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Jacques Outin (Traducteur)Kjell Espmark (Préfacier, etc.)Renaud Ego (Auteur de la postface, du colophon, etc.)
EAN : 9782070317103
384 pages
Gallimard (30/09/2004)
4.24/5   89 notes
Résumé :
C'est avec une perception aiguë, méticuleuse, que Tomas Tranströmer parcourt la zone limitrophe des terres habitées, comme si cette étendue en marge s'apparentait à un réservoir de visions simples suscitées au bord du réel. Les livres qu'il publie depuis 1954 suggèrent une quête obstinée, accomplie sans emphase et pas à pas, qui affronte l'opacité des signes, l'irréductibilité des choses, l'ombre des actes. Une tension singulière se développe qui souligne le doute, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
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« Je voudrais que le lecteur vive plus intensément. C'est ma mission ».

J'avais une appréhension avant d'entamer l'ouvrage de Tranströmer, j'imaginais un recueil « national geographic ».

Je ne voulais pas d'un poète « naïf » qui se contente de me décrire les arbres et le ciel. Mais Tomas Tranströmer est un écrivain bien plus sinueux et sibyllin qu'il n'y parait. Sa poésie n'est pas béate devant le monde qui l'entoure, de métaphores en paraboles, d'élégies en haikus, elle tente d'exprimer et rapprocher entre elles ces choses « qu'on ne peut écrire ni passer sous silence. »

“nous avions accepté de montrer nos foyers
le visiteur a pensé : vous vivez bien
les taudis sont dans vos âmes.”

“Devient une marche d'escalier pour celui qui va suivre”. le recueil compile les oeuvres complètes du Prix Nobel de Littérature depuis les années cinquante jusqu'à son dernier recueil en 2004. On remarque une évolution entre les premiers poèmes, convoquant ses pérégrinations, ses angoisses et ses espoirs, et le style très épuré, dépouillé et court de ses derniers poèmes, avec l'introduction de haïkus (courts poèmes japonais) qui correspondent à la dernière partie de sa vie, après l'attaque qui le laissa paralysé et incapable de parler ; mais pas d'écrire, « en moi le temps s'est arrêté, un temps sans fin, le temps qu'il faut pour oublier toutes les langues. »

La peur d'oublier, les souvenirs de la maison, cette maison de bois rougeoyante au milieu de la symphonie du vent qui s'engouffre entre les conifères enneigés. La maison, notamment celle de l'enfance est un livre de souvenirs, il suffit d'y mettre à nouveau les pieds pour que chaque vase, chaque table basse, chaque angle de pièce nous ramène en arrière et fasse renaître un souvenir qu'on croyait perdu :

“J'ai la main sur la poignée de la porte, je prends
le pouls de la maison.
les murs ont tant de vie. »

On note un jeu de brouille entre animé/inanimé, à renfort de personnifications. Cependant, visiter le musée de nos souvenirs n'est pas sans amertume, on risque l'abîme du regret à chaque instant, comme ces « jouets de notre enfance (...) qui nous accusent de ce que jamais nous ne sommes devenus. » Seule échappatoire pour un passé si lourd à porter : écrire ; car “ceux qui savent écrire oublient. Noter pour oublier.”

Autour de la maison : la nature. le poète scandinave nous dicte (« dikt » veut dire poème en suédois) non pas seulement la beauté, mais la communion avec la nature que l'on peut ressentir dans le nord de la Suède (pléonasme ?) mais aussi partout ailleurs, on sent monter une émotion nouée dans la gorge, au chaud sous son écharpe, un ahurissement face à l'immensité, une humilité face au mystère et une angoisse face à l'impuissance de la nature à apporter sa rédemption à la condition humaine.

« un arbre marche sous la pluie,
il a une mission. Il soutire la vie à la pluie. »

La nature est refuge, pour s'extraire du monde peut-être, mais aussi parce qu'elle sait nous consoler, que ce soit les plages pour certains, les montagnes, la plaine, la forêt, nous avons chacun notre bout de terre-refuge :

“Cet étonnement toujours aussi immense
quand l'île me tend la main
et me tire de ma tristesse. »

« La lune du temps libre gravite autour de la planète Travail de toute sa masse et de tout son poids”. de même que chez le poète italien Cesare Pavese, auteur de « Travailler. Fatigue » on retrouve chez le poète de Stockholm cette spiritualité de la nature et cette impossibilité d'en jouir, à cause du travail notamment :

“Au beau milieu du travail
nous rêvons violemment de verdure sauvage
de contrées désertiques, uniquement parcourues
par la civilisation ténue des fils du téléphone.”

