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EAN : 9782330109325
304 pages
Actes Sud (05/09/2018)
4.05/5   49 notes
Résumé :
En avril-mai 1988, l'affaire de la prise d'otages de la grotte d'Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie, s'est soldée par une intervention militaire et un bilan de 21 morts, dont 19 Kanaks. Parmi eux, Alphonse Dianou, vingt-huit ans, meneur charismatique du FLNKS. Parti enquêter sur ce personnage complexe, Joseph Andras a rencontré, sur un atoll du bout du monde, des citoyens français dont beaucoup rêvent d'indépendance. Un livre qui entend participer au débat alors que s'org... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Le 22 avril 1988, avant-veille du premier tour de l'élection présidentielle, quelques dizaines d'indépendantistes, emmenés par Kahnyapa Dianou, Alphonse de son prénom français, investissent une gendarmerie de l'atoll d'Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie. Joseph Andras collecte les témoignages des proches d'Antoine et des principaux témoins, pour comprendre qui il était, les livre avec ses analyses, intercalés avec le récit de la prise d'otages, comme autant de pièces d'un puzzle qui, petit à petit, va éclairer la personnalité de celui qui fut qualifié de terroriste par la presse et les autorités.
(...)
Joseph Andras pare son enquête journalistique des attraits de la littérature. Avec patience, curiosité, une langue précise comme un scalpel, il livre un récit très personnel, un portrait respectueux et soucieux de justesse.


Compte-rendu de lecture sur le blog :
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Après un formidable et très remarqué « de nos frères blessés » (Goncourt du premier roman 2016, prix refusé par l'auteur), Joseph ANDRAS, reprend sensiblement les mêmes ingrédients un peu plus de deux ans plus tard pour ce « Kanaky ». Récit historique basé sur les tristement célèbres événements de la prise d'otages de la grotte d'Ouvéa en Nouvelle-Calédonie en avril/mai 1988.

Même si les relations, bonnes et surtout mauvaises, entre la France et la Nouvelle-Calédonie sont anciennes, avec ces drames, ces meurtres, ces déroutes (l'auteur en dresse un bref historique très instructif) le point culminant semble se profiler avec le « référendum Pons » sur l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en septembre 1987 et le boycott par les indépendantistes, suivi du « statut Pons » en 1988, très défavorable aux « Kanak » (les indépendantistes). Puis c'est l'escalade jusqu'à l'attaque de la gendarmerie de Fayaoué le 22 avril 1988 par les indépendantistes, tuant quatre gendarmes avant la prise d'otages dans la grotte Watetö de l'île d'Ouvéa qui se soldera par 19 kanak tués ainsi que 2 gendarmes.

Cela, ANDRAS le raconte à merveille dans ce bouquin historique très documenté, très militant, très critique sur la politique française de colonisation en Nouvelle-Calédonie. le but avoué du projet littéraire : « Comprendre qui était Alphonse DIANOU, par-delà la prise d'otages suffisamment documentée, et saisir ce qui le mit en mouvement ; raconter à travers la trajectoire d'un individu une lutte collective aux racines fort anciennes ; donner la parole à celles et ceux que cette histoire implique en premier lieu et n'être qu'une courroie, narrateur assemblant comme il le peut les morceaux vivants et disparus ».

Au coeur de ces événements, Kahnyapa DIANOU (Alphonse DIANOU pour la France), chef de file du mouvement indépendantiste kanak aux côtés de Jean-Marie DJIBAOU le « leader » du FLNKS (Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste). DIANOU est l'un de ces utopistes non violents adepte de GANDHI, que le pacifisme a forgé mais aussi déçu. Les témoignages sont formels : DIANOU, homme croyant, d'une foi pure, contre l'usage des armes à feu, ne peut avoir tué de gendarmes ni même ordonné de tirer sur eux. Répondre sur ce point est d'une importance capitale car DIANOU est mort lors de l'attaque de la grotte d'Ouvéa par des forces françaises soucieuses d'en libérer les otages.

