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EAN : 9782213721866
312 pages
Fayard (04/01/2023)
4/5   4 notes
Résumé :
Dans la famille, on dîne avec les héros : le grand-père aviateur, tombé en mission ; les anciens résistants, vivants ou morts, fiers d’être du « parti des fusillés » ; le père, qui côtoie Thorez au Comité central, l’accompagne à Moscou, et dont la parole résonne au Palais Bourbon comme devant les usines occupées.
De ce père ouvrier, le fils ne raconte pas la vie mais la légende : chaque défilé à drapeaux rouges, c’est Lénine et le père qui marchent en tête. E... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Interpellé par sa superbe couverture et conquis par le résumé de « L'enfant Rouge » je me suis plongé dans le témoignage de Jean Védrines qui, après avoir évoqué son grand père Jules mort aux commandes de son bimoteur en inaugurant la ligne Paris-Rome en 1919, raconte la vie de son père Henri, orphelin à 7 ans (1911-1995) qui fut secrétaire général de la CGT de la métallurgie puis député communiste de l'Allier de 1945 à 1958 et de 1968 à 1973.

Henri Védrines (un patronyme qui rime avec Lénine et Staline) est le seul communiste à avoir gagné une circonscription lors des législatives de 1968. Cet électricien est entré dans la légende comme meneur syndicaliste en 1936 puis comme résistant, prisonnier et déporté (1940-1945).

Son fils Jean grandit entouré des photos de Marcel Cachin, Maurice Thorez, Krouchtchev, Tito, découvre les locaux du Parti, et écoute religieusement les discussions des camarades. Avec un ami de son âge, il explore Montluçon et l'Allier, creuse l'histoire locale jusqu'à ses racines romaines et s'émerveille de l'architecture régionale.

En 1968, âgé d'une dizaine d'années, il accompagne ses parents durant un congés printanier qui les conduit à Nice où son père est convoqué par les instances du parti. En mai les « événements » l'enthousiasment ainsi que sa mère, pendant son père déprime … Jean découvre les fissures de la légende et comprend que l'allégorie « résistant, prisonnier et déporté » est remise en cause. Contestation qui ne va pas jusqu'à l'interroger sur le pacte germano soviétique de 1939.

L'histoire de cet enfant rouge m'a passionné car, né au Havre, municipalité communiste la plus importante d'Europe de l'ouest, je connais plusieurs camarades qui ont vécu des parcours comparables et ont progressivement perdu la foi communiste entre 1967 et 1990. Camarades qui passaient leurs étés dans des colonies de vacances en Crimée où, entre deux baignades, ils étaient endoctrinés par le parti et revenaient en récitant que le mur de Berlin avait pour but de ralentir l'exode des élites vers le paradis soviétique.

Mais Jean Védrines n'est pas seulement un « rouge » c'est un paysan « tricolore » (comme la couverture du livre) qui écoute et observe ses proches et nous transmet leur lumineux témoignage dans une langue émaillée d'expressions régionales qui m'ont rappelé « la mare au diable » et George Sand. Véritable poème en prose ce récit éblouit par la richesse de son lexique et la musicalité de ses phrases.

L'auteur conclut en confessant « Le père était l'homme de ses faiblesses et l'armée rouge n'avait pas voulu de lui. J'ai son chagrin maintenant ». Par delà ce chagrin, c'est un témoignage filial d'admiration que nous offre l'enfant rouge.

