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L’âme ne devient donc pas « comme » Dieu, mais elle revient dans sa nature première ; elle « est » Dieu tel qu’il est en lui-même. Il n’y a rien à attendre de particulier, pas d’extase mystique ni de révélations sublimes, mais une pure nudité de l’âme qui n’est « ni ceci ni cela ». Pour Eckhart, lorsque l’âme est vidée d’elle-même et des représentations du monde, Dieu y entre nécessairement. La voie spirituelle est un lâcher-prise où la béatitude est assurée. Mircea Eliade forgera le mot « enstase » pour décrire cette union dans l’intériorité.
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Il était une fois un vieil homme qui avait trois fils.
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D'abord, Thomas n'est pas un prénom souvent donné lieu a au milieu des années soixante (puisque « mon » Thomas coups aura dix-huit ans en 1984). Les garçons s'appellent pluarrivé tôt Philippe, Patrick, Pascal ou Alain. Dans les années soixante-dix, ce sont les Christophe, les Stéphane, les s'él Laurent qui l'emporteront. Au fond, les Thomas ne suis feront réellement leur percée que dans les années quatre-lui

vingt-dix.
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J'ai retenu le nom. Thomas Andrieu.

Je trouve que c'est un beau nom, une belle identité.

Je ne sais pas encore qu'un jour, j'écrirai des livres, que j'inventerai des personnages, qu'il me faudra donner des noms à ces personnages, mais je suis déjà sensible à la sonorité des identités, à leur fluidité. Je sais, en revanche, que les prénoms parfois trahissent une origine sociale, un milieu, et qu'ils ancrent ceux qui les portent dans une époque.
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Babi Yar continua d’être le lieu d’un massacre obstiné, inouï : près de cent quarante mille personnes de nationalités variées y furent abattues à la mitrailleuse ou enterrées vivantes, Tziganes, partisans, malades mentaux, prisonniers de guerre et tous les habitants de Kiev que le hasard des rafles ou les dénonciations destinaient à une disparition sans trace et sans mémoire. Avant leur retraite, les nazis se hâtèrent en effet de brûler les cadavres et de disperser les cendres, afin d’anéantir à la fois la preuve de leur forfait et la sépulture des hommes.
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Honoré de Balzac
Souvent j’ai accompli de délicieux voyages, embarqué sur un mot…
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J'ai dix-sept ans.

Je ne sais pas que je n'aurai plus jamais dix-sept ans, je ne sais pas que la jeunesse, ça ne dure pas, que ça n'est qu'un instant, que ça disparaît et quand on s'en rend compte il est trop tard, c'est fini, elle s'est volatilisée, on l'a perdue, certains autour de moi le pressentent et le disent pourtant, les adultes le répètent, mais je ne les écoute pas, leurs paroles roulent sur moi, ne s'accrochent pas, de l'eau sur les plumes d'un canard, je suis un idiot, un idiot insouciant.
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Je l'ai convoqué dans la foulé pour une déposition officielle, mais il ne s'est pas pointé, comme toujours avec eux…

Eux… Liotta était resté le même. Léonie était certaine qu'il l'avait fait exprès, histoire de lui signifier le peu de valeur qu'elle avait à ses yeux malgré son grade et son uniforme.
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Ta guitare, c'est une merde.



Pour toi elle est parfaite.
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On ne vit pas deux fois.
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Les hommes, c'est comme la bicyclette. On ne s'amuse pas tant qu'on n'a pas appris à en faire
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Ces pages restent avec moi. Si on les retrouve, si tu peux les lire, tu sauras.

Je suis dans mon sac de couchage, j'ai des gants qui laissent libre le bout des doigts de ma main droite.

Ce doit être Noël en ce moment. Pour moi, c'est le 21 décembre qui compte, quand la lumière du jour accomplit son tour le plus bas, pour remonter ensuite.

L'hiver commence avec la lente progression du soleil au-dessus de l'horizon. C'est une date plantée dans le corps plutôt que dans l'histoire.

Je t'ai dit que j'étais allé en Suisse. Je ne me suis pas seulement occupé de montres.