C'est d'autant plus crucial que l'assaut des forces de l'ordre a lieu pendant l'entre-deux tours de l'élection présidentielle française durant laquelle chiraquiens et mitterrandiens ne vont cesser de s'envoyer des peaux de bananes ou des savonnettes mouillées entre les pattes. Tous les coups sont permis ! Il semble que c'est bien du côté de l'atoll d'Ouvéa que le résultat final se joue, l'enjeu politique calédonien est énorme, donc chaque parti va mettre le paquet, oubliant juste accessoirement que derrière cette tragédie il y a des êtres humains et un peuple. le contexte politique de l'époque en métropole est majeur et biscornu dans cette affaire : en effet, depuis 1986 la France vit sa première cohabitation, la gauche préside mais la droite décide, les couteaux sont aiguisés et les grenades prêtes à exploser, d'autant que les médias sont friands de cette lutte sans merci entre deux partis politiques historiquement ennemis, le P.S. et le R.P.R.

Dans cette quête de la vérité, ANDRAS réalise un vrai travail journalistique, collectant les archives, allant sur place rencontrer divers témoins de tous bords, maîtrisant jusqu'à la perfection la mise en place et en scène des indices car, s'il sait bien d'où il vient, il n'en oublie pas sa famille de combat, celle du coeur : « ʺJ'aimais la Franceʺ, écrivit encore le général dans ses mémoires ; je l'aimais aussi, sans imparfait, mais s'il faut un récit au pays, n'empruntons pas la plume des puissants – le nôtre s'écrit à l'encre des omis, des sans-parts, des incomptés, de ceux ʺqui ne sont rienʺ ». Deux fils conducteurs se répondent à chaque chapitre : son enquête actuelle et, en italiques, les événements de l'époque, jour après jour, présentés sous forme de compte à rebours jusqu'à l'attaque de la grotte. C'est extrêmement minutieux, extrêmement sérieux et, ce qui ne gâche rien, extrêmement bien écrit.

Le boulot d'ANDRAS n'est pas sans rappeler celui d'Eric VUILLARD : s'appuyer par exemple sur une photographie pour la faire parler, lui faire raconter le passé, jusqu'à désincarcérer le détail. Tout comme dans « de nos frères blessés », ANDRAS s'insurge contre la colonisation. La première fois elle était traitée pendant la période de la guerre d'Algérie avec la figure de Fernand IVETON, militant communiste guillotiné par l'État français, ici elle est dénoncée par le biais de DIANOU et du drame d'Ouvéa. Et les deux résultats littéraires sont proprement prodigieux. ANDRAS est déjà un grand à seulement 35 ans. Sa force est aussi dans son intérêt plein mais mesuré, sa compassion non aveugle. Il ne voit pas en DIANOU une figure parfaite à laquelle lui, Joseph ANDRAS, aurait aimé ressembler : « J'admets n'être guère sensible au verbe religieux d'Alphonse DIANOU et de certains des siens, fondations matérialistes obligent, mais là n'est plus la question puisqu'ils ont une réponse, la seule qui vaille, Dieu ou non, en cette Terre combien mal ficelée : ne pas plier ».

Avec ce « Kanaky » il frappe très fort, et son bouquin sorti chez Actes Sud peu après la grand-messe de la rentrée littéraire 2018 ne s'est de fait positionné sur aucun prix. Pourtant il est à mon avis sans doute LA véritable sensation de cette rentrée, un sans-faute absolument éblouissant et se terminant comme une apothéose avec une bibliographie solide et même très imposante sur le sujet développé, pour bien montrer que l'auteur n'a rien laissé traîner. Son enquête lui aura pris deux ans et demi de sa vie, et le moins que l'on puisse dire est que ce ne fut pas du temps perdu. Bravo.
https://deslivresrances.blogspot.fr/

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Avec ce troisième ouvrage, Joseph Andras a encore une fois le don de nous emmener où l'on ne l'attend pas, du moins génériquement parlant, les thématiques restant, quant à elles, éminemment politiques. Et encore une fois, j'ai complètement adhéré.

Après de nos frères blessés, roman qui nous renvoyait aux heures les plus sombres de la guerre d'Algérie, et S'il ne restait qu'un chien, récit poétique qui nous décrivait avec une prodigieuse force le port du Havre, Kanaky retrace le cheminement réalisé par l'auteur pendant trois ans pour mieux comprendre la tragédie qui s'est produite à la grotte d'Ouvéa en 1988, aux conséquences funestes, avec 21 morts dont 19 kanaks. Cet évènement, qui a eu lieu pendant l'entre-deux tours de la présidentielle entre Jacques Chirac et François Mitterrand en Nouvelle-Calédonie, et qui a connu maintes versions selon les protagonistes interrogés, notamment en raison du caractère controversé, et politique de son dénouement, est ici décortiqué, avec toujours, comme fil conducteur, Alphonse Dianou, l'un des instigateurs de la prise d'otages, qui devait rester pacifique, et dans tous les cas celui qui était considéré par tous, ou presque, comme le meneur.