PS : sur mai 68 et le PC :
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Une belle et douce couverture et un titre qui m'a interpellé : "l'enfant rouge".
Qui est cet enfant rouge ?
Au mitan des années 1960, le narrateur avait 10 ans, et ce fut un tournant de son existence. La foi de son enfance commença à se fendiller, comme la foi de son père au même âge.
Son père: Henri Védrines, né en 1911, ouvrier, membre du PC à 20 ans, élu député de Montluçon à la Libération, proche de Thorez qu'il accompagnait à Moscou.
Fils d'un député communiste, l'auteur se rappelle ses jeunes années à Montluçon, ville ouvrière, cité antique.
L'auteur-narrateur va nous raconter à hauteur d'enfant, la vie de sa famille et des voisins.
Il y a le grand-père aviateur, tombé en mission ; les anciens résistants, vivants ou morts, fiers d'être du « parti des fusillés » ; le père, qui côtoie Thorez au Comité central, l'accompagne à Moscou, et dont la parole résonne au Palais Bourbon comme devant les usines occupées.
Il y a les copains d'école, en particulier, le petit voisin, qui lui va au catéchisme et raconte au petit Jean, la Bible. Les deux enfants vont alors se raconter L Histoire, que ce soient certains épisodes de la Bible ou le passé romain de Montluçon ou les récits familiaux (en particulier la vie du grand père mais aussi le passé de son père pendant la guerre).
"Les curés, je sais bien, mentent tout le temps. Gagarine, quand il habitait son Spoutnik, leur a cloué le bec une bonne fois : il a eu beau scruter l'espace par le hublot, jamais il n'y a repéré le moindre bon Dieu, ni un seul esprit à auréole planant et tournicotant dans le vide à la façon légère d'un cosmonaute."
Un roman récit au niveau des questionnements de l'enfant et de belles pages de souvenirs (de vacances, d'attente de son père devant le nouvel immeuble du siège du PCF à Montluçon..). Des questionnements sur certains non dits, mystères (en particulier, cet étrange voyage à Nice où son père est convoqué pour justifier des activités pendant la guerre, l'épisode savoureux de Clabert er sa boîte-cercueil "attentat" à l'usine où travaille son pére).
Un texte au niveau des souvenirs de l'enfant, et j'ai apprécié ces questions de cet enfant face à sa famille, à l'école, aux copains d'école.
De beaux souvenirs d'enfance à Montluçon, le passé ouvrier de cette région, les souvenirs d'engagement (de belles pages sur les souvenirs des histoires de la nourrice et des légendes de la Région). le souvenir des jeux d'enfants (digne de "la guerre des boutons", des jeux sur les ruines romaines...) et L Histoire qui se faisait. J'ai apprécié aussi les pages sur mai 68 et les réactions de son père communiste et des articles de l'Humanité à l'époque.
Un beau texte d'un enfant en hommage à sa famille et nostalgique des ces périodes de militance, d'engagement.
Hasard de mes lectures, c'est le troisième livre que je lis sur des textes d'enfants qui se questionnent sur les engagements politiques de leurs parents, et en particulier, des engagements communistes : avec Fièvres rouges de Judith Rocheman et Enfin libre de Lea Ypi (qui se passe en Albanie).

#Lenfantrouge #NetGalleyFrance
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Dans L'enfant rouge, Jean Védrines raconte sa jeunesse à hauteur de l'enfant qu'il était. Décrivant l'univers des militants communistes, il confronte ses souvenirs aux documents qu'il a retrouvés pour comprendre l'histoire à la fois de l'engagement de ses parents, mais aussi de leurs déceptions, au fil du temps.

Un brin d'histoire
Dans la famille Védrines, il y a tout d'abord le grand-père, Jules, pionnier de l'aviation. Celui qui a posé, en 1919, son biplan de toile et de bambou, léger comme une plume, sur le minuscule toit des Galeries Layettes. Mort en héros, pulvérisé dans son engin !

Il y a aussi sa mère, originaire de la Haute Loire. Et son père, véritable Lénine des luttes à Montluçon. Et, lui, le petit qui raconte sa jeunesse au cours de trois périodes, ses 6/8 ans, puis vers 11 ans, puis au début de son adolescence.

La chaise à Cachin, la fédé et aussi Maurice au bon sourire (Thorez, pour ceux qui n'auraient pas trouvé ! ), il y a aussi le massacre de Charonne et toujours les défilés des luttes, toujours les manifs !

