Maison de la poésie (4 juin 2019) - Texte de Pierrette Fleutiaux, Lu par Pascale Roze, extrait du Dictionnaire des mots parfaits (dirigé par Belinda Cannone et Christian Doumet, éd. Thierry Marchaisse, parution mai 2019).
Le Dictionnaire des mots parfaits :
Pourquoi certains mots nous plaisent-ils tant ? S?adressant à notre sensibilité, à notre mémoire ou à notre intelligence du monde, ils nous semblent? parfaits.
Bien sûr, parfait, aucun mot ne l?est ? ou alors tous le sont. Pourtant, chacun de nous transporte un lexique intime, composé de quelques vocables particulièrement aimés.
Après ceux consacrés aux mots manquants et aux mots en trop, ce troisième dictionnaire iconoclaste invite une cinquantaine d?écrivains à partager leurs mots préférés.
Il vient parachever une grande aventure collective où la littérature d?aujourd?hui nous ouvre ses ateliers secrets.
Auteurs : Nathalie Azoulai, Dominique Barbéris, Marcel Bénabou, Jean-Marie Blas de Roblès, François Bordes, Lucile Bordes, Geneviève Brisac, Belinda Cannone, Béatrice Commengé, Pascal Commère, Seyhmus Dagtekin, Jacques Damade, François Debluë, Frédérique Deghelt, Jean-Michel Delacomptée, Jean-Philippe Domecq, Suzanne Doppelt, Max Dorra, Christian Doumet, Renaud Ego, Pierrette Fleutiaux, Hélène Frappat, Philippe Garnier, Simonetta Greggio, Jacques Jouet, Pierre Jourde, Cécile Ladjali, Marie-Hélène Lafon, Frank Lanot, Bertrand Leclair, Alban Lefranc, Sylvie Lemonnier, Arrigo Lessana, Alain Leygonie, Jean-Pierre Martin, Nicolas Mathieu, Jérôme Meizoz, Gilles Ortlieb, Véronique Ovaldé, Guillaume Poix, Didier Pourquery, Christophe Pradeau, Henri Raynal, Philippe Renonçay, Pascale Roze, Jean-Baptiste de Seynes, François Taillandier, Yoann Thommerel, Laurence Werner David, Julie Wolkenste
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Bilan graphomoteur du poème
Extrait 5
Certains strophes du poème marquent un excès de raideur,
une prédominance des droites sur les courbes, des cabrages
et des étrécissements dans la structure des lettres, des chan-
gements brutaux de direction du tracé, un appui fort a déchiré
le papier par endroits.
Fanch. Tu veux rentrer ?
Midch. Oui
Fanch. Par contre faut enlever ses chaussures.
Midch se baisse pour enlever les siennes.
Fanch. Je rigole.
Midch se relevant. Ah !
Fanch. C’est pas comme chez ta mère dans mon camion y-a pas des patins qui t’attendent à l’entrée, allez grimpe.
il dit qu’il pourrait commencer par bégayer…
il dit qu’il pourrait commencer par bégayer,
pour voir, mon corps va bégayer,
pour augmenter les mots,
pour se démultiplier,
pour exister plus,
mon corps va proliférer,
mon corps va parler des langues,
il va sortir de lui,
mon corps va sortir de son corps,
mon corps va sortir de ma langue,
mon corps va s’amplifier,
il va déborder,
mon corps va franchir la ligne,
dans pas longtemps mon corps sera une clameur,
mon corps sera un million,
il va nous déborder pour nous sortir de là,
c’est promis.
Mon corps allume mon ordinateur…
[…] Mon corps allume mon ordinateur pour écrire de la poésie. Mon corps écrit de la poésie. Dans sa poésie mon corps parle de lui. Mon corps se relit. Mon corps trouve sa poésie trop basique. Mon corps s’ennuie dans sa poésie. Mon corps décide que c’est à cause de Garamond. Mon corps trouve sa poésie trop à l’étroit dans cette police-là. Mon corps cherche des nouveaux caractères typographiques sur un site spécialisé. […]
Bilan graphomoteur du poème
Extrait 4
La prise d’espace du poème est pour le moins inhabituelle,
malgré le quadrillage du papier, son tracé est vacillant, com-
me s’il avait été écrit à l’arrière d’un autocar, les mots tressau-
tent sur la ligne, ils sont trop espacés ou trop serrés, mal cernés,
mal différenciés les uns des autres.
Bilan graphomoteur du poème
Extrait 1
Le poème révèle de sévères anomalies du mouvement cursif
et de la conduite du trait provoquant des irrégularités d’espa-
cement entre les lettres les mots, des malformations et des
discordances de toutes sortes, souvent alliées à une qualité
défectueuse du tracé.
“Faut pas croire, vivre en camion c’est pas juste vivre en camion :
c’est subversif”
Bilan graphomoteur du poème
Extrait 2
Le trait du poème est sale dans sa texture, tour à tour trop
appuyé ou trop léger, et même parfois les deux à la fois dans
un même mot, ou trop maigre ou trop empâté ailleurs : retou-
ches et pochages, lettres emplies d’encres (les e, les a, les o),
engorgement des hampes et des jambages.
Bilan graphomoteur du poème
Extrait 3
Dans leurs irrégularités, les liaisons du poème trahissent
des gestes non maîtrisés, ainsi les soudures maladroites entre
deux lettres qui devraient se succéder sans coupure, les m et
les n anguleux, cabossés, les nombreuses lettres qui se téles-
copent et s’entrechoquent.