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EAN : 9782072964176
176 pages
Gallimard (21/04/2022)
3.79/5   40 notes
Résumé :
De Kibogo, le fils du roi, ou du Yézu des missionnaires, lequel des deux est monté au ciel ? Qui a fait revenir la pluie, sauvant ainsi son peuple de la sécheresse et de la famine ? Est-ce Maria de la chapelle ou la prêtresse de Kibogo qui a dansé sur la crête de la montagne au-dessus du gouffre ? Au Rwanda, colonisation et évangélisation avaient partie liée. En 1931, la destitution du roi Musinga qui refusait le baptême entraîna la conversion massive de la populati... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Scholastique Mukasonga nous livre un récit très intéressant, un peu comme un conte, sur l'évangélisation du Rwanda par les colons.
Lors des veillées, on raconte l'histoire de Kibogo, fils du roi Ndahiro. Alors qu'une grande sécheresse sévissait sur le Rwanda, Kibogo est allé sur la montagne proche de son village, le mont Runani, pour invoquer la pluie. Sous les yeux de trois enfants, Kibogo a été foudroyé, c'est ainsi que selon la légende, il est monté au ciel.
A leur arrivée, les prêtres blancs interdisent cette montagne, symbole des rites païens.
Akayézu, choisi par les missionnaires, entre au séminaire où il apprend la bible.
Revenu dans son village, il prêche en se ré appropriant celle-ci, persuadé qu'il y est raconté l'histoire des rwandais et non celle de Jésus.
Puis arrive un professeur, ethnologue blanc, qui s'intéresse aux traditions rwandaises et qui se fait raconter les témoignages des survivants de l'époque de Kibogo. Ces derniers apportent des ajouts et des embellissements à leurs récits qu'ils livrent contre la promesse d'avoir leur nom inscrit dans un livre.
Avec humour, l'auteure nous montre les conséquences de la colonisation et de l'évangélisation sur la culture d'un pays.
A travers l'histoire de quelques personnages, Scholastique Mukasonga nous parle du mélange des deux cultures où fort heureusement l'influence des blancs n'a pas anéanti toutes les croyances qui font ce pays.
Un roman très agréable à lire pour une belle découverte du Rwanda !
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Dans les années 1930 et 1940, le Rwanda voit arriver des missionnaires blancs qui viennent apporter la vraie foi en Yézu et Maria. Ces deux divinités nouvelles pourront-elles enfin faire pleuvoir sur la plaine desséchée ? Ou bien faut-il pour cela prier Kibogo, enlevé par le ciel un soir d'orage ? Les croyances s'affrontent, mais finissent aussi par se superposer et développer de nouveaux motifs, au gré des personnes qui les racontent et de celles qui les écoutent.
Dans quatre récits qui se suivent et s'emmêlent, l'auteure, tout comme les "tisseuses de contes" qui filent ces histoires, recrée à la fois la langue orale des conteurs, mais campe aussi ses personnages représentatifs : vieillards que l'on veut croire séniles mais qui sont dépositaires de la mémoire du peuple bien plus que les livre des Blancs, missionnaires qui ne voient que des superstitions païennes à combattre absolument, puis étudiants et chercheurs à la recherche de traces de sacrifices humains qui ne voient et n'entendent que ce qu'ils veulent, et parmi tous ces gens, les malheureux croyants ne sachant plus qui prier et tentant de concilier les rites ancestraux et les nouvelles instructions dénuées de sens.