« Nous bondîmes l'un vers l'autre le sol et moi ». L'intensité de la vie, on ne l'éprouve pas qu'au contact du monde extérieur, des aurores boréales insomniaques, du nez brûlé par le froid du blizzard, de la blancheur aveuglante des collines couvertes de givre qui nous déboussolent, on l'éprouve aussi en nous, dans nos blizzards intérieurs, la tempête « pose sa bouche sur notre âme ».

La mélancolie peut aussi céder le pas à un feu de joie, quand le soleil intense dans sa lumière fait étinceler le gel tel un diamant pur, quand la mer brise la glace en cristaux, quand les battements d'ailes des oiseaux drainent une poussière de neige, on veut en être, de cette nature excitée, en éveil, olfactive, impériale, sur une mélodie d'Edvard Grieg, « un chant si proche de nous ».

« Parfois ma vie ouvrait les yeux dans l'obscurité ». Pour vivre intensément, Tranströmer nous invite à nous déconcentrer, nous éparpiller :

« ce que je déteste l'expression à cent pour cent !
ceux qui jamais ne résident autre part que dans leur façade
ceux qui jamais ne sont distraits »

« Parfois il existe un abîme entre le mardi et le mercredi, mais vingt-six ans peuvent défiler en un instant.” Parce qu'il n'y a plus de temps à perdre, il ne tient désormais qu'à vous, doudoune et boots en main, de partir à la rencontre du poète suédois, d'entendre le bruit ouaté de la neige sous vos chaussures, d'admirer la calme et inquiétante opacité de la mer baltique, de lever la tête jusqu'au gris ciel, diapré de flocons ineffables, caressé par la cime des pins immortels et, cette question du poète pour son lecteur : “me suivrez-vous dans l'enfance ?”

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Dans les cent premières pages je me suis dit que c'était trop pour moi.
Il y avait de beaux vers, des poèmes qui me plaisaient bien, mais - Shame on me - je me disais qu'il m'aurait fallu un best of plutôt que les «Oeuvres complètes 1954-2004» publiées par Gallimard. Parfois j'ai lu avec ennui, trouvé ça peu emballant, je n'ai pas toujours réussi à rentrer dedans. Les métaphores tant louées de Tranströmer ne m'embarquaient pas toujours, je saluais son travail mais je les observais parfois de l'extérieur, sans qu'elles ne provoquent d'émotion en moi, en me disant qu'en v.o. peut-être c'était différent?
Mais une fois passé le premier quart du recueil qui rassemble ses textes des années 50, j'ai été de plus en plus convaincue. Son écriture devient avec le temps plus forte, plus prenante.

Si le lyrisme, l'expression intime n'est pas la tasse de thé de Tranströmer, et si cet effacement du moi a pu me refroidir par moments, si le frisson, la fragilité, l'émotion qui peuvent être lié à la subjectivité a pu me manquer, il exprime plutôt bien cette difficulté à le connaître, le moi, à s'en saisir:
«Qui suis-je? Il y a longtemps
j'approchais parfois quelques secondes
ce que je suis, ce que je suis, ce que je suis.

Mais au moment de ME découvrir,
JE m'effaçais et un trou se creusait
et je tombais dedans, tout comme Alice.»