Afin de connaître le fin mot de l'histoire, à l'aune du référendum de 2018 pour l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie, sur celui qui est devenu pour beaucoup un terroriste en France métropolitaine, mais un héros martyr en Nouvelle-Calédonie, Joseph Andras se rend sur place, échange avec ceux qui ont connu Alphonse, ceux qui auraient aimé le connaître, découvre les lieux qui ont fait son histoire ; recoupe les informations en lisant de nombreux ouvrages, articles, etc. sur le sujet ; enquête, en somme, sur une affaire d'Etat qui garde encore ses parts d'ombre, et sur un personnage, objet de fascination, notamment pour l'auteur, mais qui n'en reste pas moins très objectif ; enquête dans laquelle je me suis très vite laissé embarquer et que j'ai trouvé remarquablement écrite, tout comme les autres ouvrages que j'avais déjà pu lire de cet auteur, bien que celui-ci ne se veuille pas une oeuvre de fiction.
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Il s'agit ici d'un portrait d'Alphonse Dianou, le meneur la prise d'otage d'Ouvéa en Nouvelle-Calédonie » en 1988 par des indépendantistes kanaks, qui se termina tragiquement.
Ce « récit » (il ne s'agit pas d'un roman) est aussi une enquête menée sur place par Joseph Andras qui rencontre les témoins de cette tragédie et les proches de Dianou, une enquête qui alterne habilement avec la recension de la prise d'otages vue sous divers angles et qui met particulièrement en valeur le rôle néfaste et intéressé (criminel ?) des politiques en pleine élection présidentielle.
Le portrait dressé par l'auteur d'Alphonse Dianou est ici loin de celui qui fut fait à l'époque par les médias métropolitains et les politiques alors au pouvoir.
Au delà de ces événements, ce livre est aussi une réflexion sur le tropisme colonialiste de la France, aux conséquences sanglantes encore en 1988.
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Quête tout autant qu'enquête journalistique, voilà un recueil de témoignages et le fruit d'un important travail bibliographique auquel l'auteur a consacré plusieurs années. J'ai aimé le style et les images poétiques bluffantes dans les descriptions et restitutions d'ambiances, le ton impliqué mais pas partial avec la minutieuse collecte de témoignages sur le terrain. le petit côté répétitif qui en découle ne m'a pas dérangée parce qu'il alterne avec des flashbacks historiques pour une progression de notre compréhension par la tête et le coeur. On perçoit souvent les entretiens comme de vrais rencontres par l'intérêt aiguisé et contagieux que leur porte l'auteur. C''est bien plus qu'une accumulation à charge: presque à chaque fois un ajout d'humanité, de sens, d'une perspective non européenne. À cela s'ajoutent les implacables informations historiques qui ne sont pas pour redorer le blason d'une politique pourtant pas si ancienne, "pas à la hauteur des valeurs de notre République" selon les dires d'un ancien responsable du Gign. Cerise sur le gâteau, les réserves de l'auteur conscient de l'usure du temps sur la mémoire, modestie de celui qui a écrit ce livre à temps, livre attendu par beaucoup de calédoniens à en croire les témoignages et qui rend sa dignité à cette figure kanak peu connue. Signé une française de la métropole ayant l'impression d'avoir été longtemps vaguement au courant de ces événements qui nous concernent pourtant au plus haut point !
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critiques presse (1)
LeMonde
02 novembre 2018
Chercher le point de bascule, quand la personne que l’on croyait connaître devient quelqu’un d’autre. Telle est l’obsession au cœur du récit tortueux de Joseph Andras.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
Le journaliste examine, l'historien élucide, le militant élabore, le poète empoigne ; reste à l'écrivain de cheminer entre ces quatre frères : il n'a pas la réserve du premier, le recul du second, la force de persuasion du troisième ni l'élan du dernier. Il a seulement les coudées franches et parle à même la peau, allant et venant, quitte à boiter, entre les certitudes et les cancans, les cris du ventre et les verdicts, les larmes aux yeux et l'ombre des arbres.