Le plus beau dans ce tissage, c'est que les croyances qui semblent pourtant totalement opposées en viennent à se compléter et à se ressembler. Ainsi le séminariste défroqué réfugié sur la colline aux esprits et offrant du pain aux enfants, l'éminent professeur poursuivi par les nuages d'orage pour le punir d'avoir profané cette même colline, et finalement, le petit garçon malin qui espère bien qu'en échange des mystères de son peuple, il pourra aller dans une vraie école. Mettre sur le même plan les croyances populaires et la religion chrétienne permet de voir comment elles se nourrissent les unes des autres et donnent ainsi de beaux motifs à ce tissu de contes, tout en faisant sourire le lecteur de parvenir à ces rapprochements inattendus.
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Sur une des mille collines rwandaises, la nuit où les conteuses à la lueur des braises rougeoyantes rappellent les croyances ancestrales, les héros de légende et les généalogies mythiques, s'oppose au jour des Padri qui annoncent d'autres héros, christianisent et baptisent à tour de bras. A commencer par le nouveau mwami Mutara III placé sur le trône par l'autorité de tutelle parce que le précédent Musinga refusait le baptème.
Les villageois syncrétisent Yézu et Kibogo, tous deux montés au ciel, et ne savent pas trop qui de Maria ou de Mukamwezi, prêtresse de Kibogo, a mis fin à une grave sécheresse. Akayézu (petit Jésus)) un ancien séminariste, tente la soudure entouré de quelques femmes à sa dévotion, parmi lesquelles une « femme libre » d'Astrida (actuellement Butare) Sur la montagne sacrée, interdite d'ascension, Ajayézu s'unira mystiquement à Mukamwezi, et tous deux disparaîtront dans un nuage à moins qu'ils n'aient été précipités d'une roche pointue. Pour reconquérir ce morceau de terre où subsiste un paganisme intégral et donc péché mortel, les Padri y élèveront une chapelle à Maria.
Quelques années plus tard, arrive un professeur ethnologue belge – et franc-maçon, horresco referens – il a eu vent des traditions de la colline, et vient recueillir les témoignages des survivants, fort âgés et à la mémoire défaillante. Qu'importe : ils compensent par des ajouts et des embellissements, et les jeunes, qui avaient transgressé l'interdit, en remettent une couche, tous attirés par le matabiche et la perspective d'avoir leur nom dans un livre des Blancs, promesse du professeur. Promesse non tenue : le professeur décède dans un accident d'avion. Vengeance de Kibogo, assurément. Lui aussi peut agiter le ciel et déclencher la foudre, le conte de Kibogo ne vaut-il pas celui de Yézu ? Et dans le secret profond de la nuit, les conteuses tissent et retissent encore le conte de Kibogo. (p. 153-154).
Une écriture simple, quotidienne, avec un petit aspect ethnologique nullement dérangeant, les mots de kinyarwanda sont nombreux, mais toujours traduits, ils nous introduisent à une autre connaissance du Rwanda. L'attachement au pays est prégnant chez les protagonistes et chez l'auteure. L'espérance est sous-jacente de la restauration de la grandeur passée.
Délectable et truculent : une perle de justesse dans l'observation, d'humour léger et d'ironie acide sur la destructuration des sociétés traditionnelles et le choc des croyances, une des faces du choc des cultures. Nourrie dans le sérail, Scholastique Mukasonga sait de quoi elle parle.
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Je vous emmène au pays des mille collines, et plus particulièrement auprès de l'une d'entre elles, le mont Runani, au pied duquel se situe ce roman. En quatre tableaux d'époques différentes, de la Seconde guerre mondiale aux années 60, Scholastique Mukasonga nous fait vivre l'évolution de l'évangélisation au Rwanda, et de sa cohabitation avec les cultes et coutumes plus ancestraux.