«Il a su transformer son expérience prosaïque en expérience spirituelle, avec une dimension cosmique», écrivait le poète Renaud Ego. Si Tranströmer évoque «une nuit d'hiver», la tempête qui y souffle nous emporte de cet espace ordinaire où le locuteur dort nerveusement dans sa maison vers une autre dimension, plus mystérieuse, «plus sérieuse»:
« Une tempête plus sérieuse passe sur le monde.
Elle pose la bouche sur notre âme
et souffle pour donner le ton. Nous craignons
qu'en soufflant, la tempête ne nous vide. »

Et c'est vrai qu'il y a des images fortes, percutantes, comme celle qui ouvre le livre, « l'éveil est un saut en parachute hors du rêve ». Et sans doute cherchent-elles à provoquer ce miracle poétique que Tranströmer semble saluer chez Éluard, qui nous délivre d'une réalité étouffante, nous ouvre des espaces plus réjouissants:

«Marchais le long du mur antipoétique.
Die Mauer. Ne pas regarder par-dessus.
Il cherche à encercler nos vies adultes
dans la ville routinière, le paysage routinier.

Éluard effleura un bouton
le mur s'ouvrit
et le jardin apparut.»
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A travers ce recueil, Baltiques : Oeuvres complètes 1954-2004, découvert grâce à des citations de babeliotes, j'ai rencontré un poète et un auteur que je ne connaissais pas (et oui ! bien qu'il est reçu le prix Nobel de littérature en 2011…)
J'ai été fascinée par sa poésie (de vers en prose aux haïkus) toute en image qui dit le quotidien et l'instant, notre voyage intime et personnel, et invite aux grands voyages, des espaces enneigés aux contrées ensoleillées …
Un authentique plaisir à lire.

Mais je laisse la parole à Tomas Trantrömer pour présenter son univers  par le biais de l'un de ces poèmes :

Las de tous ceux qui viennent avec des mots, des mots
mais pas de langage,
je partis pour l'île recouverte de neige.
L'indomptable n'a pas de mots.
Ses pages blanches s'étalent dans tous les sens !
Je tombe sur les traces de pattes d'un cerf dans la
neige.
Pas de mots, mais un langage.
« En mars-79 »
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Je fais quasiment à chaque fois le même genre de propos introductif quand je chronique de la poésie. Mais il est vrai en effet qu'on peut difficilement trouver plus subjectif que l'appréciation de la poésie, particulièrement la poésie contemporaine. En se libérant des contraintes des règles de la poésie classique, la poésie s'expose également à la diversité du jugement. Là où on ne pouvait que reconnaitre qu'une poésie était bien construite, on ne peut maintenant que chercher à comprendre ce qui nous touche, ce qui vient faire sens pour nous dans le jeu autour des mots. Bien sûr cela était le cas aussi avec la poésie classique, mais ce n'était qu'un des critères, c'est maintenant le seul.

Tomas Tranströmer est LE poète suédois de sa génération. Sa consécration par le Nobel arrive tardivement alors qu'il est très malade, mais tout un peuple attendait cette récompense comme logique, tant il est reconnu chez eux, et présent sur plusieurs générations. C'est beaucoup moins le cas à l'international et, quel que soit notre jugement sur sa poésie, on ne peut que se dire que le fait qu'il fut suédois a malgré tout contribué à ce prix.

17 POEMES

J'ai choisi de lire le premier recueil du poète, ce qui n'est peut-être pas le meilleur moyen de comprendre son oeuvre… mais est un moyen quand même intéressant. J'ai été à plusieurs reprises séduit par cette poésie proche de la nature, dont les métaphores prennent régulièrement le biais des animaux, qui décrivent les moments essentiels d'une journée, les tourments de l'océan, la puissance des arbres. Deux poèmes détonnent un peu, hommages intéressants à deux écrivains : le poète et naturaliste américain Thoreau, et l'écrivain russe Gogol. En choisissant, en 1954, de faire le grand écart entre les deux ennemis de la guerre froide, Tranströmer n'a peut-être pas consciemment fait un choix politique. Il a en revanche montré à quel point il ne se laissait pas guider par les diktats du politiquement correct. Ses deux poèmes sont particulièrement de ceux qui m'ont plu, un peu différents d'un ensemble assez homogène par ailleurs.