La Suisse, pays neutre en temps de guerre, a été le quartier général des espions du monde entier. Le gouvernement fermait les yeux à la seule condition qu'il n'y ait aucun règlement de comptes. Pour ne pas altérer son image de territoire pacifique.



(Pages 115 et 116)
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Est-ce que t'étais avec eux, cette nuit là ? Tu étais au volant ? C'était toi qui t'amusais à déraper ? Ou est-ce que tu étais à l'arrière, serré contre moi ? Est-ce que t'as été le premier de ces porcs à me fourrer son truc dans la bouche et à murmurer "Maudites sauvagesses" à mon oreille ?

Perdue dans ses pensées, elle eut un sursaut lorsqu'il lui prit son sac des mains et le glissa sur son épaule.
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Je ne sais vraiment qu’un seul livre qu’on peut rapprocher du sien : les Mémoires d’outre-tombe. Là, du moins, il y a quelques rapports de ressemblance. Ces rapports, à vrai dire, ce n’est point dans les caractères des auteurs qu’il faut les chercher. Bien que leurs noms, eu effet, aient signé deux œuvres de tendances similaires, Werther et René, ils différaient l’un de l’autre autant que deux hommes le peuvent. Celui-ci était tout intelligence, celui-là tout passion. (...)

Mais enfin, et quelque différente que fût l’étoffe de leurs âmes, la destinée avait établi entre ces deux hommes un point de ressemblance : ils avaient dominé leur époque et leur pays ; leurs hautes figures se dressaient au-dessus des têtes contemporaines, respectées, admirées, adulées, bravant l’âge, attirant l’amour malgré les années. Séparés par la qualité de leur génie autant que par leur race, ils semblaient deux grands monarques régnant sur des pays voisins, dont diffèrent le climat, les paysages, les lois, les mœurs, les habitants : l’égalité de leur puissance les rapproche, crée entre eux un lien, du moins pour les yeux qui les observent d’en bas. Parvenus à ce faîte, ils ont l’un et l’autre songé que leur mémoire leur survivrait longtemps ; hantés par l’image que les hommes se feraient d’eux, ils ont entrepris de la fixer à leur manière, d’en arrêter les traits. (...)

Le rapport qui subsiste, c’est que les deux œuvres, de vaste envergure, sont les portraits que deux grands hommes, parvenus à d’égales hauteurs, qui furent à un égal degré des enfants gâtés de la vie, ont voulu laisser d’eux-mêmes. À ce point de vue, Vérité et Poésie et les Mémoires d’outre-tombe sont des documents de même importance, de même intérêt, et l’on pourrait ajouter de même signification.



Les mémoires. IV
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Et, vous ne devinerez jamais... c'est la petite souris affamée qui en a mangé le plus.
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Dear Ma,

I am writing to reach you—even if each word I put down is one word

further from where you are. I am writing to go back to the time, at the rest

stop in Virginia, when you stared, horror-struck, at the taxidermy buck hung

over the soda machine by the restrooms, its antlers shadowing your face. In

the car, you kept shaking your head. “I don’t understand why they would do

that. Can’t they see it’s a corpse? A corpse should go away, not get stuck

forever like that.”

I think now of that buck, how you stared into its black glass eyes and

saw your reflection, your whole body, warped in that lifeless mirror. How it

was not the grotesque mounting of a decapitated animal that shook you—

but that the taxidermy embodied a death that won’t finish, a death that

keeps dying as we walk past it to relieve ourselves.

I am writing because they told me to never start a sentence with

because. But I wasn’t trying to make a sentence—I was trying to break free.

