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EAN : 9782251420684
528 pages
Les Belles Lettres (21/09/2016)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Quelques années après avoir présenté, dans Du monde clos à l'univers infini, les thèmes cosmologiques liés à la révolution astronomique des XVIe et XVIIe siècles, Alexandre Koyré entreprend, dans le présent ouvrage, de dépeindre de façon précise et minutieuse cette révolution elle-même, « c'est-à-dire l'histoire de l'évolution et de la transformation des concepts clés à l'aide desquels l’astronomie essaie d’ordonner ou de "sauver" les phénomènes – salvare phenomena ... >Voir plus
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Michel Foucault en parle mieux que moi : "Il y a des histoires tristes de la vérité : celles qu'endeuille le récit de tant d'erreurs féeriques et mortes ; tout au plus nous font-elles parfois la grâce d'un réconfort : les âmes rectrices dont Kepler guidait ses planètes définitivement elliptiques nous consolent de savoir qu'elles ne tourneront plus en rond ; l'orgueil de Copernic qui nous fit étoile rachète bien l'ennui de n'être plus au centre du monde.

Le livre de M. Koyré est tout ce qu'il y a de moins triste ; il raconte, d'une voix grave d'érudit, les noces merveilleuses et ininterrompues du vrai et du faux. Mais c'est encore nous qui, du fond de notre langage usé, parlons de vérité ou d'erreur et admirons leur alliance. L'autorité de ce travail patient et profond vient de plus loin : la rigueur dans la présentation de textes si peu connus et leur juste exégèse tiennent à un double propos d'historien et de philosophe : ne prendre les idées qu'en ce moment de leur turbulence où le vrai et le faux n'y sont point encore séparés ; ce qui est raconté, c'est un indissociable travail, en dessous des partages que fait ensuite l'histoire. Les ellipses de Kepler ne faisaient qu'une chose avec la sourde musique des nombres épars dans l'univers.

M. Koyré montre comment cette astronomie qui, pour nous, devient scientifique de Copernic à Kepler était soutenue par un grand projet pythagoricien. Freud veut que Copernic, Darwin et la psychanalyse aient été les trois grandes frustrations imposées par le savoir européen au narcissisme de l'homme. Pour Copernic au moins, erreur. Quand le centre du monde quitte notre sol, il n'abandonne pas l'animal humain à un destin planétaire anonyme : il lui fait décrire un cercle rigoureux, image sensible de la perfection, autour d'un centre qui est le luminaire du monde, le dieu visible de Trismégiste, la grande prunelle cosmique. Dans cette clarté, la Terre est affranchie de la lourdeur sublunaire. Il faut rappeler l'hymne de Marsile Ficin au Soleil, et toute cette théorie de la lumière qui fut celle des peintres, des physiciens, des architectes. La philosophie de l'homme, c'était celle d'Aristote ; l'humanisme, lui, est lié à un grand retour de la culture de l'Occident vers la pensée solaire. le classicisme s'établira dans ce monde clair, mais la jeune violence du Soleil une fois dominée ; le grand trône de feu dont s'enchantait la cosmologie de Copernic deviendra l'espace homogène et pur des formes intelligibles.

Kepler, lui aussi, est hanté de souvenirs qui remontent au-delà d'Aristote. Il lui fallut dix ans de calculs, c'est-à-dire de scrupules, pour arracher les planètes à la perfection des cercles, et dix ans encore pour reconstituer autour de ces ellipses un monde entièrement harmonieux ; il lui fallut ces vingt années pour faire entrer le problème physique du mouvement des planètes et de sa cause dans la vieille voûte lisse où la seule géométrie des sphères mouvait les choses célestes. Pas à pas, M. Koyré a restitué cette recherche, fidèle deux fois à celui qu'il a suivi : Kepler n'énonçait pas une vérité nouvelle sans indiquer lui-même par quel sentier d'erreur il venait de passer : ainsi était-elle sa vérité. Montaigne perdait les pistes et savait qu'il les perdait. Descartes, d'un geste, regroupe toutes les erreurs possibles, en fait une grosse liasse essentielle, la traite impatiemment comme le fonds diabolique de tous les dangers éventuels ; puis se considère quitte. Entre les deux, Kepler -qui ne dit pas la vérité sans raconter l'erreur. La vérité se profère à la rencontre d'un énoncé et d'un récit. Chose capitale dans l'histoire de notre langage : d'un côté, le récit va abandonner sa vocation simplement historique ou fantastique, pour transmettre quelque chose qui est de l'ordre du définitif et de l'essentiel ; quant à l'énonciation du vrai, elle va pouvoir se charger de toutes les modulations individuelles, des aventures et des vaines rêveries. En ce début de XVIIe siècle, le lieu de naissance de la vérité s'est déplacé : il n'est plus du côté des figures du monde, mais dans les formes intérieures et croisées du langage. La vérité s'écrit dans la courbe d'une pensée qui se trompe et le dit. C'est ce petit cercle, à hauteur d'homme, que Kepler a tracé en effaçant du ciel les grands cercles imaginaires où s'inscrivait la perfection des planètes.