Alors, du haut de ses six ans, Jean Védrines sème ses souvenirs en y mélangeant son ressenti d'adulte. Lorsque l'adulte essaye de prendre position, devant l'idolâtrie du parti, par exemple, il est rattrapé par le môme de six ans qui admire tellement la figure paternelle, même si elle lui fait peur et même s'il ne comprend pas tout. le monde de l'enfance est revisité, ou inversement, par l'adulte qui écrit !

Alors,
La génération des parents est celle de la mort, omniprésente, ceux de la dernière guerre déjà, mais aussi ceux des luttes de l'après où la violence est au coin de la rue. Alors, l'enfant exprime avec poésie tout ce monde passé par son attirance pour la Place des Poteries, surnommée celle du Colonel Fabien, où il ressent l'onde des morts du charnier romain qui y demeurent.

Jean Védrines décrit le rêve, le jeu, l'instant présent de l'enfance, ses préoccupations métaphysiques pour comprendre le monde, ou du moins, pour tenter de l'appréhender et de l'apprivoiser.

Du côté des parents, Jean Védrines dépeint l'entre-soi et le secret à outrance, la méfiance maladive et même la désillusion qui blesse. Malgré tout, le parti reste la famille, sorte de collectif indispensable, où il faut s'oublier pour être le garant de l'espérance et de la fierté ouvrière.

En conclusion,
Le roman L'enfant rouge entremêle le récit puissant d'un gamin qui découvre qu'au-delà des souvenirs, la réalité de l'engagement de ses parents s'est accompagnée de désillusions qu'il a fallu mettre de côté pour poursuivre le chemin des luttes.
Lien : https://vagabondageautourdes..
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Un fort beau livre qui m'a fait penser à mon papa, mort cette année. Il était né en 1931 en Bretagne et n'avait connu de la guerre que les Allemands qui venaient réclamer du beurre. Il a ensuite émigré en Ile de France pour trouver du travail et a rencontré ma mère (morte elle aussi en 2018). La couverture est très belle aussi : le rouge et le blanc coincé entre deux couches de bleus froids.
Tout le monde n'a pas la chance d'avoir des parents communistes, communistes durant l'occupation allemande nazie, c'était dangereux. Quelle a dû être la désillusion du papa de notre petit héros, Jean lorsqu'il a réalisé ce qui se cachait derrière le rideau de fer. Un drapeau l'URSS, rouge qui arborait la faucille et le marteau, ça devrait rendre méfiant, mais non. Lui ce que voyait le papa de Jean, c'était la solidarité, l'égalité, la victoire du prolétariat, pas les camps de la mort russes où étaient déportés tous les opposants au régime. Il faut reconnaître que les russes ont le goût pour les dictatures impériales, passées et présentes. L'ère Gorbatchev a été de courte durée, malheureusement.
Quel héros que ce père, interné dans un camp de détention allemand, évadé puis récupéré, pour ensuite être dans un camp de transit russe avant de pouvoir revenir en France, alors qu'il était sur le front de l'est ! Silencieux, taiseux (une vraie maladie comme mon père), c'est par petits bouts que son fils reconstitue son histoire épique, haute en fait d'armes et en bravoure.
Décidément, le grand-père aviateur mort tragiquement, le père et l'auteur forme une famille exceptionnelle. et j'espère que l'auteur dont je n'avais jamais lu de livre, mais dont je vais m'empresser de découvrir les précédents, continuera son chemin d'écriture.
Merci aux éditions Fayard et à NetGalley de m'avoir permis de découvrir ce texte en avant première
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critiques presse (1)
LeFigaro
16 février 2023
Fils d’un député communiste, l’auteur se rappelle ses jeunes années à Montluçon, ville ouvrière, cité antique. Un roman puissant.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
(…) gamin : t'as remarqué que le vent qui te mord souffle de l'est, des steppes ?