Because freedom, I am told, is nothing but the distance between the hunter

and its prey.
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On dit que la perte d'un enfant est la pire douleur qui soit. Une chose tellement contre-nature qu'on n'en fait jamais vraiment son deuil, on continue de la ressasser jusqu'à la fin de ses jours...
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Surgis de nulle part, les Villageois affluaient vers une large bâtisse beige aux façades aveugles, le Hollywood Mall, comme si c'était jour de marché en France, dans une petite ville de Provence. Les voiturettes de toutes les couleurs prenaient d'assaut les places de parking et les seniors se retrouvaient sous les palmiers pour former des groupes qui papotaient. Les hommes portaient des casquettes ou des panamas, des polos ou des chemisettes colorées, des bermudas kaki et des Birkenstock, les femmes des visières, des marcels ou des T-shirts pastel sur des joggings ou des leggings, des sandalettes ou des Crocs. Tous avaient des cheveux blancs parfaitement coiffés et des lunettes de soleil. Des couples de vieux sortaient du mall en poussant des caddies remplis de fournitures, ils saluaient leurs connaissances au passage et formaient bientôt de nouveaux groupes au hasard de leurs rencontres pour commenter les bonnes affaires qu’ils venaient de réaliser, les prévisions météo ou les derniers potins des Villages. On prenait rendez-vous pour un barbecue, un concert virtuel des Beach Boys ou une partie de padel. On s’informait de la bonne santé de chacun, les sourires étincelaient, les rires fusaient et l’on s’étreignait de généreux hugs à tout bout de champ. De ce joyeux ensemble émanait le sentiment d’une communauté soudée, d’une utopie accomplie, d’un monde nouveau. Je consultai le plan du Hollywood Mall dessiné par mon père afin de me diriger sur le parking. p. 108-109
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Les documents photographiques réunis par mon père étaient accompagnés de centaines de notes manuscrites, de plans à main levée et d’articles de presse classés méthodiquement dans des chemises selon les lieux où les faits s’étaient déroulés. L'ensemble redessinait la carte de Floride aux couleurs du mal, esquissait une géographie souterraine qui obéissait aux seules lois de l'ultra-violence, composait un nouveau type de guide touristique invitant non à découvrir les splendeurs du Sunshine State mais bien à en explorer les égouts. À travers la masse d'informations réunies, je vis un point de fuite, je vis une architecture d’os et de viscères s’élever dans le ciel, je vis la dérive d’un esprit qui bascule peu à peu dans le vide, celui de quelqu’un qui perd le fil, qui se retrouve prisonnier du labyrinthe qu’il est en train d’échafauder. Et je sus à ce moment précis que, si je voulais découvrir la vérité, je devais suivre ce guide. p. 92-93
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(Les premières pages du livre)

Cool Aqua

L’école fantôme



La découverte d’une école maternelle au sein des Villages-Unis de Floride fut un véritable choc tant son existence, sa présence même, était une monstrueuse aberration, comparable, si je peux me permettre cette analogie, à la construction d’un abattoir dans un parc d’attractions. Et pourtant, malgré son incongruité, malgré son effrayante absurdité, elle est là, sous mes yeux, cachée du reste de l’humanité par une modeste colline boisée, à quelques mètres seulement d’un des bunkers du golf Harold Schwartz où l’armée des Villageois pratique son swing à l’année comme autant de salutations aux feux d’un soleil éternel que de défis lancés à un ennemi invisible.

L’aube point en dessinant en ombres chinoises une ligne d’horizon hérissée de palmiers lorsque j’approche, lampe torche à la main, du bâtiment. Surmontée du drapeau de l’État sécessionniste – une étoile à cinq branches insérée dans un soleil bleu aux rayons rouges et blancs – qui flotte en haut d’un mât, l’école en briques se déploie sur un seul niveau dont les fenêtres aux cadres clairs sont obstruées par d’épais rideaux. En son centre, l’entrée principale se fait sous un fronton de faux marbre supporté par des colonnes doriques. La porte grillagée n’est pas fermée. Par-delà le portique de sécurité désactivé (je ne suis de toute façon pas armé), le faisceau de la lampe révèle un vaste couloir le long duquel sont disposés en vis-à-vis des casiers et des portemanteaux sur lesquels scintillent de petits cirés jaunes au-dessus de bottes de pluie rouges sagement alignées sous des bancs de bois qui filent en perspective. J’approche des casiers métalliques en faisant grincer ma paire de Converse sur le sombre linoléum. Sur chacun figure une plaquette avec un prénom : Judy, Carolyn, Jason… J’en ouvre un au hasard pour constater qu’il est vide.



