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EAN : 9782260029342
306 pages
Julliard (04/02/2016)
3.73/5   156 notes
Résumé :
Parce qu'elle devrait manger davantage et n'aurait pas dû s'ouvrir les veines à un si jeune âge, Bianca est admise dans l'unité psychiatrique pour adolescents de sa ville natale. Bianca ne s'élève pas contre cette décision. Elle ne se révolte pas. Même si elle ne voit pas en quoi le fait d'être enfermée et soumise à de multiples interdits peut atténuer la souffrance qui la détruit, Bianca se tait, obéit et regarde. Elle observe le monde chaotique qui l'entoure. Tous... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (66) Voir plus Ajouter une critique
3,73

sur 156 notes
Un banc sous un arbre, quelques pigeons s'y sont abandonnés. Une note de silence, la musique de ma vie. Je m'assois. Quelques oiseaux fredonnent leurs ébats envolés. Seul. Mon regard se pose sur cette grande bâtisse qui se dresse devant moi, à l'ombre du soleil. D'un autre âge, austère malgré son nom fleuri, j'ai la triste impression de me retrouver face à une prison sans barreaux. Les Primevères, HP. Ignition.

Des envies de respirer… Souffler… Mourir. Bianca, Simon et Raphael. L'ombre de Bowie aussi. Toujours présent dans ce genre de roman, les romans de Loulou. Je ferme les yeux, entends une voix. Major Tom ? Décollage imminent. Houston, j'ai un problème. L'anorexie, les peines de coeur, un cutter, les veines qui saignent, l'âme qui souffre, peine. Elle s'allonge sur le carrelage froid de la salle de bain. le sang coule, rouge sang, comme le rouge à lèvre d'une putain, comme le ketchup sur l'assiette du gamin. Dix, neuf, huit, elle lâche le cutter, sept, six, cinq, quatre, se réveille dans des draps blancs, trois, deux, un, odeur aseptisée, décollage.