Tends mieux l'oreille, là, comme ça : oui, dans ce coin d'l'atelier... T'entends pas autre chose, dans Ie raffut de la bourrasque ?

T'entends pas comme des grosses voix d'hommes, un chœur qui chante contre le froid, la mort ? C'est un chant russe, gamin. .. Le chant d'Octobre, là-bas...

Et t'as pas besoin d'en saisir les paroles, d'en deviner ce qu'y dit, les broutilles, le détail : tout de suite, hein ?, tu sens la force qu'il donne, la chaleur, le bon feu...

Faut les suivre, Henri, y aller, y emboîter le pas... Chante, mon gars, chante avec moi le vent et la tempête, chante à tue-tête et tu seras, et on sera sauvés.. . »
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Des années plus tard, j’ai lu Jules Verne l'arpenteur, moi aussi, un des rares auteurs où j'ai bien voulu suivre le père très longtemps. (Dans nos premières lectures, on suit sans y penser les parents, la maîtresse d'école, on n'entre pas là-dedans tout seul, on ne pourrait sûrement pas, tant est impérieuse la voix écrite à laquelle on va se donner, tant c'est l'autre monde, l'étrangeté, l'oubli de soi.)

Mais, à partir de onze, douze ans, tout roman que le père recommandera me semblera âpre, impénétrable, non que le livre le soit, mais parce que je ne peux plus lire par-dessus son épaule, ou comme s'il m'accompagnait, même de loin, à bonne distance. Plus jamais avec sa voix, son souffle - la parole prodigieuse que jusqu'alors je lui avais prêtée.

Si, dans une autre maison, je réussis à devenir Nemo, si mon nom est enfin Personne, c'est que je n’accueille plus le père.
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Ça empêche pas qu'il se portait toujours premier pour la grève. Ou pour décider les autres, les entraîner à réclamer leur dû, se bagarrer. Toujours lui qui allait en délégation causer à l’ingénieur, au patron... En 1935, cinq fois il a été fichu dehors ! Pour manger, il acceptait de balayer, de trimballer des choses pas propres. Mais aucune usine n'en voulait : une tête dure, ils disaient tous. Un genre de Russe (note : Védrines ça sonne Lénine).
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Des syllabes de là-bas, j’ai entendu en regardant les sapins. Des « r » roulés, l'un sur l'autre, « Wer-macht », il me semble, et des « k » claqués en série, consonnes nazies, « Luckau, Luckenwalde » et, plus nettement, quoique moins violent, «Finsterwalde», le nom de la ville allemande que ce printemps j’ai sans cesse estropié devant Thollus. Sûr et certain : je venais de les guigner à la volée, sans y faire gaffe, quand j'avais feuilleté les liasses du père.
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Pour une fois, essaie de réfléchir, de te comporter en adulte. Je m'adresse à toi comme je ferais à un militant aguerri, quelqu'un qui serait expérimenté. Dans la lutte que nous menons, Jean, tu sais bien qu'on ne peut pas tout dire, qu'on doit garder absolument des secrets.,. Des secrets qui ont sauvé beaucoup de camarades pendant la Résistance.

Si ton père, pour une fois, te demande ce petit renoncement (pas de questions sur ce rendez-vous), c'est qu'il a de bonnes raisons. Et, bien sûr, le Parti aussi. ..

Retiens ça : un vrai camarade sait se taire. »

J'ai compris : dans son plastique marron, l'histoire du militant illégal sera bien du voyage.
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Vidéo de Jean Védrines
Romancier de la révolte et de la parole vive, Jean Védrines se lance avec "L'enfant rouge" dans une archéologie des convictions, à la fois sévère et lumineuse, placée sous l'exigence de la vérité. En savoir plus : https://www.fayard.fr/litterature-francaise/lenfant-rouge-9782213721866
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