J’entre maintenant dans une salle de classe et découvre quatre rangées de pupitres accolés à des chaises d’enfant faisant face au bureau de l’instituteur derrière lequel s’étend un vaste tableau noir. Une carte de la Floride est accrochée à son cadre et l’on peut lire RÉVOLUTION inscrit à la craie blanche sur le noir de l’ardoise. Les murs de la classe sont vert d’eau. On y a punaisé des posters d’animaux ainsi que des peintures enfantines. Il y a une mappemonde dans un angle à côté d’un miroir et d’une bibliothèque. Je m’approche. Le cercle lumineux balaye les livres, en révèle quelques titres : Les Aventures de Tom Sawyer, La Case de l’oncle Tom, Les Quatre Filles du docteur March, Max et les Maximonstres, Charlie et la Chocolaterie, Le Magicien d’Oz, Le Royaume fantôme… Je ne connais pas ce dernier ouvrage et tends la main pour m’en saisir : contre toute attente le rayonnage bascule vers moi lorsque je tente de l’extraire du bout des doigts et je me retrouve avec un ensemble compact, étonnamment léger, dans les bras. Sans un bruit, je remets en place les faux livres en remarquant que le reste de la bibliothèque est également composé de ces mêmes blocs qui d’ordinaire, vendus au mètre, servent à décorer les appartements témoins, les salles d’exposition de marchands de meubles ou les espaces détente de certains fast-foods. En revenant sur mes pas, je constate que les dessins d’enfants sont des reproductions : de simples photocopies couleur.

J’explore à présent la cantine : un réfectoire, des tables rondes et basses entourées de petites chaises, des néons au plafond, un distributeur de plateaux et de couverts, un buffet à bain-marie, un buffet réfrigéré débranché… Ici comme dans tout l’édifice, chaque objet semble à sa place, prêt à l’emploi, mais étrangement orphelin, dénué de sens, soulagé de sa fonction, dans l’attente d’un signal qui déclencherait une série d’actions. Une porte vitrée mène aux cuisines : la pièce est vide. Sur le sol carrelé, il y a seulement un balai à franges gisant à côté d’un seau à essorer.

Dans les toilettes face aux miroirs et aux lavabos, il y a des urinoirs pour adultes et pour enfants, pas de portes aux WC. Je tourne l’un des robinets, mais l’eau ne s’en écoule pas. Plus loin, je pénètre dans une salle de repos avec une dizaine de lits d’enfants. Ils sont faits au carré, à l’identique ou presque : une couette et un oreiller à motifs, voitures pour les garçons, poupées pour les filles. La pièce est aveugle. Il y a un miroir face à l’entrée.



En sortant par la porte arrière qui ouvre sur la cour de récréation, je me retourne vers l’école avec l’étonnante impression qu’à la manière des poupées russes, le bâtiment cache une reproduction de lui-même à échelle réduite. Au-dessus de moi, le soleil tente de dissuader l’arrivée de ténébreux nuages à l’horizon et le ciel se décline en un strident dégradé qui va du pourpre au jaune soufre en passant par le vert cuivré, soit les prémices d’un des fameux cocktail skies vénérés ici-bas. Le brouillard matinal surgi des marais environnants recouvre un périmètre délimité par des grillages et des arbustes. Je pose alors le pied sur le mot Earth, soit la première case d’une marelle peinte sur le sol en caoutchouc, et l’image d’un lutin en ciré jaune sautant à cloche-pied dans un tapis de brume (avec ses petites bottes de caoutchouc rouge !) jusqu’à la case Heaven frappe mon esprit. Devant moi il y a un toboggan et des balançoires. En m’approchant du portique, je constate qu’une des trois balançoires a été décrochée. Et je comprends à cet instant précis que c’est ici que mon père a trouvé la mort.