Des infirmières, des visites, des absences. D'envie, de rêve. Se sentir seul, mal à l'aise dans cette putain de vie. Aimer. Et perdre. Can you hear me, Major Tom ? Renoncer. A vivre ; à mourir. Continuer, un couteau ? Pourquoi ? Survivre et chopper un cancer, le mal à la mode, irrémédiable et diablement banal. Survivre et rester sur ce banc à l'ombre de la lune. Bianca vient s'asseoir sur ce banc, je la regarde, avec toute la tristesse qui sied à mon regard. Je branche une double prise jack, deux casques, une musique, singularité spatiale de ces deux êtres, mal hêtre, les glands filent sous la pluie, comme une pluie de météorites. Elle a le regard déjà ailleurs, de l'autre côté de l'océan.
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Il était une fois un royaume dont la princesse s'appelait Bianca .
Il était une fois un palais appelé "Les Primevères", qui n'en était pas un , un palais qui était une unité psychiatrique pour adolescents . (Un palais qui ressemblait au pavillon des enfants fous de Valérie Valère ). A cet étage , il y a Clara, Simon, puis Juliette, Raphaël... et puis ... et puis Jeff , les infirmières et le docteur.
Et puis , bien sûr , il y a Bianca .
Princesse , c'est le surnom que lui a donné Simon, son petit ami , parce qu'elle est belle . Tout le monde le lui dit.
Mais elle est maigre aussi... Très très maigre .
On dit anorexique, même si ce mot ne lui plait pas . Elle est là , parce qu'un mois auparavant, elle a fait une tentative de suicide (une TS pour les intimes) . Oui, en plus d'être très , très maigre... Comme si elle voulait disparaître. Comme si elle voulait rejoindre le vide, le rien .
Il était une fois un palais où tous les enfants étaient fracassés . Mais pas par la vie . Oh non ! Juste par les adultes . Ceux-là même qui étaient sensés les protéger .
Et Bianca raconte très bien la souffrance des autres, la sienne .
Oh oui , elle raconte très bien . L'air de rien, avec légèreté, pudeur, révolte, humour, lucidité , intelligence .
De façon rock & roll, moderne, crue, poétique, classe, aristocratique...Mais Bianca est une princesse...
Alors , je ne sais pas dans quelle mesure ce roman est un roman ou un témoignage . Loulou Robert a 22 ans ou 24 (selon les sources...). Elle est la fille d'un grand journaliste ,comme Bianca , elle est très belle ( dans la vie , elle est mannequin) .
Comme Bianca , elle est très cultivée.
Comme Bianca , elle n'est pas bien grosse...
Mais, on n' a pas envie de lui poser la question tant elle a l'air fragile et aristocratique .
On ne pose pas ce genre de questions à une Princesse... Une princesse aux immenses yeux couleur algues vertes...
Bouleversant et magique !
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J'ai lu Hope, la suite, avant Bianca, le début. J'ai préféré Hope, son errance dans New York, son atmosphère, ses personnages énigmatiques et aériens, et tant mieux, finalement, parce que cela veut dire que Loulou Robert (fascinante beauté, je viens encore de regarder des photos, c'est extraordinaire d'être belle comme ça !) progresse dans son écriture.
La qualité du texte est déjà là : écriture vivante, on entend clairement la voix de Loulou, une voix qui nous parle, et c'est l'essentiel du talent d'écrivain. Bianca est anorexique, c'est une des formes contemporaines de l'éternelle mélancolie de certaines âmes. Sa tristesse est en réalité sans nom et sans raison (le poème de Verlaine "il pleure dans mon coeur..." est fort pertinemment cité et "expliqué" pour les Nuls dans le roman "c'est bien la pire peine/De ne savoir pourquoi/sans amour et sans haine/Mon coeur a tant de peine.) Bianca est enfermée en hôpital psychiatrique (HP pour les intimes ) et elle rencontre Clara, Simon, Sam, Raphaël, Jeff, d'autres "fous" que le personnel médical tente de rendre "normaux". Enfin, c'est l'impression que ça donne, je ne sais pas si c'est vrai, quelle est la part de dressage dans ces thérapies. On la pèse, un psychiatre essaie de la faire parler, elle vit des expériences avec ses camarades...Qu'est-ce qui la soigne le plus ? On a bien l'impression que ce sont ses conversations avec Jeff, le sage interné, seul adulte à sembler avoir compris quelque chose au monde, à savoir qu'il vaut mieux vivre sans trop de regrets avant de mourir, comme lui, d'un cancer.
Point de grands élans lyriques ni de guérison miraculeuse, point de mièvrerie, de bons sentiments. Des douleurs et des blessures qu'on tente de soigner chez ces adolescents, parce qu'il faut vivre. Pourquoi ? Parce que cela offre aussi des joies : un petit frère qui vous aime, un garçon qui vous trouve belle et vous aime, une mère qui se réveille, un père qui vous propose New York...
Bon, d'accord, ce n'est pas feel-good niaiseux, mais c'est beaucoup beaucoup mieux. C'est une vraie voix qui nous parle de la vraie vie. Un très bon texte, quoi, qui fait sentir et réfléchir.
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Depuis " le pavillon des enfants fous " de Valérie Valère, je n'avais rien lu sur ce terrible fléau qu'est l'anorexie. le hasard a voulu que je tombe sur l'histoire de Bianca, une jeune adolescente de 16 ans qui, après une tentative de suicide, se retrouve en hôpital psychiatrique.
Dans son récit, elle nous parle de son mal être, de ses journées dans l'établissement " les primevères ". Elle nous décrit son univers, ponctué de rencontres avec le personnel soignant, d'un psychiatre, de Clara son amie de chambre mais également de ses histoires de coeur entre Simon et Raphael, de son amour pour la lecture qui tient une place de choix durant son séjour. Et puis il y a Jeff, ce bon vieux Jeff, pour lequel Bianca se prend d'affection, Jeff un pauvre ère dépressif depuis la perte de sa fille, qui lui remonte le moral tandis que son état se dégrade. Jusqu'au jour fatidique où, sur la pointe des pieds, délivré, libéré du cancer qui le rongeait, il rejoint les étoiles, une épreuve douloureuse pour la jeune fille.
Bianca, est un livre écorché d'une jeune adolescente en perte de repères, mal dans sa peau, mal dans sa vie, mal dans son corps. Bianca c'est un combat entre les forces du bien et les forces du mal, entre la vie et la mort qui accroche le lecteur du début jusqu'à la fin, cette faim que son estomac refuse.
Un témoignage édifiant de Loulou Robert sur l'anorexie toujours présente dans notre société, particulièrement dans le milieu de la mode où la maigreur défile sur les podiums de haute couture sous le crépitement des flashs et les applaudissements d'une élite friquée triée sur le volet.
Une mise à nue de Loulou Robert sur un sujet épique dont elle est sortie indemne, ce qui ne fut pas le cas de Valérie Valère, de Solenn Poivre d'Arvor et de bien d'autres disparues dans l'anonymat.
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Une très belle surprise ce premier roman. D'autant plus belle qu'il partait chez moi avec pas mal de handicaps. le thème d'abord, l'adolescence et ses tourments, n'est vraiment pas de ceux que je préfère. L'auteure ensuite, jeune mannequin de 22 ans, enfant de (Loulou est la fille de Denis Robert, le journaliste qui a fait exploser l'affaire Clearstream), et donc forcément déjà très médiatisée avant même la sortie du livre (double page dans ELLE quand même). de quoi agacer... Eh bien disparu l'agacement, dès les premières lignes. Justesse de ton, légèreté de l'écriture... Embarquée tout de suite, j'ai littéralement dévoré ce livre.