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Chirac perdait patience – le Premier ministre, écrira l'officier général de gendarmerie Alain Picard en 2008, était « persuadé qu'une libération simultanée des otages du Liban et de Nouvelle-Calédonie lui permettrait de prendre un avantage décisif sur François Mitterrand ». Il décida de renforts : le 11e régiment parachutiste de choc – connu pour sa maîtrise de la « pacification » en Indochine puis en Algérie et commandé un temps par un certain Aussaresses, l'auteur de sinistres Mémoires – ainsi que le commando Hubert.
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“Écrire à propos d’Alphonse Dianou, et de la lutte du peuple kanak pour son indépendance, ne se fera pas sans l’approbation et l’implication des premiers concernés. La fiction permet cette liberté, mais la réalité impose un consensus. Car la lutte continue” – et à cette manière combien singulière qu’il avait, attablé, de mouvoir ses si longues mains dans le clair-obscur de la salle tout en parlant, grave, ferme, la voix sans un tressaut et les yeux forant ceux de son interlocuteur. Il m’avait avoué ses vives réticences initiales – “C’est aux nôtres d’écrire notre histoire” – et la révision de son jugement après qu’il eut discuté avec sa tante, la sœur d’Alphonse Dianou.
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L’opportunité parfois me fut donnée d’approcher cette espèce, ici ou là, anciens insurgés d’Asie ou d’Orient, d’échanger avec d’autres, qu’ils soient indigènes du Chiapas ou prêts à tant pour la cause kurde, rescapés d’un Chili écorché ou simples citoyens continuant, dans le bas bruit de nos villes anonymes, de nos villages, de nos quartiers, de syndicats en réunions, de places en défilés, de tracts en feuilles de chou, à démentir la puissance de l’argent et la “démocratie” des bien lotis.
Ceux-là me sont, disons, familiers. Je crois saisir ce qui se trame dessous leur peau depuis bien des siècles. Ceux-là peuvent tout donner, temps, chemise et nuits blanches – sans souci des honneurs ni de la gloire, jamais, du fric ni des regards, jamais –, puis tout briser d’un revers de leur main de fer : ceux-là sont d’une espèce invivable à qui la vie doit tant.
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L’alcool, reprend Hélène, le préoccupait au plus haut point. Le colonialisme l’a apporté dans ses bagages et il pourrait pas à pas, soupire-t-elle, avoir la peau du peuple kanak. Je songe une fois encore au jeune Hô Chi Minh, pestant dans de bien puissantes pages, d’un Paris qu’il habita plusieurs années au sortir de la Grande Guerre, contre “l’empoisonnement des indigènes” rendu possible par l’augmentation des débits d’alcool et d’opium, “la baïonnette de la Civilisation capitaliste” et “la croix de la Chrétienté prostituée”.
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Vidéo de Joseph Andras
Qui sont les représentants en librairie ? Ces hommes et ces femmes de l'ombre, qui sillonnent les routes de France dans des voitures chargées de livres pour faire le lien entre les maisons d'édition et les librairies ? Elisabeth Segard, journaliste à Livres Hebdo, est allée à leur rencontre pour brosser le portrait robot de l'une des professions les plus discrètes et les plus influentes de la chaîne du livre. Dans la deuxième partie de l'épisode, Lauren Malka nous emmène au coeur de la Goutte d'or, à Paris, pour y découvrir la Régulière, une librairie-café présentée par sa fondatrice Alice et par l'écrivaine Chloé Delaume, au micro de Lauren, comme “une véritable oasis de culture”.Enfin, la clique critique de Livres Hebdo se réunit pour vous parler non seulement de ses coups de coeur de février, mais aussi de ce que ces livres dessinent dans le paysage éditorial de ce début d'année. Entre essais, BD et romans, les genres sont variés : Histoire de Jérusalem, de Vincent Lemire et Christophe Gaultier, publié aux Arènes ; Littérature et révolution, de Joseph Andras et Kaoutar Harchi, publié aux éditions Divergences ; Insula, de Caroline Caugant, publié au Seuil ; Les yeux de Mona, de Thomas Schlesser, publié chez Albin Michel ; Rousse, de Denis Infante, publié chez Tistram ; Abrégé de littérature-molotov, de Macko Dràgàn, publié chez Terres de feu. Un podcast réalisé en partenariat avec les éditions DUNOD, l'éditeur de la transmission de tous les savoirs.Enregistrement : janvier 2024 Réalisation : Lauren Malka Musique originale : Ferdinand Bayard Voix des intertitres : Antoine KerninonProduction : Livres Hebdo
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