Ne souhaitant pas m'imposer la lecture de toute une intégrale comme celle de « Baltiques » où sont réunis tous les recueils de l'auteur de son début de carrière à 2004, je ferais sans doute tout de même le choix de lire un deuxième recueil, plus récent pour deux raisons : parce que cette première lecture a finalement été assez agréable , à l'image de la découverte de Quasimodo et Yeats autres poètes nobelisés et bien plus que celle de Saint-John Perse dont l'hermétisme m'avait refermé comme une huître ; et parce qu'il est de bon ton de donner plusieurs chances à un auteur, et particulièrement un poète, de nous bouleverser par sa musique personnelle.
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Après la lecture du récit « Les souvenirs m'observent », prose poétique autobiographique dans lequel Tomas Tranströmer, poète majeur de la Suède et Prix Nobel de Littérature 2011, relatait ses années d'enfance, nous pénétrons plus avant dans l'univers poétique de l'auteur avec « Baltiques », un recueil de poésie qui rassemble des poèmes et des textes poétiques publiés entre 1954 et 2004.

La poésie de Tomas Tranströmer est éminemment originale, sa voix singulière, son chant à nul autre pareil, une poésie dans laquelle on entre à petits pas, un peu troublé par l'utilisation si peu poétique d'objets techniques et usuels, saisi par le pouvoir de mots à la fois simples, sobres et concis mais s'ouvrant cependant sur un imaginaire dont les rivages ne sont pas toujours aisément abordables.

Il ne faut pas être étonné alors de découvrir au gré des rimes, des quais de gare, des trains, des chambres d'hôtel, des téléphones, des ascenseurs, des machineries de bateaux…une accumulation de choses très urbaines dont le poète se sert pour mieux les dévoyer et les détourner, afin de nous faire sortir du cadre du réel et, brusquement, nous faire accéder au monde de l'imaginaire.
Ainsi, chaque objet de la vie quotidienne est propice à une vision onirique.
Une tasse de café, un journal abandonné, un agenda, un arbre décharné….toutes ces choses auxquelles habituellement nous ne faisons plus attention et que nous ne regardons plus, le poète nous invite à les observer de nouveau avec attention car ils sont le lien, la frontière invisible entre rêve et réalité.

« Là-bas sur le terrain vague, non loin des immeubles / il y a depuis des mois déjà un journal oublié, truffé d'événements. / Il vieillit durant les nuits et les jours de soleil et de pluie / en passe de se muer en plante, en chou pommé, de s'unir à la terre. / Comme un souvenir qui peu à peu en nous se transforme. »

Poète de l'ordinaire et du quotidien parsemés d'éclats métaphoriques, Tomas Tranströmer offre une poésie de la sobriété, baignée d'allégorie et d'onirisme, la recherche de la langue dans ce qu'elle a de métaphysique, le mot décomposé et révélé dans ce qu'il possède d'infini et d'illimité, une quête d'absolu dans le dépouillement, la naissance de l'atemporel dans les marques du temps, la compréhension de la valeur de l'instant dans ce qu'il a à la fois d'éphémère et de suspendu, de fugace et d'éternel.

« Il y a un monde muet / il y a une fissure / où les morts passent la frontière / en cachette. »

Métissage entre le réel le plus tangible et le rêve le plus absolu, déploiement de descriptions très urbaines entrelacées à la quête d'un ailleurs, c'est une poésie qui tangue comme un grand bateau ivre, qui se perd dans des vagues tempétueuses pour rejoindre un pays de mythologies et de fables, une contrées de marins et de mers déchaînées, un territoire qui s'expose dans les beautés de la nature, au rythme des saisons, des longs hivers et des étés secs, et qui reflète l'instabilité et l'évanescence de toute vie sur terre.

« Il arrive au milieu de la vie que la mort vienne / prendre nos mesures. Cette visite / s'oublie et la vie continue. Mais le costume / se coud à notre insu. »

Une poésie moderne et symbolique, débordante d'authenticité, entre rêve et réalité.
Une lente et longue dérive au fil de la vie.