Il faut dire que le personnage de Bianca est particulièrement bien campé, loin des clichés et malgré la difficulté du sujet. Bâti à partir d'éléments autobiographiques, il est plein de vérité et surtout extrêmement touchant. le roman la suit pendant une dizaine de mois, aux Primevères, une unité de soins psychiatrique où elle séjourne après une tentative de suicide. Bianca a 16 ans, plus aucun appétit et une terrible sensation de vide. Autour d'elle, ses compagnons de chambrée semblent tous avoir une bonne raison d'être là, leur mal-être étant relié à un événement traumatisant. Bianca, elle n'a aucune idée d'où lui vient ce vide qui l'a poussée à vouloir s'endormir une fois pour toutes. Aux Primevères, elle observe avec acuité ceux qui l'entourent, médecins et infirmières, elle se lie d'amitié avec Jeff, un vieux monsieur dépassé par le chagrin d'avoir perdu sa fille, elle se recrée une sorte de vie sociale. L'enfermement n'élude pas les sentiments. L'amour, l'amitié, la relation à l'autre sont autant de bouées qui aident Bianca à nager et à dépasser ses pulsions de tristesse morbide.

Dans son cheminement vers la guérison, les mots jouent un grand rôle. Alors que les livres lui sont d'abord interdits car ils l'empêchent de se confronter à la réalité en lui proposant sans cesse de nouvelles opportunités d'évasion, ce sont finalement les textes et les poèmes des grands auteurs (Dostoïevski, Verlaine...) étudiés un peu plus tard pour rattraper ses cours qui l'aident à mieux comprendre ses sensations et à avancer. Tout comme la belle relation avec Jeff, grand-père (ou père) de substitution et la découverte du sentiment amoureux avec Simon.

Dans ce récit d'un lent retour à la vie, aux sensations, au désir, tout sonne juste. Loulou Robert parvient à faire toucher du doigt cet état de perturbation adolescente, de questionnement sans fin sur le monde, sur son environnement, avec beaucoup de délicatesse. Peut-être parce qu'elle n'est finalement pas si loin de cet âge qu'elle a laissé derrière elle et qu'elle en éprouve encore les sensations dans sa chair. Encore fallait-il le traduire en mots. C'est fait et bien fait. Et l'on devine qu'ils lui ont déjà été utiles ces mots pour grandir.

