J`ai travaillé sur des histoires autobiographiques durant de longues années. Par chance (ou malchance), j`ai eu une vie plutôt mouvementée et ne manquais donc pas de sujets et d`événements pour m`inspirer et trouver des choses à raconter. Arrivé à plus de 50 ans, je me suis dit qu`il était temps de changer ça, puisque ma vie aussi a changé et que je suis passé d`un type vivant dans la rue à un petit bourgeois ordinaire, marié, habitant une maison avec jardin et deux chiens.
De plus, je voyais mes précédentes œuvres avec une sorte de méfiance. Quand j`ai raconté ces histoires personnelles, je l`ai fait très spontanément, naturellement, sans arrière-pensée ; mais aujourd`hui, en les relisant, elles me semblent toutes souffrir du même défaut : une sorte de demande d`amour secrète adressée au lecteur. Un besoin d`affection quasi-pathologique qui a conditionné les choix des thèmes et la manière de raconter ces histoires. Aujourd`hui j`ai évolué, et je n`ai plus un besoin aussi fort d`affection ; avec La Terre des fils j`ai voulu parcourir d`autres territoires, où seule l`histoire a de l`importance et où il n`y a pas de pacte affectif entre le lecteur et moi. Ce qui m`importe aujourd`hui, c`est que le lecteur veuille du bien à mes personnages, pas à moi.
Je crois que mon travail est plus mâture et j`espère que ce processus (à peine commencé) me permettra d`explorer encore d`autres territoires narratifs.
Oui, absolument. L`une des premières choses que j`ai su, c`est que La Terre des fils serait intégralement en noir et blanc, sans couleur, sans aquarelle. Je voulais travailler avec ce qu`il y a de plus basique et primitif dans le dessin, sans superstructure émotive due à l`utilisation de la couleur ou de la peinture à l`aquarelle. J`avais besoin d`un dessin le plus minimal possible. Quand on fait une histoire en couleur, par exemple, c`est possible d`enlever les couleurs et d`avoir encore une histoire, mais avec le noir et blanc j`étais au niveau technique de représentation le plus bas, il n`y avait pas de niveaux supplémentaires que je pouvais enlever. Ce choix est dû au sujet du livre : dans un monde dont il ne reste pas grand-chose, la technique pour le représenter se doit aussi d`être « réduite à l`os ».
J`ai improvisé les 30-35 premières pages. Sans vraiment savoir ce que je racontais. C`est juste venu d`une pulsion, d`un désir presque érotique de représenter ces personnages, habillés comme ça, avec ces corps et ce type de contexte. J`ai ensuite arrêté de travailler dessus pendant plus d`un an, et c`est seulement à ce moment-là que j`ai compris de quoi parlait vraiment cette histoire. Alors j`ai écrit un scénario assez précis et j`ai travaillé sur l`album jusqu`au bout, en suivant ce script.
Il y a eu bien sûr des changements pendant la réalisation des dessins, parce que quand j`écris j`oublie toujours la puissance de la bande dessinée, de ce que je dessine, et j`ai alors tendance à trop écrire. J`ai par exemple retiré beaucoup de dialogues en passant du scénario écrit, au papier à dessin.
Ces 15 dernières années, les choses ont beaucoup changé en Italie. Quand j`ai commencé à faire des livres et de la BD, le panorama italien était dominé par les séries [les fameux fiumetti italiens, ndr], vendues dans les kiosques, et c`était très difficile de faire comprendre aux lecteurs qu`un autre mode de narration pouvait exister. Aujourd`hui c`est complètement différent, toutes les grandes maisons d`édition publient des romans graphiques, et certains auteurs vendent beaucoup. Bref, pour le dire autrement, tout ça rapporte plus d`argent qu`avant, et il y a effectivement pas mal de très bons auteurs en Italie ; mais je ne vais pas faire une liste, car je suis sûr d`oublier quelqu`un et ça me mettrait dans l`embarras !
Oui, c`est important car faire de la BD est aussi un travail assez difficile. Vous devez rester très longtemps seul derrière une table, à vous casser le dos, et si au final votre travail vient à être apprécié, vous retrouvez un peu d`énergie pour commencer un nouveau livre.
En Italie, quand vous travaillez sur un roman ou une bande dessinée, vous n`avez pas d`avance de la part de l`éditeur, vous n`êtes pas payé avant d`avoir livré quelque chose. Alors vous devez investir votre temps et votre santé dans l`espoir qu`ensuite, une fois le livre publié, vous recevrez de l`argent pour vivre. Ca n`est pas toujours facile, et recevoir des prix te donne la force (ou l`inconscience) de repartir à zéro, pour une nouvelle BD.
Je viens de finir le tournage d`un film dont je suis le scénariste et metteur en scène, mais dans lequel je suis aussi acteur. Un vrai effort. Un autre saut dans le vide. Mais je me suis beaucoup amusé, et ça m`a fait du bien de sortir un peu de la bande dessinée. Là je suis en train de travailler sur un roman graphique de science-fiction qui me plaît bien, j`ai écrit une première version du scénario mais c`est un travail très absorbant et je suis encore en train de récupérer de l`énergie avant de vraiment commencer.
On verra ce que ça donne !
Tous les travaux d`Andrea Pazienza, les dessins d`Hugo Pratt, Maus d`Art Spiegelman et Stigmates de Lorenzo Mattotti. Ces œuvres m`ont permis de comprendre ce qu`on pouvait faire avec la bande dessinée.
Pompeo d`Andrea Pazienza.
Peut-être La Trilogie des jumeaux d`Agota Kristof. En lisant ces livres j`ai l`impression d`avoir appris des choses qui m`ont servi pour faire de la BD. C`est aussi le cas avec Parlez-moi d`amour de Raymond Carver.
Tout ce que je n`ai pas lu. Je n`ai jamais lu Watchmen d`Alan Moore et Dave Gibbons, par exemple.
Chroniquettes de Giacomo Nanni. Un auteur italien que je considère comme un vrai génie de la BD contemporaine.
Je ne veux pas répondre à cette question :-)
« Mais je puis faire même ce que j`abhorre le plus », dans le Manfred de Lord Byron
Rien en ce moment. Je ne lis pas souvent parce que je suis toujours pris par autre chose : l`écriture, le dessin, le tournage d`un film, les jeux vidéo sur ordinateur, la musique et l`écriture de chansons. Pour lire il faut que j`aie la fièvre, mais sans être malade quand même !
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Entretien réalisé par Nicolas Hecht.
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