« On marche longtemps et on écoute et on arrive au moment où les frontières s'ouvrent ou plutôt, où tout devient frontière. »

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critiques presse (1)
LeFigaro
19 octobre 2011
Tomas Tranströmer signe des textes accessibles et simples, d'ailleurs, ils parlent souvent de la vie quotidienne pour, parfois, glisser vers le rêve [...]. Ses poèmes sont très descriptifs, urbains. Tranströmer possède la magie de la concision, cet art dire les sentiments de l'existence en quelques mots.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (175) Voir plus Ajouter une citation
La clairière


Il y a, au milieu de la forêt, une clairière insoupçonnée qui ne découvre que celui qui s'égare.
La clairière est cernée par une forêt qui étouffe peu à peu . Des troncs noirs, à la barbe cendrée des lichens. Ces arbres vissés très près sont morts jusqu'à leur cime, où quelques branches vertes effleurent la lumière. En dessous : l'ombre qui couve de l'ombre, la tourbe qui s'étend.
Mais l'herbe est étrangement vivante sur cette place ouverte. Où gisent de grandes pierres qui semblent alignées. Sans doute les fondations d'une maison, mais je me trompe peut-être. Qui a vécu ici ? Personne ne peut nous renseigner. Les noms sont quelque part, dans des archives que nul n'ouvre plus (seules les archives gardent leur jeunesse). La tradition orale se perd et, avec elle, les souvenirs. Le clan tzigane se souvient, mais ceux qui savent écrire oublient. Noter pour oublier.
Un bruissement de voix dans la chaumière, c'est le centre du monde. Mais ses habitants meurent ou s'en vont, et la chronique prend fin. La chaumière reste à l'abandon pendant bien des années. Et elle se change en sphinx. A la fin, tout s'en est allé, si ce n'est les fondations.
Je suis déjà venu ici, d'une certaine façon, mais je dois repartir maintenant. Je plonge dans les taillis. On n'arrive à les traverser qu'en faisant un pas en avant et deux pas sur le côté, comme un cavalier d'un jeu d'échecs. Mais la forêt s'éclaircit peu à peu et la lumière revient. Mes pas s'allongent. Un sentier vient se blottir contre moi. Je suis de retour dans le réseau de communication.
Sue le pylône bourdonnant d'une ligne à haute tension, un scarabée s'est mis au soleil. Sous ses élytres luisants, les ailes reposent, aussi judicieusement repliées qu'un parachute empaqueté par un spécialiste .
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Je suis sur la montagne et contemple la baie.
Les bateaux reposent à la surface de l'été.
« Nous sommes des somnambules. Des lunes à la dérive. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent.

« Nous errons dans une maison assoupie.
Nous poussons doucement les portes.
Nous nous appuyons à la liberté. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent.

J'ai vu un jour les volontés du monde s'en aller.
Elles suivaient le même cours - une seule flotte.
« Nous sommes dispersées maintenant. Compagnes de personne. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent.
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I

Une lamaserie
et ses jardins suspendus.
Des tableaux de bataille.

*

Le mur de la désespérance...
Les pigeons vont et viennent
sans visage.

*

Les pensées sont à l'arrêt
comme les carreaux de faïence
de la couleur du palais.

*

Suis sur le balcon
dans une cage solaire ---
tel un arc-en-ciel.

*

Fredonne dans la brume.
Au loin un bateau de pêche ---
trophée sur l'eau.

*

Des villes miroitantes;
tons, légendes, mathématiques ---
bien que différentes.
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ANEMONES

Se faire ensorceler - il n'y a rien de plus simple. C'est
un des plus vieux trucs du printemps et de la terre:
les anémones. Qui sont inattendues, d'une certaine
manière. Elles surgissent des frémissements brunis de
l'année écoulée, en des lieux négligées où sinon le
regard ne s'arrêterait jamais. Elles flambent et elles
planent, oui, c'est ça, elles planent, ce qui est dû à la
couleur. Cette ardente teinte violacée qui n'a plus de
poids à présent. Car ici, c'est l'extase, même si elle est
assourdie. "La carrière" - chose déplacée! "Le pouvoir"
et "La publicité" - choses ridicules! Certes, ils
avaient arrangé une grande réception, là-haut à
Ninive, fait ripaille et moult ribotes. Rutilants - au-
dessus des têtes, les lustres en cristal flottaient, tels des
vautours de verre. A la place d'une pareille impasse,
encombrée et bruyante, les anémones ouvrent un cou-
loir secret vers une fête authentique, d'un silence
absolu.

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“Les Ratures du Feu

Durant ces mois obscurs, ma vie n’a scintillé que lorsque je faisais l’amour avec toi.
Comme la luciole qui s’allume et s’éteint, s’allume et s’éteint — nous pouvons par instants suivre son chemin
dans la nuit parmi les oliviers.