Touchée, et presque coulée dans les dernières pages par le simple jeu d'un point d'interrogation. de l'art de faire jaillir l'émotion. Bravo.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Citations et extraits (79) Voir plus Ajouter une citation
On peut mentir en souriant ou oser dire la vérité. Dire que rien ne va, que le lycée on le hait et qu’à force d’aller mal on a oublié ce que l’on aimait faire. Rares sont ceux qui osent dire la vérité. Simon, lui, a osé. Simon, lui, il ose tout.

Aujourd’hui je me rends compte que ce n’est pas nous qui sommes fous, c’est le monde qui est fou. Et si on est abîmés c’est parce qu’on s’en est aperçus.

Tout le monde fait semblant. Le mensonge comme instinct de survie. Certains dérogent à la règle de l’illusion. Ils sont montrés du doigt. Ils dérangent le beau, le normal, le rond, le simple. Déprimés, dépressifs, malades, perturbés. Moi je crois qu’ils sont simplement lucides.

Les rides du bonheur passé. Elle riait sûrement beaucoup avant de travailler dans cet hôpital. C’est ce métier, je crois, à force de voir des gens qui vont mal, petit à petit vous finissez par ne plus aimer la vie. Et le bonheur disparaît en laissant ses petites marques sur votre visage.

Je retire ma serviette et plonge. Ma tête heurte le bassin d’une grand-mère. Les os des vieux sont moins durs que les nôtres, le temps les ramollit. J’ouvre les yeux, sa peau pendouille. C’est moche.

Je prends ma respiration. Mes poumons se remplissent d’air, je descends. La tête sous l’eau, je garde les yeux ouverts et vais m’asseoir au fond du bassin. L’eau étouffe les voix, tout est calme. Je veux rester, mon corps proteste. Il s’agite, je m’accroche à la dernière marche de l’échelle. Les veines de mes tempes gonflent. J’entends le bruit de mon sang, il tape. Encore quelques secondes, le jeu est risqué. Je ferme les yeux. Si je gagne, les veines éclatent. Mon cerveau explose, et répand sa matière. La piscine est noire. Je suis libre. Si je perds...

C’était avec le petit cutter qui sert à ouvrir les boîtes en carton. Je ne me souviens pas de grand-chose. Je ne voulais pas tacher le tapis du salon, alors j’ai été dans la salle de bains. Je voulais dormir, me vider de toute cette douleur. Mourir ? Non, je ne crois pas. Quand on veut vraiment mourir, on se fout de faire des taches. J’ai fermé les yeux. Le sang coulait, ça ne faisait pas mal.

Dans certains pays, le suicide est interdit. Offense à Dieu, contre-nature, immoral, péché, déshonneur, crime, enfer. D’un point de vue catholique, le suicide est criminel, sauf chez les fous. Ça va, je n’irai pas en enfer. Je me marre.

Si on va plus loin, Dieu, si tu es là-haut, au paradis comme tu dis, pourquoi me reprocher de vouloir te suivre ? C’est pécher que de vouloir te rejoindre, quitter un monde pour un autre ? Dis-moi, Dieu. Parle plus fort, je ne t’entends pas. Toujours pas. Alors quoi ? Tu vas l’envoyer en enfer ? Douze ans et au diable. Sympa Dieu, je ne t’entends toujours pas. Rigolo ce Dieu qui ne se voit pas, ne s’entend pas. Même les fous n’entendent pas ta voix. Tu appelles ça péché, mais c’est toi qui l’as créé. La douleur, le malheur, tu connais, non ? Dieu, plus fort. Alors, rien ? J’abandonne. Va au diable, Dieu. Chez les bouddhistes, ce qui compte, ce n’est pas l’acte en soi mais ce qui nous a poussés à agir. Le pourquoi. Le malheur ? La mort serait suivie d’une renaissance dans la vie suivante. Plus belle, plus grande. Réincarnation. Je te vois papillon, Juliette, comme sur tes dessins.

J’aime pas quand on est fâchés, lui et moi. Les autres, je m’en fous mais Simon c’est pas les autres.

