie, se sont retrouvés le bec dans l'eau, démunis, se posant les questions du ratage dans un douloureux processus d'introspection rétrospectif. À montrer dans toutes les écoles de cocus. 
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