Ce nouveau monde lumineux, dont la géométrie est de plein droit physicienne et qui, soudain, s'incurve dans le cercle minuscule mais décisif d'une pensée qui toujours reprend sa parole, on comprend qu'il ait été le paysage naturel d'une philosophie, d'un langage et d'une culture plus occupés de la vérité des choses que de leur être."

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Karim Benyekhlef - Directeur du Laboratoire de cyberjustice
Karim Benyekhlef est professeur à la Faculté de droit de l'Université de Montréal depuis 1989. Il est détaché au Centre de recherche en droit public depuis 1990 et en a assuré la direction de 2006 à 2014. Il a assuré la direction du Regroupement stratégique Droit, changements et gouvernance, regroupant une cinquantaine de chercheurs, de 2006 à 2014. Il fut aussi directeur scientifique du Centre d'études et de recherches internationales de l'Université de Montréal (CÉRIUM) de 2009 à 2012. Il assure actuellement la direction du Laboratoire de cyberjustice, qu'il a fondé en 2010. le Laboratoire de cyberjustice a obtenu en 2015 le Prix Mérite Innovation du Barreau du Québec. Il est titulaire de la Chaire de recherche LexUM en information juridique depuis octobre 2014. Il a reçu en 2016 la distinction Advocatus Emeritus (Avocat émérite) du Barreau du Québec. Il a été le titulaire 2019-2020 de la Chaire d'excellence Alexandre Koyré. Il est co-responsable de l'Axe Droit, cyberjustice et cybersécurité à l'OBVIA (Observatoire international sur les impacts sociétaux de l'IA et du numérique). Il dirige maintenant le projet «Autonomisation des acteurs judiciaires par la cyberjustice et l'intelligence artificielle» (Projet AJC) dans le cadre du programme de partenariat du CRSH (2018-2025). Ce projet vise à mettre l'intelligence artificielle (IA) au service des justiciables et des acteurs judiciaires afin d'accroître l'accès à la justice. AJC réunit, pour 7 ans, une équipe multidisciplinaire et internationale composée de plus de 50 chercheurs et de 42 partenaires représentant des centres de recherche, des institutions publiques, des professionnels du droit, des représentants de la société civile et des acteurs du secteur privé.
Conférence : Existe-t-il un juste usage et une réelle utilité de l'IA en justice ? Jeudi 5 mai 2022, 10h45 - 11h30 — Amphi mauve
Les promesses de l'IA sont nombreuses et relèvent parfois plus du marketing (économie de la promesse) que de la réalité. Qu'en est-il de l'apport de l'IA dans le champ de la justice? L'expression «intelligence augmentée» apparaît plus juste dans le champ de la justice. En effet, il s'agit plus d'assister le justiciable ou le professionnel que de se substituer aux décideurs, ainsi que l'illustre l'image chimérique et absurde du juge-robot. Les outils numériques peuvent contribuer à un meilleur accès au droit par des agents conversationnels, par exemple, et à faciliter, dans certains cas, l'accès à la justice, en particulier par le biais des plateformes de résolution en ligne des conflits. Dans tous ces cas, la tâche est difficile car le droit ne se laisse pas facilement encapsuler dans des formules algorithmiques. La sensibilité du droit au contexte socio-économique, voire politique, le rend évolutif et parfois difficilement saisissable et ces caractéristiques sont loin d'être des défauts. Une fois ces caractéristiques prises en compte et soupesées, l'intelligence augmentée peut contribuer à l'accès au droit et à la justice et ainsi faire oeuvre utile.
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