Le fil rouge ? Kibogo, fils du roi Ndahiro, qui, en des temps lointains et selon ce qu'on raconte, monta au sommet du mont Runani pour sauver son peuple de la famine, y fut foudroyé et emporté au ciel, ce qui lui permit de faire tomber la pluie et arrêter la sécheresse qui sévissait alors. Les tableaux ? Ruzagayura (nom de  la grande famine de 1943), Akayezu, Mukamwezi et Kibogo. Les protagonistes ? Les padri, qui, du haut de leur supériorité, incitent cette population païenne à prier Yezu et Maria ; les anciens, qui connaissent les histoires qui se transmettent de génération en génération et sont plus enclins à invoquer l'aide de Kibogo ; Akayezu, séminariste dont les croyances font se rejoindre Bible et tradition ; Mukamwezi, vierge prêtresse consacrée à Kibogo ; un ethnologue passionné par les sacrifices humains… puis ces vieillards et enfants qui sont la voix des villageois…

Scholastique Mukasonga nous offre ici un beau conte, fait lui-même d'autres contes, comme ceux que l'on raconte lors des veillées. Si le début est assez dur (exploitation par les colons, sécheresse et famine), elle nous donne également, avec beaucoup d'humour et de tendresse pour ses personnages, un regard intéressant sur ce travail missionnaire de l'époque, et du recours à la religion chrétienne ou aux pratiques et coutumes locales au gré des intempéries et des besoins, et sur ce processus d'acculturation qu'Akayezu représente. Et de la grande famine aux récits au coin du feu, nous ne sommes pas plus avancés en refermant notre livre : finalement, qui, de Kibogo ou de Yezu et Maria, fait tomber la pluie ?

En résumé, un roman intéressant qui appréhende avec humour l'évangélisation du Rwanda.
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L'évangélisation du Rwanda a commencé avec les missionnaires d'Afrique au début du XXe siècle. Dans ce roman, Scholastique Mukasonga montre toute la difficulté d'imposer les dogmes catholiques aux Rwandais, profondément ancrés dans les croyances ancestrales.

Terrassés par une catastrophe naturelle, les Rwandais se tournent naturellement vers les offrandes païennes. Pendant la dernière guerre mondiale, une terrible période de sécheresse a installé la famine dans le pays. Kibogo est alors monté sur le mont Runani. Foudroyé, il est monté au ciel. Son sacrifice a amené la pluie. Seuls trois hommes du village ont assisté à la scène. Depuis, le mont Runani est une montagne païenne, interdite par les prêtres blancs.

« Vos contes pour les veillées, disaient les pères, nous les conservons pour vos enfants et surtout pour vos petits-enfants quand ils seront évolués, civilisés, lettrés. Alors nous leur expliquerons ce que vos histoires voulaient vraiment dire et que vous étiez incapables de comprendre parce qu'elles annonçaient notre venue pour vous révéler le vrai Dieu. »

Mais on ne dépouille pas aussi facilement un peuple de sa culture. Akayézu a un destin. Choisi par les missionnaires pour entrer au petit-séminaire, il connaît la Bible. Et il se l'approprie.

« Maintenant, Akayézu en était certain, ce n'était pas l'histoire des juifs que racontait la Bible, pas même celle de Yezu, mais celle des Rwandais.»

Venu officier dans sa colline, il adapte ses sermons avec les contes locaux. Il distribue le pain aux enfants, s'entoure d'une cour de femmes fidèles telles des apôtres et sa targue même de miracle. Son objectif est de réunir les esprits de Yezu et Kibogo en évangélisant sa dernière disciple, Mukamwezi. Lorsqu'ils montent sur le mont Rumani pour faire revenir Kibogo, un terrible orage frappe durement le bois et les païens. Une fois encore, trois garnements sont témoins du drame.

Les prêtres blancs veulent sauver le mont Runani avec une procession et une statue en l'honneur de Maria.

« On dirait, remarque le professeur, qu'on l'a érigée là pour interdire aux Rwandais de se réapproprier leur passé. »

Mais les tisseuses de conte continuent à croire en Kibogo. Chacun fait valoir son histoire, vieux témoins séniles de la montée au ciel de Kibogo ou jeunes garnements plus instruits, fiers de leur culture.

Un peu court, ce roman utilise l'humour pour montrer les conséquences de la colonisation et de l'évangélisation sur la culture d'un pays. Scholastique Mukasonga nous livre une satire, un conte riche en péripéties très agréable à lire. Et montre fort heureusement que les croyances ne meurent pas aussi facilement.