Je me retrouve seule dans le jardin sur le banc sous le magnolia. J’ai mal au cœur. Mais au moins, je ressens quelque chose. Et ça, c’est déjà bien.

— Ton cas relève de l’obsession. Tu lis pour ne pas penser. Tu te réfugies dans tes livres, ce qui t’empêche d’avancer et de te concentrer sur toi.

Ça vous est déjà arrivé de sortir de votre corps et de vous voir de l’extérieur ? Je me regarde : affaiblie, diminuée, impuissante et je me trouve pathétique. Un fœtus de seize ans, écorché par la vie. C’est mauvais, Bianca. Allez debout, réveille-toi.

Les jours ne comptent plus. Ils ne sont plus des repères, juste des jours. Simon était mon horloge. Les aiguilles vers mon cœur.

Je sais que si je veux un jour sortir d’ici, il va falloir que je prenne du poids. Il a raison, je marche sur le fil. Je suis à la limite. Comme si je n’avais pas encore choisi. Vivre ou mourir. Je me maintiens, je stagne mais je n’avance pas.

C’est dur de se voir vieillir quand on a un jour été la plus belle. Celle que les hommes désiraient, les femmes jalousaient. Je comprends mamie. Les années passent, les seins tombent, la peau se détend, les muscles fondent, les cheveux se clairsèment, la peau se creuse, le corps se tasse. Les douleurs au dos, aux jambes, la fatigue. Je suis malade. Non mamie, tu vieillis. Ce n’est pas la maladie, c’est la vie.

J’ai toujours aimé le début de l’hiver, juste les premiers jours quand tu vas à l’école et qu’il fait encore nuit et qu’en en sortant il fait toujours nuit. Il y a quelque chose d’assez magique je trouve.

Il souffle sur la bougie, la flamme s’éteint. Une autre s’allume quand il m’embrasse.

J’ai cru à l’existence du Père Noël jusqu’à mes dix ans. D’après ma famille et les gens de mon école, c’était très tard. Pour moi, c’était trop tôt. On a toujours besoin de croire en quelque chose, surtout quand on est enfant.

J’ouvre les yeux, on est le 24 décembre. Je me rappelle ce que je ressentais, quand j’étais petite. J’étais heureuse, je crois.

Quand j’avais l’âge de Lenny, je voulais moi aussi empêcher les gens que j’aime de mourir, et vivre pour toujours avec eux. Ma vision de la vie et de la mort a quelque peu changé. Non pas que je souhaite la mort de mes proches... mais j’ai souhaité la mienne.

Certains disent que les gens qui tentent de se suicider sont égoïstes. En un sens, ils ont raison. Mais ceux qui tiennent ces propos ne savent pas ce que c’est de n’avoir plus goût à rien. D’être mal au point d’en oublier les personnes que l’on aime et d’être prêt à en être séparé pour toujours. Ce n’est pas une vie que de vouloir mourir. Il fallait que ça s’arrête.

Enfant, je me posais déjà beaucoup de questions du style : « Est-ce que je préférerai être incinérée ou enterrée ? » La question de ma mort. À sept ans, on ne devrait pas penser à ce genre de chose. Les deux options me terrifiaient. Être jetée au feu, et terminer en cendres ou finir sous terre bouffée par des vermines. Il y a de quoi faire peur à une petite fille. Je rêvais de trouver une potion qui me permettrait de rester jeune éternellement. Mes peluches et ma famille auraient vécu pour toujours avec moi. J’ai grandi. L’éternité, c’est chiant et c’est rien. Ce qui n’a pas de fin ne peut exister. On a besoin d’une porte, d’un mur, d’un anniversaire, d’une frontière, d’un cercueil qui marque une limite. Je crois que l’on ne réalise pas vraiment ce que le mot « rien » signifie. Notre cerveau ne peut se le représenter. Pour moi, les gens qui passent à l’acte veulent juste dormir. Une longue sieste pendant laquelle on ne souffre plus. C’est ça l’idée que je me faisais de la mort.