2

Le Vampire de la Goutte-d’Or



Un mois plus tôt, j’étais à Paris en train de tirer les vers du nez au Vampire de la Goutte-d’Or lorsqu’un numéro inconnu s’afficha sur mon téléphone. Je laissai la messagerie se charger du mystérieux appel. Après quelques années laborieuses dans le monde de l’entreprise où mes seules joies furent les repas thématiques de la cantine (pour le Nouvel An chinois les caissières étaient habillées en geishas et un orchestre de mariachis anima la semaine mexicaine), je me retrouvais au chômage ou plutôt en boîte de nuit. C’est sous les flashes d’un stroboscope qu’un compagnon de boisson me proposa, une nuit particulièrement arrosée, de «piger» pour le journal dont il était le rédacteur en chef adjoint. Je lui opposai le fait que je n’avais jamais pris la plume pour écrire un mot. «Ça tombe bien, moi non plus!» répliqua-t-il dans un grand éclat de rire avant de commander une nouvelle tournée. Et c’est ainsi que je devins journaliste.



Ma mission était simple: interviewer des freaks, déformer leurs propos, inventer des faits et prier pour que mes «sujets» ne trouvent pas mon adresse après avoir lu mon « papier ». Avec le Vampire de la Goutte-d’Or, ça allait être compliqué: il habitait à côté de chez moi, dans des caves aménagées rue Myrha. Longs cheveux noirs ondulés et graisseux, yeux bleus translucides maquillés au khôl, teint verdâtre parsemé de boutons d’acné, toujours vêtu d’une redingote noire moisie, d’un pantalon en velours, de chemises à jabot et de bottes de l’armée allemande, le Vampire dénotait dans ce quartier peuplé en majorité d’immigrés. Il était le seul à faire peur aux hordes de gamins des rues qui avaient fui la misère d’un pays en guerre pour semer la terreur dans les lavomatics du coin ainsi qu’aux mamas en boubou qui faisaient régner l’ordre sur le pavé et se signaient lorsqu’elles le croisaient : la patte de poulet qu’il arborait en pendentif (en exhalant une redoutable odeur de camphre) était le signe certain qu’il pratiquait le vaudou dans son terrier.



Murs tapissés de velours rouge, crânes d’animaux montés en lampes de chevet, mannequin démantibulé en table basse, mandalas d’insectes morts, Christ inversé, Sainte Vierge profanée… Son logis souterrain était un savant mélange entre la caverne d’un sorcier, l’antre d’une goule et la salle à manger d’Ed Gein. Ma première question fut simple: comment faisait-il pour se laver? Sa réponse, expéditive : d’un ongle peint en noir, il me désigna un bac à sable dans un recoin obscur de la cave voûtée avant de me dérouler les grandes lignes de son parcours ; en rupture avec des parents pharmaciens à Rouen, il avait découvert Aleister Crowley et le LSD durant ses années chez les jésuites avant de former Kadaverik Likidator avec deux amis de pensionnat (Lucifred à la basse, Muinomednap à la batterie). Le groupe fit rapidement son trou au sein de la scène black metal hexagonale, leur répertoire se composant d’un seul morceau, Life Is Death, joué ad nauseam sous l’influence de drogues dures, lysergiques de préférence. La légende voulait qu’ils parvinssent ainsi (grâce également à un volume sonore défiant l’entendement) à faire vomir leur public. Le Vampire avait-il des problèmes de voisinage ? « Seulement le jour où la concierge a trouvé un pigeon crucifié sur ma boîte aux lettres. Une déclaration d’amour d’une de mes fans », répondit-il avec un large sourire halluciné qui découvrit des canines limées en pointes. Son surnom lui était-il monté à la tête? Je profitai de cet instant d’incertitude pour lui demander la direction des toilettes. Il me dirigea vers un seau en métal près du bac à sable. Tandis que j’urinais dans le récipient, j’interrogeai mon répondeur. Une voix lointaine m’informa en anglais qu’il était arrivé un terrible accident à mon père. Il était décédé. Il fallait que je rappelle au plus vite. La foudre s’abattit sur moi au moment où je reboutonnais mécaniquement ma braguette, pulvérisant mon crâne, mon cœur et le reste de mon corps en mille particules. Anéanti, je revins au ralenti auprès du Vampire en balbutiant d’une voix blanche : « J’ai… perdu… mon… père… » Il y eut un moment de vertige qui sembla durer une éternité avant qu’il ne réplique d’une voix lugubre: «T’inquiète pas mon pote, t’en trouveras bien un autre.» Sans plus attendre, je regagnai au plus vite la surface de la terre.
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