Les Arabes ont osé deux choses qu'aucune grande civilisation n'avait osé : nier le passé, un passé-ténèbres d'une part, et occulter le féminin d'autre part. Or le passé et le féminin sont les deux pôles qui permettent de réfléchir à cette source de toutes les terreurs : la différence.
Car comment distinguer le nouveau si l'ancien est interdit de "voir", si la Jahiliya (période pré-islamique) est trou noir, ténèbres existentielles ?
Et comment, dites-moi, distinguer le masculin, si le féminin est interdit de "voir", si la féminité est trou noir, béance-silence et visage-absence ?
Citant Hichem Djaït : "Je me sens humilié d'appartenir à un Etat sans horizon ni ambition, autoritaire quand il n'est pas despotique, où ne se trouvent ni science, ni raison, ni beauté de la vie, ni culture véritable. Cet Etat me réprime, et dans cette société provinciale, ruralisée, j'étouffe, comme je souffre d'être dirigé par des chefs incultes et ignorants. En tant qu'intellectuel, je vis une névrose et il est humain et légitime que je projette mon malaise sur ma société, mais les révoltes populaires sont là pour témoigner que ce malaise n'est pas une construction d'intellectuel."
Citant Daryush Shayegan : "Ce qui arrive aujourd'hui avec les intégrismes de toutes sortes non seulement ne renouvelle pas l'esprit de l'Islam, mais en fait un cortège funèbre de rêves pétrifiés qui va se perdre dans le sable du désert. L'intégrisme rabaisse l'intelligence au niveau des réflexes émotionnels et viscéraux. Et toute chute de l'intelligence porte en elle-même les germes de la décrépitude."
L'Islam est probablement la seule religion monothéiste dont l'exploration scientifique est systématiquement découragée, pour ne pas dire interdite, car un Islam rationnellement analysé est difficile à mettre au service des despotes. En tout cas, l'histoire musulmane dont nous disposons est celle commandée par les vizirs pour les besoins des palais des khalifes. Passer sous silence ce que le peuple pense de l'imam est la priorité dans cette mise en écriture de la mémoire.
On ne peut s'empêcher de constater que les leaders des mouvements fanatiques sont souvent invités à parler aux télévisions européennes, et rarement nos philosophes et nos penseurs jouissent de tels privilèges. Toute la dynamique progressiste est ignorée par les médias occidentaux, répercutant ainsi à l'échelle internationale les opérations médiatiques des despotismes locaux.