On peut avoir des cancers partout et de tout. Un jour on te demandera quel est ton cancer comme on te demandera quel est ton nom.

On ne cherche pas un cancer, c’est lui qui vous trouve. Alors ça sert à quoi de vivre planqué derrière une vie saine à base de cinq fruits et légumes par jour, sans alcool, et sans risques. À rien si ce n’est à se faire chier toute sa vie.

Ça m’a toujours emmerdée de vieillir. Petite, je disais aussi que je préférais mourir jeune d’un accident pour ne jamais vieillir et rester jeune éternellement.

Mes parents auraient dû se séparer il y a des années afin de sauver ce qu’il restait de leur couple. Aujourd’hui, il ne reste plus rien à part Lenny et moi. Il n’y a plus d’amour entre eux mais deux enfants. Nous sommes le fil qui les relie.

Les années ont passé, un mariage a eu lieu, une maison a été achetée, un job à plein temps a été accepté, deux enfants sont nés et une nouvelle blessure est apparue. Celle de l’usure. Il n’y a rien de plus triste qu’un amour usé.

Il est quatorze heures, elle s’assoit par terre sur le tapis du salon, avec un cocktail au rhum, et reste devant l’écran. Pendant quelques heures, elle a l’impression de combler le vide, sauf que quand elle éteint le poste, le vide est toujours là. La télé reste allumée, même quand elle n’est plus devant, pour le bruit de fond. Le silence angoisse, le son des voix rassure.

Ça vous est déjà arrivé de vous réveiller, et d’être persuadé de la véracité de votre rêve ? Croire pendant quelques instants que votre rêve n’en était pas un. Vos fantasmes se sont réalisés pendant la nuit. Vous êtes loin, vous êtes riche, vous êtes aimé. Puis, la réalité vous frappe, et vous ramène sur terre. Ce n’était qu’un rêve. La redescente est parfois violente.

J’ai beau chercher, je n’arrive pas à comprendre pourquoi j’ai un jour commencé à aller moins bien. J’ai toujours été particulière, différente des autres. Un jour, je me suis réveillée et la différence était devenue un abîme, je suis tombée dedans. Il y faisait tout noir.

Je ne lui ai jamais révélé la vérité. Je n’ai rien ressenti. Le suicide de mon professeur ne m’a pas touchée. J’étais déjà anesthésiée du cœur. Pour être normale et rassurer ma mère, j’ai pleuré.

C’est dangereux, l’amour, et tellement compliqué. Pourquoi on l’aime lui et pas un autre ? C’est dur de raisonner. Pourquoi on décide de faire des enfants, de se marier, de passer sa vie avec une personne ? Pourquoi elle ? On peut répondre : Parce que je l’aime. Parce qu’il m’apporte le calme, et la sécurité. Parce qu’avec lui je ne m’ennuierai jamais. Parce qu’il sera un bon père et que je sais qu’il m’aime. Parce qu’il est fou de moi et qu’il me fait prendre mon pied. Parce que je pourrais continuer pendant des pages et des heures. Moi, je ne sais pas. Pourquoi Simon et pas Raphaël ? Parce que c’est lui. C’est tout. Je le sens. Avec Simon, je suis moi.
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- Bonjour, mesdemoiselles.
- Non Édith, non. Il n'est pas encore huit heures.
- Huit heures moins dix, Clara. Je suis en avance de seulement dix minutes.
N'importe quoi, tu n'as rien compris, Édith. Dix minutes, c'est regarder la moitié d'un épisode de Friends, dire six cents fois "merde", embrasser quelqu'un de la tête au pied, faire l'amour, faire un bébé, boire un litre de jus d'orange, perdre des millions, sauter du six centième étage et s'écraser la tête contre le béton, rater une coupe de cheveux, écouter trois fois "All you need is love" des Beatles, tuer quelqu'un, épouser quelqu'un, faire exploser une bombe. Compte à rebours, dix minutes. Alors, non Édith. Une vie peut changer en dix minutes. Regarde, là, je pourrais très bien avoir un flingue et tuer toutes les personnes du service, toi y compris, prendre l'ascenseur, descendre les six étages et sortir de l'hôpital. Tout ça en dix minutes.
Il ne faut pas parler du temps comme ça.
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Il est dix heures, je lis Baudelaire allongée sur mon lit. Le poison.