Durant ces mois obscurs, ma vie est restée affalée et inerte
Alors que mon corps s’en allait droit vers toi. La nuit, le ciel hurlait.
En cachette, nous tirions le lait du cosmos,
pour survivre.”
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Videos de Tomas Tranströmer (12) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Tomas Tranströmer
« Rares sont les auteurs suédois qui ont joué un rôle dans la littérature mondiale. Swedenborg (1688-1772) fut l'un d'eux […]. Un autre fut le Strindberg (1849-1912) des dernières années […]. » (Kjell Espmark)
« La voix de Tomas Tranströmer (1931-2015) est celle d'un homme de notre temps, un homme dont les poèmes nous apprennent qu'il a voyagé […] ; un homme qui est surtout très ordinairement père de deux enfants, qui prend sa voiture pour se rendre à son travail, dort parfois dans des hôtels, et plus souvent encore dans sa propre maison en Suède. […] Rien là qu'un lecteur de cette fin de siècle n'ait pu vivre lui-même. […] […] ses poèmes nous semblent […] un « parti pris des choses ». […] Un monde complexe s'étend sur la page : ainsi la nature suédoise, rugueuse sans être inhospitalière - des fortes profondes, des racines tortueuses, des fjords semblables à des déchirures dans la terre, des pierres partout, la neige surtout. […] Tranströmer ne se voue pas, en le recensant, à la banalité du monde contemporain. […] Trop humble, Tranströmer, c'est-à-dire trop rieur ; il déclarait discrètement éprouver ce litige en évoquant toutes ces « choses qu'on ne peut écrire ni passer sous silence » […] Qu'elle soit métaphore, analogie ou comparaison, l'image redouble la chose, la sort de cette indifférence où le langage que Tranströmer dit « conventionnel » la tient ; la sort de son idiotie en lui donnant un reflet, cette différence dont notre regard nécessairement la doue. Sans doute ce langage « conventionnel » suffit-il à désigner les objets que nous plions à nos usages : leur silence, c'est-à-dire leur façon d'être absents des mots, signale assez notre familiarité avec eux. Mais lorsque soudain nous réalisons leur présence dans son épaisseur et sa différence véritables, alors leur altérité radicale nous apparaît. Ni les noms communs ni nos usages quotidiens n'épuisent ce surplus […]. Ce surplus est l'appel auquel l'image répond […]. Réaliser, c'est prendre conscience et rendre réel ; c'est réponde à la nécessité que deux vérités s'approchent, « l'une de l'intérieur, l'autre de l'extérieur », l'une dicible, l'autre visible, et dialoguent par-delà leur séparation. […] Tel est le sens du face-à-face que crée la poésie. […] le pouvoir infini de création verbale qu'exprime l'image poétique est la métaphore de notre rapport infini au monde. Par lui, nous accédons à la conscience de ce qui nous dépasse. […] » (Renaud Ego)
« […]
Un an avant ma mort, j'enverrai quatre psaumes à le recherche de Dieu. Mais cela commence ici.
Un chant sur ce qui nous est proche.
Ce qui nous est proche.
Champ de bataille intérieur où nous les Os des Morts nous battons pour parvenir à vivre.
(Tomas, Tranströmer, Un artiste dans le nord) »
0:00 - Les pierres 0:45 - Kyrie 1:19 - de la montagne 2:03 - Sombres cartes postales II 2:20 - Haïkus I 2:31 - Haïkus X 2:45 - Générique
Référence bibliographique : Tomas Tranströmer, Baltiques, traduit par Jacques Outin, Éditions Gallimard, 2004
Image d'illustration : https://sis.modernamuseet.se/objects/83349/tomas-transtromer
Bande sonore originale : So I'm An Islander - Lonely Secrets We Had Lonely Secrets We Had by So I'm An Islander is licensed under a CC BY-SA 3.0 Attribution-ShareAlike license.
Site : https://www.free-stock-music.com/soimanislander-lovely-secrets-we-had.html
#TomasTranströmer #Baltiques #PoésieSuédoise
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