Lien : https://surlaroutedejostein...
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
"Les fleurs, c'est pour la guerre. Nous autres, les rwandais, on nous a dit : on doit faire des efforts pour la guerre, la guerre des Belges, la guerre des Anglais, la guerre des Allemands, la guerre de tous les Blancs. Ces fleurs, c'est des médicaments pour les soldats qui font la guerre. Ca tue les moustiques qui les attaquent, qui donnent la malaria. Il faut beaucoup de fleurs. L'administrateur l'a dit au chef, le chef me l'a dit : c'est pour ça qu'il me faut vos enfants, a dit le colon blanc, c'est ce qu'il faut pour cueillir les petites fleurs."
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"Vos contes pour les veillées, disaient les pères, nous les conservons pour vos enfants et surtout pour vos petits-enfants quand ils seront évolués, civilisés, lettrés. Alors nous leur expliquerons ce que vos histoires voulaient vraiment dire et que vous étiez incapables de comprendre parce qu'elles annonçaient notre venue pour vous révéler le vrai Dieu. Eux, vos petits-enfants, ils seront capables de le les lire sans y croire. Vous, vous êtes à peine sortis des chaînes de Satan, vous croyez encore plus qu'à moitié aux sornettes des sorciers. Il vous faut d'abord oublier tout ça et écouter seulement l'histoire du vrai Dieu. Pour vous qu'il n'y ait plus que cette histoire !"
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-Vous savez qui est Akayézu ? C'est un ancien séminariste. Il était devenu fou. C'est pour ça qu'on l'avait renvoyé du grand séminaire. On ne sait pas s'il se prenait pour Yézu à cause de con nom ou pour Kibogo à cause des légendes que racontait sa mère. Il y avait un tas d'histoires qui couraient sur lui. C'était comme les contes de ma grand-mère. Il distribuait du pain à tous les enfants : avec seulement deux boules, il y en avait pour tout le monde. On prétendait qu'il avait ressuscité un bébé, maintenant c'est une petite fille qui fait la guérisseuse. Il avait des apôtres comme Yézu mais ses apôtres, c'étaientd es femmes, et même des femmes libres qui étaient revenues de Kigali avec leurs métis et leurs maladies.
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-Des histoires, il en faut pour toutes les oreilles. Et si les padri m'en demandaient une assaisonnée à leur goût, je leur en servirais tout autant. Ne te fâche pas. Et d'ailleurs, tu ne peux rien contre mes paroles. Elles ne s'envoleront pas comme celles de contes. Elles ne se dissiperont pas dans la mémoire étourdie des enfants. Elles sont déjà loin. Elles traverseront les océans. Elles resteront écrites dans le livre du professeur comme les paroles de Jésus dans ton Evangile.
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Le catéchiste se risqua à intervenir:
"Mais Maria, la statue, vous ne pouvez pas y toucher, c'est monseigneur lui-même qui l'a donnée à notre colline, on ne peut pas y toucher, ce serait péché, péché mortel, et cela nous porterait certainement un grand malheur. Non, non, vous ne pouvez pas...
-Allons, dit le professeur, on va juste déplacer votre statue; la Sainte Vierge, elle ne va quand même pas entraver la science. On se croirait en Vendée ou en Bretagne", ajouta le professeur à l'un de ses assistants.
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Vidéo de Scholastique Mukasonga
Ce dimanche 7 avril 2024 marque les 30 ans du dernier génocide du XXe siècle, celui des Tutsi au Rwanda. le pays a-t-il achevé sa reconstruction après l'horreur ? Comment se passe la cohabitation entre les victimes et leurs bourreaux, en grande partie sortis de prison depuis quelques années ?
Pour en parler et analyser la situation, Guillaume Erner reçoit : Hélène Dumas, historienne, chargée de recherches au CNRS au Centre d'études sociologiques et politiques Raymond Aron. Scholastique Mukasonga, écrivaine rwandaise. Dominique Célis, écrivaine belgo-rwandaise.
Visuel de la vignette : Alexis Huguet / AFP
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