L'opium agrandit ce qui n'a pas de bornes,
Allonge l'illimité,
Approfondit le temps, creuse la volupté,
Et de plaisirs noirs et mornes
Remplit l'âme au-delà de sa capacité.

J'entends Édith hurler. Un cri qui vous glace le sang, le même que celui que ma mère a poussé en me retrouvant gisant sur le sol de la salle de bains.
Clara et Raphaël sont en cours de relaxation. Moi je ne me sentais pas bien, le mal de ventre ça marche toujours. Et Simon revenait d'un rendez-vous avec le conseiller d'orientation. Vous savez, c'est ce mec qui ne sert strictement à rien, si ce n'est à semer le trouble dans votre esprit. C'est vrai, non ? Je me rappelle en avoir vu un en seconde. Je lui ai dit que j'aimais les livres et il m'a envoyée en section scientifique. Je lui ai dit que je ne me sentais pas bien au lycée et il m'a envoyée en section scientifique. A rien, je vous jure.
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C'est un mot qui fait tout de suite flipper. Le cancer. Mais aujourd'hui, il est presque devenu normal d'en avoir un. Tu nais dans un monde où tu as une chance sur trois d'avoir un cancer dans ta vie. Et attention, il y a le choix. Cancer du sein, de la prostate, des poumons, du côlon, de la bouche, de la peau. C'est dingue, vous saviez qu'on peut même avoir un cancer du nez ? On ne pense jamais à ce genre de choses jusqu'au jour où un mec t'annonce que tu as un cancer du nez. On peut avoir des cancers partout et de tout. Un jour, on te demandera quel est ton cancer comme on te demandera quel est ton nom.
" Et vous, c'est quoi votre petit cancer ? Oh, moi, c'est un cancer du cul. Oh comme c'est original, je ne le connais pas celui-là."
Je rigole, mais je sais que c'est pas drôle. Ma grand-mère maternelle est morte il y a quatre ans d'un cancer. Ça a commencé par une douleur à la poitrine et ça a fini le 24 juin 2011 au cimetière de Saint-Georges.
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- Oui, j'aime les livres . Il n'y a pas de mal à ça, pas vrai?
- Non, il n'y a aucun mal à aimer quelque chose . Et je pense qu'aimer lire en est une bonne mais un livre par jour, c'est trop Bianca .
- Il n'y a rien à faire ici . En général , on reproche aux gens de ne pas assez lire , pas l'inverse . Avec vous, quoiqu'on fasse, c'est toujours mal .
- Ton cas relève de l'obsession . Tu lis pour ne pas penser . Tu te réfugies dans les livres , ce qui t'empêche d'avancer et de te concentrer sur toi .
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Vidéo de Loulou Robert
« J'aurais pu être un millier de choses, mais j'ai choisi de consacrer ma vie à aimer. » Dès qu'elle le voit, elle scelle un pacte avec elle-même : il sera à elle. Il lui prend la main. Elle le suit à Paris. Il devient journaliste. Elle, sa groupie. Elle l'aime, le hurle, le pleure. Rien d'autre n'a d'importance. Elle est jalouse, dangereuse, prête à tous les excès. Elle veut qu'il la regarde encore, qu'il l'aime comme elle l'aime. Sans limites. À coups de phrases courtes et sans artifices, Loulou Robert fait ici le récit d'un amour sacrificiel, tragique et sublime, un amour au quotidien, taillé pour l'éternité. Elle raconte les failles, la folie et la dévotion d'une femme pour un homme. Elle dit la maternité, la vieillesse, la solitude, l'usure d'un couple. Elle dit la vérité d'un corps et de ses cicatrices. Toute une vie à aimer.
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